Le Premier ministre a pris les devants. En annonçant qu’il devancerait la motion de censure de LFI en sollicitant la confiance du parlement dès le 8 septembre, François Bayrou a signé la fin de son bail à Matignon. Il ne rend pas forcément les armes pour autant.
Le Premier ministre devait créer un électrochoc. Malgré ses interventions sur YouTube, François Bayrou n’était en effet pas parvenu à secouer la torpeur estivale. La création de sa chaine YouTube « Bayrou Direct » n’a pas suscité l’effet de curiosité espéré. La parole de François Bayrou ne parvient pas jusqu’aux Français.
Pour l’électrochoc, c’est réussi. Il a surpris. Il a donné un grand coup d’accélérateur. Mais alors que son démarrage sur les chapeaux de roues devait dépasser et contourner les formations politiques et leurs stratégies partisanes pour atteindre directement les Français, il a foncé droit dans le mur des calculs électoraux des deux blocs extrêmes, LFI et le RN.
A peine, le chef du gouvernement avait-il conclu son propos que le parti de Jean-Luc Mélenchon annonçait qu’il voterait contre le gouvernement, suivi de près par Jordan Bardella qui réclamait un retour aux urnes. C’est-à-dire une dissolution, précisait dans la foulée Marine Le Pen qui annonce formellement un vote contre la confiance.
L’addition des voix du RN et de LFI avec celles des écologistes et des communistes est imparable. Ils représentent 264 députés, sans le PS. Alors que l’ex-majorité Ensemble pour la République, Horizon et Modem ne parvient qu’à 161 voix, 210 avec les Républicains. L’affaire est donc entendue. Sauf à trouver un petit trou de souris qui passe par un vote de soutien (et non une simple abstention) d’un nombre conséquent parmi les 66 socialistes et les 23 députés du groupe Liot. Ce qui parait bien improbable. Les socialistes ne peuvent être les sauveurs de Bayrou.
Le Premier ministre voudrait un vote sur un constat partagé : la situation financière du pays est grave et urgente. Mais la procédure qu’il a proposée s’appelle un vote de confiance. Or, les députés de l’opposition, par nature, ne peuvent accorder leur confiance à François Bayrou. Cela reviendrait à intégrer sa majorité. Les négociations pour obtenir une simple abstention du PS lors du précédent Budget ont démontré que ce pas très difficile à l’époque est aujourd’hui infranchissable. Du fait du climat social, de la proximité des élections municipales et de la présidentielle.
François Bayrou pense sans doute que la crainte du chaos engendré par sa chute pourrait conduire les Français à appuyer sa démarche. Le CAC 40 a fortement baissé après l’annonce du Premier ministre, clôturant en recul de 1,59 %, bien plus qu’en Allemagne ou en Italie, alors que les taux d’emprunt augmentaient aussitôt. De quoi apporter de l’eau à son moulin quand il insiste une nouvelle fois : « Nous sommes au bord du surendettement ». A condition d’être audible.
Peut-il trouver l’oreille des Français en deux semaines alors qu’ils n’ont jamais compris ses intentions depuis son arrivée à Matignon ? Il se veut l’homme d’un grand dessein – le désendettement – ils ne voient qu’un vieux routier de la politique qui additionne des mesures impopulaires pour assurer son maintien au pouvoir. Face à cette incompréhension, comment mieux prouver son désintéressement qu’en s’asseyant lui-même dans un siège éjectable ? Cela ne manque pas de panache. L’enjeu étant d’installer l’idée que les députés qui n’accorderont pas leur confiance au gouvernement sont les artisans d’un chaos économique et financier que, tout comme lui, les Français ne souhaitent pas. Un tel sacrifice peut-il changer une image ? Peut-être. Mais seulement au bout d’un certain temps, une fois que le sacrifice a eu lieu.
Finir censuré lors du vote du Budget aurait signé l’échec de François Bayrou à Matignon. Il serait resté comme celui qui n’a pas réussi à réduire les déficits. Il n’a pas voulu non plus se renier en édulcorant son projet et en réduisant trop peu la dette. En choisissant lui-même les termes de son départ, il prend date. Il veut rester l’homme du désendettement.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste