Le 23 juillet, Massoud Pezeshkian, actuel président iranien, a déclaré :
« Nous ne pouvons plus fournir d’eau à la population. Dans tous les domaines, nous sommes au bord du gouffre. Nous avons des problèmes d’eau, d’électricité, de gaz, d’argent, d’inflation… Où n’avons-nous pas de problèmes ? Il n’y a plus de choix possible : tout est affaire de contrainte. Je ne peux pas éviter de couper l’eau, car je n’ai aucune autre option. »
(Rouydad 24 – 23 juillet 2025)
Le président du régime évoque des crises, chacune ayant le potentiel de se transformer en explosion sociale.
La colère publique face aux difficultés de subsistance, au manque d’eau et aux coupures d’électricité s’intensifie. Même les médias proches du pouvoir reconnaissent :
« Les coupures prolongées et non planifiées perturbent la vie des citoyens. À Tabriz, la situation a atteint un point où la population est à bout. »
(Shahr-e Bourse – 23 juillet 2025)
Un autre rapport souligne :
« Alors que la population subit de longues coupures, les administrations, banques et organismes publics continuent de consommer sans restriction. Cette discrimination flagrante a doublé la colère des citoyens. »
(Shams Azerbaïdjan – 23 juillet 2025)
Des statistiques économiques alarmantes
En parallèle de ces alertes, les chiffres économiques dressent un tableau sombre de la situation. Selon Baharnews (7 août), le PIB est passé de plus de 600 milliards de dollars l’an dernier à environ 400 milliards, et pourrait tomber à 300 milliards. Ce déclin annonce une récession généralisée, une chute de l’investissement, la destruction des infrastructures productives et l’effondrement de la confiance publique dans l’avenir économique du pays.
Dans de telles circonstances, les gouvernements cherchent généralement à gérer la crise par des réformes structurelles ou des mesures de soutien social. En Iran, au contraire, la réponse se résume à la poursuite de la répression et à la fermeture de l’espace public.
Avertissements sociologiques et politique de répression
Dans son édition du 7 août, le quotidien Arman-e Emrooz — dans ses reportages comme dans l’analyse du sociologue Emanollah Qaraei-Moghaddam — décrit la gravité de la crise économique. Ce dernier avertit que « la détérioration continue de la situation pourrait conduire à des soulèvements massifs de la jeunesse ».
Ce n’est pas seulement une analyse académique : c’est le reflet d’une réalité qui traverse la société iranienne. « La jeune génération ne voit plus d’horizon devant elle, ni d’espoir d’amélioration par les voies officielles. »
Pour prévenir l’essor de ces contestations, le régime iranien intensifie les exécutions de personnes arrêtées au sein des unités de résistance.
Après la guerre des douze jours
Selon le site pro-régime Fararu (6 août) :
« Pour la première fois en cinquante ans, l’économie iranienne est entrée dans une ère d’érosion des infrastructures », et « les méga-crises que sont l’eau, l’électricité, le gaz, les fonds de retraite, les tempêtes de poussière, l’affaissement des sols et le déséquilibre de l’essence ne sont que la partie émergée de l’iceberg. »
Ce média affirme que seules « des réformes institutionnelles et structurelles » pourraient offrir une issue — réformes qui impliqueraient de réduire l’emprise du Guide suprême et des Gardiens de la révolution (CGRI) sur l’économie et la société.
Deux feuilles de route différentes pour un changement structurel
Après la guerre des douze jours avec Israël, la société iranienne a atteint ce qui pourrait être le moment de vérité du régime. Deux forces principales réclament un changement structurel :
- Des personnalités politiques et civiles de premier plan – De larges segments de l’appareil d’État, y compris certains religieux, soulignent régulièrement la nécessité de transformer le système politique actuel. Ils savent que sans réforme en profondeur, le régime est voué à s’effondrer.
- Des milliers d’unités de résistance à travers le pays – Principalement affiliées à l’opposition principale, l’Organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran (OMPI/MEK), elles constituent l’ossature de la résistance organisée. Selon elles, tous les leviers du pouvoir — militaire, policier, exécutif, judiciaire et législatif — sont concentrés entre les mains du Guide suprême, dont la seule ligne rouge est sa propre survie. Pour préserver son pouvoir, il n’hésite pas à recourir aux massacres, comme cela s’est produit à plusieurs reprises dans l’histoire récente.
Guerre ou négociation
Le régime fait face à des défis multiples :
- À l’international : il devrait abandonner l’enrichissement d’uranium et rompre définitivement avec ses forces par procuration, jadis atouts stratégiques.
- En interne : il devrait réduire progressivement l’emprise de l’IRGC sur l’économie et la politique, ainsi que le poids des forces répressives dans la vie quotidienne.
Abandonner ses politiques actuelles, même progressivement, coûterait extrêmement cher : plus de 2 000 milliards de dollars investis dans le projet ambitieux nucléaire au cours des décennies seraient partis en fumé. Un tel recul serait perçu comme un suicide politique. Mais s’il refuse, il risque d’être entraîné dans une guerre — qu’il n’a pas, selon Pezeshkian, la capacité de mener.
Sur le plan interne, même pour conserver une partie de la structure en place, le régime devrait s’orienter vers un minimum de libertés, fût-ce à pas lents. Mais ces concessions graduelles ne risquent-elles pas, à terme, de briser le filet d’oppression qui recouvre tout le pays ?
Le retour d’Ali Larijani
Le retour d’Ali Larijani — disqualifié lors de la présidentielle — à la tête du Conseil suprême de sécurité nationale, la plus haute instance décisionnelle du pays (peut-être même au-dessus du gouvernement), ne signifie pas nécessairement un tournant modéré.
Cependant, cette nomination pourrait être interprétée par certains, comme un premier pas de Khamenei vers un arrêt progressif de l’enrichissement d’uranium sur la scène internationale. À l’intérieur, elle pourrait viser à réintégrer certaines factions du pouvoir, éloignées et favorables à des réformes, en leur accordant davantage de poids — un moyen de consolider sa position face à l’IRGC et aux forces répressives.
Si ce retour n’est qu’une tactique pour gagner du temps dans les négociations, le Guide suprême sait que, sans amélioration économique, la colère populaire finira par éclater comme un volcan incontrôlable. Sa marge de manœuvre est désormais extrêmement limitée.
Hamid Enayat,
Politologue, spécialiste de l’Iran
Hamid Assadollahi
Comité de soutien aux droits de l’homme en Iran (csdhi.org)
Source : akramalrasny / Shutterstock.com