Réunis ce jeudi à la maison de l’Amérique latine à l’occasion d’une conférence de presse, les soutiens de Boualem Sansal passent à la vitesse supérieure. Pas question de se résigner à sa condamnation à 5 ans de prison ferme, confirmée en appel. L’heure est à « un tournant », à de nouvelles mobilisations.
Noëlle Lenoir, la présidente du comité de soutien international à Boualem Sansal le dit en anglais : « enough is enough ». Assez, c’est assez, après la déception du 5 juillet dernier, cette journée noire marquée par l’absence d’une grâce présidentielle tant espérée. La fête nationale algérienne n’a pas tenu ses promesses. La confirmation en appel des 5 années de prison ferme à l’encontre de l’écrivain est une nouvelle rebuffade qui marque l’échec de la voie diplomatique. Si la diplomatie de fonctionne pas, il faut d’évidence et d’urgence envisager d’autres formes d’actions.
Cette posture n’est pas nouvelle. Sa pertinence se voit confortée par les faits. Fondateur du comité de soutien, Arnaud Benedetti, le rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire, rappelle que le double silence des autorités algériennes et françaises n’est pas récent et que depuis l’origine, « le comité de soutien a fait le choix inverse, celui de parler et de se mobiliser ».
Sa conviction est faite, cette mobilisation est la meilleure manière de protéger l’écrivain et de faire pression sur les autorités. Elle s’intensifiera au niveau européen, international et bilatéral.
Au niveau européen, les amis de Boualem Sansal demandent que la renégociation de l’accord d’association entre l’Europe et l’Algérie soit suspendue. Le comité de soutien dénonce l’inertie dont fait preuve Kaja Kallas, la haute représentante de l’UE. Face à ce qu’elle appelle une « inaction administrative qui est devenue une inhumanité institutionnelle », Noëlle Lenoir envisage une plainte auprès de la médiatrice de l’Union Européenne, sur la base de l’article 2 de la charte de l’Union Européenne qui pose le principe du « droit à la vie ». Elle évoque une enquête sur la situation des droits de l’homme en Algérie.
Pour ce qui concerne l’internationalisation de son action, le comité a l’intention de saisir le haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies sur le cas Sansal. Jean-Michel Blanquer rappelle la dimension universaliste d’un combat « qui devient l’une de ces grandes affaires universelles que le monde a connues ». Il sollicitera l’appui de Lula en raison de la bonne relation du Brésil avec l’Algérie et de la sensibilité personnelle du chef de l’État brésilien aux causes touchant à la liberté d’expression.
Sur le plan bilatéral enfin, le comité invite le gouvernement à étudier toutes les pistes possibles de durcissement.
Face à la capacité de nuisance d’un régime qui peut refuser de recevoir ses citoyens sous OQTF, la France dispose en effet de quelques leviers : la dénonciation de l’accord de 1968 sur les visas ; plus largement la gestion des visas accordés aux ressortissants algériens, qui sont actuellement de l’ordre de 250.000 par an ; la possibilité de réduction du nombre des consulats algériens. Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger, rappelle le décalage entre le nombre des consulats algériens en France, passés de 18 à 20, et des consulats de France en Algérie, 3 seulement ; la réciprocité peut également être envisagée pour les autorisations de déplacements des diplomates des deux pays ; enfin, la question du monopole accordé à la grande mosquée de Paris par le président Tebboune pour la certification halal peut être interrogée.
Avec méthode, les amis de Boualem Sansal poursuivent leur combat. Ils ne sont pas seuls. Si l’apathie des exécutifs européen et français interroge et indigne par exemple un Pascal Bruckner qui dénonce « une impuissance volontaire », ils peuvent en revanche compter sur le soutien de nombreux élus. L’appui du parlement européen a été spectaculaire, avec une résolution votée à la quasi-unanimité. En France, la députée Constance Le Grip à l’initiative également d’une résolution de l’Assemblée Nationale appelant à la libération de l’écrivain rappelle qu’il s’agit de « la seule voie d’honneur, le seul chemin possible ». Le président du Sénat, de nombreux maires, mais également des personnalités du monde littéraire et intellectuel, et plus largement « la France qui lit » évoquée par Georges-Marc Benamou, s’inscrivent dans cette même dynamique.
Le tournant passe aussi par des symboles ! La résolution de l’Assemblée propose au président de la République de nommer Boualem Sansal ambassadeur de la francophonie. Un acte emblématique fort qui permettrait de sanctuariser l’écrivain. Le Comité de soutien international relancera l’idée… En attendant peut-être une autre consécration, un prix Nobel de littérature qui serait « un formidable message, un sacre » selon les mots d’Arnaud Benedetti. Peut-être l’un des prochains combats du comité !
Geneviève Goëtzinger
Présidente de l’agence imaGGe
Ancienne directrice générale de RFI
Membre de l’Académie des Sciences d’Outremer