En tant que mère de famille et élue locale, que ce soit en milieu rural ou urbain, je constate chaque jour combien le manque de repères et d’encadrement pour nos jeunes mineurs peut générer des tensions et des situations à risque. Lorsque des adolescents circulent dans les rues à des heures tardives sans surveillance, ce n’est pas seulement une question de sécurité publique, c’est un appel à la responsabilité collective — des familles, des élus, et de la société toute entière. Instaurer un couvre-feu pour les mineurs dans certaines villes n’est pas une mesure punitive, mais un signal clair : la protection de nos enfants passe aussi par des limites assumées et partagées.
À chaque fois que des violences éclatent dans nos villes, que des bandes se regroupent dans certains quartiers, que des adolescents déambulent dans les rues à des heures tardives… la même question revient : où sont les parents ? Et plus largement : que fait-on pour que les jeunes ne se perdent pas dans ce sentiment d’abandon social ?
Face à cette inquiétude croissante, plusieurs municipalités ont décidé d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs. Une décision qui suscite des critiques, parfois virulentes : atteinte aux libertés, stigmatisation de la jeunesse, mesure inefficace… Ces remarques ne sont pas dénuées de sens. Mais elles passent à côté de l’essentiel : le couvre-feu n’est pas une fin en soi, c’est un signal d’alerte. Et ce signal, il ne s’adresse pas seulement aux jeunes. Il s’adresse aussi — surtout — aux adultes et aux familles.
Le couvre-feu, une réponse aux absences
Un couvre-feu n’est pas une solution miracle. Il ne va pas, à lui seul, réparer le lien entre une partie de la jeunesse et la société. Il ne remplacera jamais l’école, la prévention, les éducateurs ou les politiques publiques. Mais il remplit une fonction qu’on a trop souvent délaissée : poser une limite claire, visible, applicable.
Dans certaines villes, des mineurs de 12, 13 ou 14 ans traînent dans la rue à 23h, parfois plus tard, sans surveillance, parfois armés, parfois sous influence. Doit-on attendre le drame ? Faire comme si cela relevait de la “liberté” individuelle ? Ou dire fermement que non, la rue n’est pas une zone neutre, et qu’à un certain âge, la place d’un enfant est à la maison ?
Une responsabilité partagée, mais d’abord familiale
Le débat ne doit pas être uniquement sécuritaire. Il doit être éducatif. Et dans ce cadre, les familles ont un rôle central. Trop souvent, la pression est mise sur la police ou les collectivités, alors que l’encadrement des mineurs relève d’abord des parents. Quand ce cadre fait défaut, la société doit pouvoir le rappeler – non pas pour punir, mais pour protéger.
Le couvre-feu agit ici comme un garde-fou. Il n’interdit pas la jeunesse : il lui rappelle qu’elle a besoin de repères. Il ne remplace pas les parents : il leur dit qu’ils ne peuvent pas être absents. Et il ne règle pas tout : mais il ouvre la voie à des dispositifs plus profonds, à condition de s’en donner les moyens
Encadrer sans exclure
Bien sûr, un couvre-feu ne peut pas être généralisé à tout le territoire, ni appliqué de manière aveugle. Il doit être temporaire, justifié par des faits, et accompagné d’alternatives concrètes : maisons de quartier ouvertes en soirée, éducateurs de rue, lieux d’écoute, actions sportives et culturelles.
Mais il faut sortir de cette opposition stérile entre liberté et sécurité. Donner un cadre, ce n’est pas opprimer. C’est accompagner, protéger, et parfois recadrer. Ce n’est pas un acte de rejet, c’est un acte d’attention. Et dans une époque où beaucoup de jeunes se sentent livrés à eux-mêmes, c’est peut-être ce dont ils ont le plus besoin.
Un appel au réveil collectif
Le couvre-feu n’est pas une politique. C’est un sursaut, une manière de dire que la société refuse de détourner les yeux. Il ne s’agit pas d’installer un climat de peur, mais d’adresser un message de responsabilité, y compris aux adultes : la jeunesse est notre affaire à tous.
Ce n’est pas à la rue d’éduquer nos enfants. Ce n’est pas à la police seule de gérer nos manquements. Si nous voulons reconstruire du lien, il faut parfois commencer par dire : “Non, ce n’est pas normal.” Et poser des limites pour, ensuite, redonner des perspectives.
Faut-il instaurer un couvre-feu pour les mineurs ? Parfois, oui. Mais à condition de ne pas s’arrêter là. Parce que protéger un enfant, c’est lui dire non aujourd’hui… pour qu’il ait le choix demain.
Rosie Bordet
Cheffe d’entreprise
Adjointe au maire de Saint-Georges de Reintembault (Ille-et-Vilaine)