Deux de ses anciens Premiers ministres et tous les commentateurs de la vie politique l’ont dit sur tous les tons : Emmanuel Macron est le premier responsable de la crise politique qui dure maintenant depuis plus d’un an. Mais bien d’autres comme le Medef, qu’on omet souvent de citer, y ont pris leur part…
C’est entendu : en n’admettant pas de reconnaître, dès 2022, qu’il ne disposait plus d’une majorité absolue et en prétendant diriger le pays comme si de rien n’était, en décidant surtout de dissoudre deux ans plus tard l’Assemblée nationale et en envoyant ses propres troupes à l’abattoir, Emmanuel Macron a précipité la France dans l’inconnu et une instabilité gouvernementale chronique, façon IVème République. Mieux ou pis : lui, qui prétendait être un rempart au Rassemblement national, a affaibli le bloc central, et permis au parti de Marine Le Pen de progresser encore. Sans parler de l’image dégradée de la France aux yeux des observateurs internationaux.
Les partis dits « de gouvernement » ne sont pas non plus exempts de critiques. A commencer par Les Républicains qui, sur fond de divisions internes et de moult revirements, ont fini par donner le tournis, et d’abord à leurs électeurs. En menaçant, le dimanche 5 octobre en fin de journée, il y a dix jours, de ne pas participer au gouvernement au motif qu’il n’avait pas été mis au courant, après 2 heures de discussion avec Sébastien Lecornu, de la nomination de Bruno Le Maire au ministère des Armées, Bruno Retailleau a sérieusement dérapé. Plutôt que de réagir sur le fond dès la veille, après avoir reçu la pseudo-lettre d’engagement de Lecornu (qui ne s’engageait en fait à rien de précis), le ministre de l’Intérieur s’est embarqué dans une mauvaise affaire en se focalisant sur la personne de Le Maire, d’où son malaise perceptible dans les journaux télévisés et son incapacité, lui qui plaidait pour la stabilité gouvernementale, à expliquer clairement sa position. Pire, il se fait prendre de vitesse par un Lecornu vif-argent qui, en démissionnant le lundi à 9h du matin l’a démissionné du même coup, l’empêchant de mettre en scène son départ. Une perte de sang-froid qui a désarçonné les militants et les parlementaires de son parti entre lesquels la fracture est désormais profonde.
Quant à la volte-face de Laurent Wauquiez, elle ajoute à la confusion. Il y a encore quelques semaines, le patron du groupe LR à l’Assemblée défendait mordicus la réforme des retraites, plaidait pour une opposition résolue à tout gouvernement macroniste. Soudain, le voilà qui se prononce contre une censure du gouvernement, sous la pression de ses députés tétanisés à l’idée de retourner devant leurs électeurs si Macron s’avisait de dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale… Bref, les responsables de ce triste spectacle sont nombreux si on y ajoute les ruptures d’Edouard Phiippe et de Gabriel Attal au sein du bloc central, et les surenchères démagogiques de la France insoumise et du Rassemblement national.
Mais on oublie trop souvent de citer un autre acteur qui a sa part dans ce mauvais vaudeville. Lorsqu’il était Premier ministre, François Bayrou avait lancé le fameux conclave sur les retraites, espérant aboutir à un compromis entre les partenaires sociaux. La CFDT avait relevé le défi et joué le jeu au point d’accepter d’envisager l’hypothèse d’un âge légal de départ en retraite à 63 ans. Concession majeure conditionnée à une amélioration des carrières longues et de la retraite des femmes et à un accord avec le Medef sur la prise en compte de la pénibilité du travail dans le calcul des retraites.
Dans une interview au Parisien, en septembre 2024, le patron du Medef Patrick Martin avait lui-même fait preuve d’une certaine ouverture. On pouvait alors croire à un accord. Mais patatras ! Les chefs d’entreprise se raidissent. Plus question de discuter de la pénibilité. L’intransigeance du patronat a fait capoter une négociation qui semblait sur le point d’aboutir. Cet échec a entraîné, de fait, le départ de Bayrou et enclenché une nouvelle période d’incertitude. Est-ce bien là une attitude responsable de la part de Patrick Martin qui n’avait cessé de marteler que l’essentiel pour les chefs d’entreprise réside dans la stabilité gouvernementale qui, seule, permet de retrouver un peu de la confiance nécessaire pour investir ? Le Medef n’est donc sans doute pas le mieux placé aujourd’hui pour pousser des cris d’orfraie contre les 14 milliards de hausse d’impôts annoncés…
Carole Barjon
Editorialiste politique