Le second tour des élections législatives n’étant pas encore passé, une incertitude plane sur le nombre d’élus que Les Républicains pourront compter. Mais une chose est d’ores et déjà certaine, LR ne sera plus la première force d’opposition à l’Assemblée nationale, comme lors du précédent quinquennat. Le parti de la droite dite républicaine poursuit sa lente atrophie, perdant peu à peu son influence, et même son sens, au sein de l’échiquier politique. Devenu pour ainsi dire inutile, LR doit disparaître !
Pour bien comprendre la situation de LR, il faut ausculter celui qui a été son champion hier et qui incarne aujourd’hui la figure du traître : Nicolas Sarkozy. Son pouls bat désormais au rythme de la macronie. Il refuse de soutenir Valérie Pécresse lors de l’élection présidentielle, préférant diner avec Emmanuel Macron. Il se détourne d’une députée LR des plus actives à l’Assemblée nationale, et des plus fidèles, Brigitte Kuster, au profit de sa rivale issue de la majorité présidentielle à Paris : Astrid Panosyan-Bouvet. Traitrise ? Pour ses anciens fidèles, pour ses anciens militants, et surtout pour ses anciens collègues et amis, c’en est une. D’un point de vue politique, son choix est des plus cohérents. Si LR n’appartient pas à Ensemble, c’est uniquement pour de mauvaises raisons.
Les deux tiers au moins des responsables politiques du parti de la droite historique ont un ADN totalement compatible avec, si ce n’est LREM/Renaissance, au moins avec Horizons, le parti d’Edouard Philippe.
Certains diront qu’au vu des compromissions d’Emmanuel Macron avec l’indigénisme, le multiculturalisme et désormais l’islamisme – compromissions naturelles pour la gauche libérale sachant qu’elle partage avec la gauche radicale une même base idéologique sociétale – un député LR ne saurait rallier la majorité présidentielle sans se renier. Raisonner ainsi serait faire preuve d’assez peu de jugeote, sachant que la politique n’est jamais affaire d’honnêteté mais de stratégies de pouvoir. Qui peut croire en effet que les membres de d’Horizons aient été favorables à la nomination de Pap Ndiaye au ministère de l’Education nationale ? Qui peut croire qu’ils aient été favorables à la nomination de Rima Abdul-Malak au ministère de la Culture ? A l’heure qu’il est, et depuis quelques temps déjà, ils rongent leur frein. Edouard Philippe est en embuscade. Le maire du Havre a beau être un rocardien repenti, il n’est absolument pas l’héritier de l’actuel César de la politique française, mais probablement son Brutus !
Rêvant d’une recomposition des droites libérales-modérées, il sera sans nul doute, plus que Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen, celui qui portera le premier coup de poignard au macronisme, au plus tard à mi-mandat.
Une recomposition du pôle libéral est donc à l’œuvre. L’unique question que doivent se poser les membres de LR est : la droite libérale est-elle le bon cheval pour 2027 ? Si la réponse est oui, alors ils doivent rallier Horizons et patienter. Si la réponse est non…
Ils ne seront pas très nombreux à répondre non, mais leur réponse importe car la fraction de LR à n’être pas miscible dans le social-libéralisme est suffisamment importante pour constituer une force politique à part entière. Réduite, certes, mais qui aura l’avantage d’être politiquement homogène, et donc cohérente et crédible, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La question que cette faction de LR doit se poser, au moment de saborder ce qui reste du parti historique de la droite, est : sur quelle base refonder un mouvement de droite qui ne soit ni Macron ni Le Pen, et qui puisse à court terme absorber les membres de Reconquête, de Debout la France, voire des Patriotes, et à moyen terme séduire ceux de Renaissance et du RN ?
Deux courants idéologiques essentiels pour la refondation de la droite ont vu le jour lors des dernières années, ce qui est assez inédit. Le premier est le conservatisme. Il a surgi dans les médias avec François Fillon au moment de la primaire de la droite de 2016, a été (mal) nourri pendant l’ère Wauquiez, et a succombé à son rachitisme trois ans plus tard, avec l’échec de François-Xavier Bellamy aux élections européennes. Exit le conservatisme. Le second est civilisationnel. Il a été initié par Eric Zemmour à l’automne 2021, et aura vécu encore moins longtemps. Exit la droite civilisationnelle. Que reste-t-il dans le corpus intellectuel des droites françaises qui soit alternatif au social-libéralisme d’Edouard Philippe et d’Emmanuel Macron, qui évite les écueils d’une droite conservatrice ou d’une droite civilisationnelle médiatiquement cramées tout en reprenant, sans en porter l’étiquette, les fondements de ces deux droites, et qui soit susceptible de rassembler largement les Français, depuis le prolétaire mariniste jusqu’au bourgeois macroniste ?
Il n’y a qu’une réponse. Qu’un courant. Qu’un nom qui puisse rallier aussi largement : De Gaulle.
Une évidence à laquelle plus personne ne songe car aujourd’hui tous les partis politiques, ou presque, se revendiquent de l’héritage gaullien, même à gauche. Le Général est omniprésent. Sauf qu’à force d’être partout, il n’est plus nulle part. Plus personne ne fait véritablement du De Gaulle. Plus personne n’ose même parler comme lui. De Gaulle a été enterré par ses opposants au sein de son propre camp de son vivant même, à commencer par Georges Pompidou en 1968, et l’enterrement solennel s’est poursuivi pendant plus de cinquante ans. Aujourd’hui, le terme même de gaullien, voire de gaulliste, a été vidé de sa substance. Or, ressusciter une droite non libérale aujourd’hui n’est probablement plus possible autrement qu’en ressuscitant De Gaulle.
Ce travail de retour aux sources, qui serait pour le coup une véritable « renaissance » politique, implique une gigantesque opération de phosphorescence intellectuelle gaullienne, bien au-delà des traditionnelles « universités d’été » où le tiède le dispute au réchauffé.
Un véritable parti gaullien historique pourrait encore être disruptif, et briser le cadre « bien-pensant » que ni le RN ni Reconquête ne sont parvenus seulement à fissurer. Toute la question est : Qui dans les responsables politiques et les intellectuels de droite pour faire renaître un tel mouvement ?
Frédéric Saint Clair
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