Les élections municipales qui auront lieu dans une centaine de jours se dérouleront loin des instances nationales. Cet éloignement ne permettra pas de désigner un mouvement vainqueur de ce scrutin, malgré le poids symbolique des grandes villes. En revanche, les conseillers municipaux élus en mars pèseront sur le résultat des élections sénatoriales de l’automne. Leur vote sera représentatif du rapport de force politique réel dans tout le pays.
Les élections municipales pâtissent de l’omniprésence du débat politique national sur le Budget. Elles souffrent aussi des stratégies confuses des partis, d’abord obsédés par la présidentielle. Edouard Philippe, le premier Premier ministre d’Emmanuel Macron peut ainsi menacer de voter contre le budget proposé par l’un de ses anciens collègues dans une posture proche de celle des Républicains, lesquels, bien qu’opposants de toujours à Emmanuel Macron, siègent au sein du gouvernement. Les clivage droite-gauche, majorité-opposition demeurent, mais ils sont à géométrie variable.
Qu’en est-il de ce distinguo entre gauche-droite, majorité-opposition, extrême gauche et extrême droite aux municipales ? S’il reste prégnant au niveau des structures partisanes nationales, il est moins présent dans la grande majorité des communes. Plus la ville est petite et plus ces lignes de partage sont floues. Or, 85 % des communes ont moins de 2 000 habitants. Et même s’il est obligatoire de situer sa liste sur l’échiquier politique pour les communes de plus de 1 000 habitants, les étiquettes politiques sont dissimulées en bas de l’affiche au profit d’un intitulé local moins partisan.
Même dans les grandes villes, appartenir à un parti ne signifie pas coller à sa ligne. A Paris par exemple, alors qu’à l’Assemblée, les députes LR et Horizon défendent des visions politiques proches, pour les municipales, Horizon s’associe à Renaissance contre Rachida Dati entrée au gouvernement dès 2024 contre l’avis de LR à l’époque. A Bordeaux, les deux candidats de l’ancienne majorité macroniste tiennent si peu compte de l’autorité des instances parisiennes qu’ils préfèrent s’en remettre à un sondage pour les départager. A Lyon, c’est le président de l’OL, Jean-Michel Aulas, qui s’est imposé aux partis politiques.
A cette absence de leadership du national sur le local s’ajoute la coupure créée par le non-cumul des mandats. Un député maire pesait davantage dans les instances nationale que ne le fait un maire au mandat unique : les enjeux nationaux n’ont plus la même dimension dans une commune. La personnalité des potentiels alliés, leur histoire locale pèsent souvent moins que leur étiquette nationale. Un candidat RN local ne porte pas forcément la même histoire que Marine Le Pen, pas plus qu’un militant LFI celle de Jean-Luc Mélenchon. Les ententes locales ne sont pas ressenties par leurs auteurs comme ayant la même signification qu’une alliance nationale. Et puis, elles n’ont pas la même visibilité.
Pourtant, ces éventuels accords de premier ou second tour, prétendument cantonnés à des limites locales, ne seront pas sans conséquences sur les équilibres nationaux. Car pour l’élection d’un maire que pourra revendiquer son parti, combien de conseillers municipaux dont la sensibilité est autre ? Les délégués des conseils municipaux représentent 95 % des 162 000 grands électeurs qui voteront aux sénatoriales de l’automne 2026. Ils ne voteront pas forcément comme leur maire. Ce qui ne se vérifiera que dans ce deuxième temps.
L’évolution du rapport de force au Sénat ne sera pas sans conséquences sur la vie politique un an avant la présidentielle. La loi contre les narcotrafiquants, plutôt consensuelle, ou la loi Duplomb sur les contraintes pesant sur les agriculteurs, qui l’était moins, se sont imposées dans le débat par la volonté des sénateurs. Qu’en serait-il d’un Sénat dans lequel le RN occuperait une place plus importante ?
L’affichage de quelques succès dans les grandes villes pourrait bien n’être qu’un arbre isolé qui cache une forêt d’une tout autre nature.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste











