Hier, pendant plus de deux heures, Emmanuel Macron s’est exprimé devant plus de 300 journalistes. Cette conférence de presse était destinée à solder la crise des « gilets jaunes » et à clore le Grand débat national. Réaction de Dominique de Montvalon, journaliste politique et éditorialiste.
Lorsque, au bout de 150 minutes (dont 1 heure de propos liminaire), Emmanuel Macron a clos – volontairement, et avec un sourire – la première conférence de presse dont il avait pris l’initiative depuis son accession à l’Elysée, une forêt de bras se levait encore pour lui poser des questions.
Mais comme le chef de l’Etat a eu de bout en bout la volonté, jeudi soir à l’Elysée, d’affirmer qu’il tirerait pour l’avenir la leçon des événements (et de ses erreurs), pas question pour lui d’aller à nouveau au-delà de ces 180 minutes, donc de paraître tout ramener à sa seule personne, en s’exprimant à nouveau sans fin et sans frein : lui qui entretenait jusqu’ici avec les journalistes des relations compliquées et souvent orageuses, il a simplement dit qu’il y aurait à l’avenir –promesse nouvelle – d’autres rendez-vous de même type.
Sans doute Emmanuel Macron a-t-il lieu de se réjouir d’un dialogue courtois, et pas disruptif, qui parait témoigner de sa volonté d’avoir désormais avec les journalistes des relations enfin normalisées. Mais qu’auront pensé, eux, les Français, dont les soucis ont peu à voir avec des journalistes qu’ils tiennent aujourd’hui, globalement parlant, en piètre estime ?
Il est aisé de prévoir que les sceptiques resteront sceptiques, que les allergiques (à Macron) resteront allergiques et que les « gilets jaunes » radicalisés clameront – sans surprise – leur infinie déception.
Ne serait-ce que parce que le président, devant les caméras, ne s’est pas adressé qu’à eux, mais à l’ensemble des Français.
Et pourtant cette conférence de presse est doublement instructive.
D’abord, parce qu’Emmanuel Macron – souhaitant qu’on en revienne, selon sa formule, à « l’art d’être Français » en n’oubliant jamais, au pays de la « laïcicité », que « nous sommes tous enfants des Lumières » – a fortement insisté sur les leçons collectives et personnelles qu’il a tirées de la crise des « gilets jaunes ».
En résumé : cette crise lui a ouvert les yeux, il admet avoir commis des erreurs, il ne s’est pas fait comprendre, il entend demain gouverner autrement.
A la tête d’une « nation de citoyens », et non plus d’une addition d’individus. « On peut toujours mieux faire. J’espère que je peux mieux faire aussi ». Ce n’est pas par hasard que le président, inhabituellement détendu, a vanté à plusieurs reprises les vertus des maires, revenus depuis quelques semaines en odeur de sainteté.
Ensuite, citant explicitement les « gilets jaunes » (d’origine) et souhaitant un « aggiornamento » dans la façon d’agir d’un pouvoir trop distant, pas assez à l’écoute, pas assez « humain », le chef de l’Etat – même s’il a évoqué, en réponse à une question, les fameux « premiers de cordée » pour assurer qu’on l’avait mal compris – a longuement parlé cette fois – message insistant et clair – aux « classes moyennes », à la France profonde, aux marginaux de la mondialisation, à tous les oubliés de la crise.
« Nous devons placer l’homme au coeur de notre projet plus que nous l’avons fait », a martelé Emmanuel Macron, réaffirmant son credo de 2017 mais concédant, en nuançant, en composant.
Comme s’il avait fini par prendre conscience que sa propre conduite – personnelle, autoritaire, unilatérale, bref tellement jupitérienne – des affaires de l’Etat – n’avait pas été pour rien dans la tempête qui s’est levée. Une tempête qui a failli l’emporter.
Dominique de Montvalon
Journaliste politique éditorialiste
Ancien journaliste du Point, de l’Express, du Parisien (dont il a dirigé la rédaction) et du Journal du Dimanche
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