La région du Golfe est plongée dans une crise diplomatique depuis que l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn, l’Egypte puis quelques jours plus tard le Yémen et la Mauritanie ont rompu leurs relations avec le Qatar le 5 juin dernier. La Jordanie, quant à elle, a réduit le niveau de sa représentation diplomatique avec Doha. En cause, le soutien présumé du Qatar à plusieurs groupes terroristes et à l’Iran, premier ennemi de l’Arabie saoudite.
Cette rupture isole le petit émirat de 11 500 kilomètres2 non seulement diplomatiquement mais également géographiquement et économiquement puisque les frontières terrestres et maritimes ainsi que l’espace aérien de ces pays lui ont été fermés.
Ils ont par ailleurs demandé le renvoi des ressortissants qataris vivant sur leur territoire et l’Arabie saoudite a fermé les bureaux de la chaîne qatarie Al-Jazeera .
Oman et le Koweït, quant à eux, restent en retrait de cette crise et n’ont pas pris parti.
Mais pourquoi le Qatar est-il au centre d’une crise soudaine et majeure avec ses voisins ? S’il est officiellement en guerre contre le terrorisme, le Qatar est accusé de déstabiliser la région et de soutenir des groupes terroristes comme les Frères musulmans, l’Etat islamique et Al Qaïda. Pourtant, le Qatar n’apparaît pas sur les listes noires tenues par les Etats-Unis et l’Onu et répertoriant les pays soutenant le terrorisme. Mais pour les experts, la rupture des relations diplomatiques entre le Qatar et ses voisins est principalement liée à un rapprochement de ce dernier avec l’Iran chiite, grand rival régional de l’Arabie saoudite et avec lequel elle a rompu ses relations diplomatiques en 2016.
Pour certains spécialistes l’un des éléments déclencheurs de cette crise pourrait être la visite de Donald Trump en Arabie saoudite.
Lors de son déplacement le président américain s’est employé à réchauffer les relations entre son pays et l’Arabie saoudite en lui octroyant une place de leader du Moyen-Orient dans la lutte contre le terrorisme. Dans son discours du 21 mai devant des dirigeants du monde musulman, il a d’ailleurs appelé à « chasser les extrémistes et les terroristes » et a demandé à la communauté internationale « d’isoler l’Iran ».
La suspension par l’Arabie saoudite des liaisons aériennes avec le Qatar menace l’avenir des échanges commerciaux du Qatar puisque l’émirat dépend à 90 % des importations alimentaires. Ainsi, alors qu’elles représentaient 896 millions de dollars selon l’Onu, les exportations qataries vers l’Arabie saoudite vont être réduites à néant. Pour éviter les pénuries, des solutions quelque peu extraordinaires ont été trouvées. Pour assurer la continuité du ravitaillement en lait, la compagnie Qatar Airways va transporter 4 000 vaches depuis les Etats-Unis et l’Australie, un record puisqu’il s’agit du « plus gros transport aérien bovin de toute l’histoire » selon Bloomberg. De la même manière, l’Iran lui envoie, par avion, des denrées alimentaires qui correspondraient à près de 1 100 tonnes de fruits et légumes par jour.
En imposant ce blocus aérien au Qatar, l’Arabie saoudite semble avoir jeté l’émirat dans les bras de son ennemi iranien.
Plus d’un mois après le début de la crise, la levée des sanctions paraît peu probable, le Qatar ayant rejeté les conditions fixées par l’Arabie saoudite et ses alliés, une liste de treize demandes comprenant la réduction des relations entre Doha et l’Iran, la fermeture de la chaine Al Jazeera et d’une base turque au Qatar, notamment. Pour le ministre qatari des Affaires étrangères « Tout le monde est conscient que ces demandes sont destinées à empiéter sur la souveraineté de l’Etat du Qatar ».
Romane Guéchot