Face à l’urgence climatique, Pierre Cohen, ancien maire de Toulouse, préconise des programmes politiques portant des engagements clairs, immédiats et échappant aux possibles réaménagements sous les effets des divers compromis.
« Chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est encore plus grande ; elle consiste à empêcher que le monde se défasse ». Ces propos d’Albert Camus, lors de la remise de son prix Nobel, résonne dans la société contemporaine. Jamais, sans doute, l’enjeu d’universalité n’aura été si naturellement adapté.
Le « défi climatique » génère un « devoir climatique ». La société insouciante de la fin du XXe siècle est peu formée aux injonctions. Elle aura tout utilisé – le déni, le refus du diagnostic, le dilatoire et le rejet sur un autre plus responsable que soi, voire la fuite en avant. Mais les faits relaient les experts pour ne plus laisser d’échappatoire. La jeunesse s’est autosaisie de cette responsabilité.
Il reste un pas à faire. Il faut trouver la bonne distance, la bonne dimension et la remise en cause de nos méthodes d’organisation. Il n’y a plus de place, plus de temps pour les reproches. Il en restera pour les dénonciations de ceux qui refusent encore de répondre à cet impératif.
L’acteur politique que je suis a pris la mesure du problème dans l’action et dans sa réflexion. J’en viens à un constat simple.
Quand une thématique devient un devoir, la politique, dans ce qu’elle a de plus noble, doit trouver les formes nouvelles de son expression et de son dépassement.
Ce n’est pas le plus évident tellement les habitudes de l’action publique sont devenues des certitudes.
Le climat doit, ainsi, générer des programmes politiques portant des engagements clairs, immédiats et échappant aux possibles réaménagements sous les effets des divers compromis auxquels conduit nécessairement la gestion des comportements individuels et collectifs. Ne pas céder à la fragmentation, fût-elle généreuse, des initiatives individuelles, pas plus qu’aux exigences des coalitions !
Il faut porter un projet qui doit être traduit en acte, par une organisation concrète, et qui s’impose à tous, d’une transversalité qui fait autorité opérationnelle pour les actions qui constitue l’objet d’un engagement devant les citoyens. Les citoyens devront pouvoir suivre et garantir le suivi opérationnel des promesses. Mais la puissance publique doit absolument prendre en compte le fait que ces changements n’ont pas les mêmes implications ni la même charge en fonction des milieux sociaux concernés. Les habitants des métropoles n’étant pas égaux face aux dégradations de leur environnement, il est impératif de prendre en compte ces inégalités dans l’action politique.
La complexité des enjeux n’est plus à décrire.
Une approche pragmatique devrait conduire à un principe de subsidiarité et à développer des actions de proximité.
C’est là que se trouve la créativité et les énergies.
Bien sûr cela ne suffira pas. Mais il faut affronter la prochaine marche pour espérer atteindre une dynamique massive. N’oublions pas que le devoir climatique est aussi une résistance démocratique et des rejets qu’ils soient individualistes ou de démobilisation collective face au progrès. Hélas l’actualité, de Trump à Bolsonaro ne rassure pas et, pendant ce temps-là, la biosphère australienne agonise sous un gouvernement climato-sceptique.
Mais, pendant ce temps là aussi, dans les territoires s’inventent des réponses de la mobilité à un urbanisme réinventé, d’un pouvoir créatif à une fraternité du faire ensemble. Gageons que cet aspect fait partie intégrante de la prise en charge du devoir climatique et du défi écologique.
Pierre Cohen
Chercheur en informatique
Ancien député, ancien maire de Toulouse et président de la Communauté urbaine de Toulouse