Ce mardi 16 juillet, le Président Macron a donc accepté la démission de son Premier ministre Gabriel Attal. Le Président de la République a dû ainsi se plier au verdict des urnes de deux élections successives et rapprochées, européenne et législative. Il a dû sacrifier son homme confiance et fidèle depuis les premières heures du mouvement En Marche. Mais pour Gabriel Attal, s’agit-il d’une fin de vie politique pour l’un des plus jeunes Premiers ministres que la France ait connu, ou d’une émancipation pour construire la suite…ou la fin du macronisme ?
Le dilemme
Le Président Macron ne pouvant se représenter à la prochaine élection présidentielle de 2027, la question de sa succession s’est dès lors posée au soir même de sa réélection en 2024. Au vu du contexte tendu et incertain dans la sphère politique, plusieurs interrogations taraudent le Chef de l’Etat. Comment organiser sa succession ?
Comment éviter d’être remplacé par sa propre antithèse (comme Obama avec Trump), sans sombrer dans le marionnettisme (comme Poutine avec Medvedev) ?
S’il ne veut pas que sa trace soit piétinée par une adversaire qu’il ne pourra plus affronter, ni voir son mouvement dissout par le retour du clivage gauche-droite, Emmanuel Macron n’avait pas le choix : du macronisme réchauffé n’allait pas suffire, il fallait le régénérer, le réinventer, le faire renaître de ses cendres et donc commencer par l’immoler en place publique au risque de tout brûler. Tel fut le rôle de cette dissolution.
Tuer ou pas le père ?
S’il y en un qui était en droit de se sentir trahi par cette décision présidentielle, c’était bien Gabriel Attal.
Elève modèle de la macronie, ancien porte-parole du gouvernement, ancien ministre du budget devenu ministre de l’Education nationale pour arriver au sommet de Matignon. Nommé Premier ministre à 35 ans devant des ministres plus expérimentés (Darmanin, Lemaire en autres), on aurait pu imaginer que du 57 de la rue de Varenne à celle du 55 Faubourg Saint Honoré, il n’y avait qu’un pas. Mais voilà, c’était sans compter sur la dissolution qui faisait prendre à l’ensemble de la macronie dont Gabriel Attal est un des plus fervents représentants, un risque de quitte ou double. Pas consulté, pas informé, il apprit en même temps que l’ensemble des Français, la décision du Chef de l’Etat au soir du jour des résultats calamiteux des Européennes, de remettre en jeu les forces parlementaires et par ricochet la confirmation ou le changement de Premier ministre.
Malgré l’incertitude, le soldat Attal a livré bataille. En tant que représentant de la macronie lors des débats, il a dû subir les attaques de tous les autres représentants des partis adverses, dont un duel face à celui présenté comme son successeur en cas de victoire du Rassemblement national. Jordan Bardela devait selon les enquêtes d’opinion le remplacer, lui faisant subir un double affront, la défaite et un record battu de précocité à Matignon. Les urnes avaient parlé. De défaite, il y a eu, bien qu’elle ne soit pas aussi solide et franche comme annoncée ; mais de remplacement par plus jeune que lui, il n’y aura pas, Jordan Bardela n’ayant pas remporté la victoire escomptée.
Dès lors que peut espérer Gabriel Attal et comment peut-il rebondir ? En s’autoproclamant comme l’héritier ou au contraire le disrupteur du macronisme ? Tant Jordan Bardela devra peut-être couper le cordon ombilical avec Marine Le Pen, tant Gabriel Attal ne devrait-il pas en faire de même avec Emmanuel Macron ? Une vraie question freudienne.
A la recherche de l’attalisme
Sept années de bons et loyaux services anéantis en une soirée, suivies d’une traversée du désert d’un mois avec un gouffre comme seul horizon, tels sont les ingrédients de ce récit où le personnage principal, Gabriel Attal doit affronter seul une épreuve périlleuse. L’attalisme est construit sur un cadre narratif isomorphe à celui de Bambi ou du Le Roi Lion : L’héritier du trône échappe de peu aux assassins de son père et doit trouver de nouveaux alliés pour survivre dans un environnement nouveau avant de pouvoir revenir reprendre la place qui leur revient de naissance. Ne pouvant briguer de troisième mandat, Emmanuel Macron était devenu constitutionnellement parlant inopérant. Le macronisme n’avait que plus que 3 ans à vivre. Il fallait le mettre à mort symboliquement pour que l’attalisme naisse de ses cendres, tout un symbole pour un parti présidentiel nommé Renaissance…
Le tour de force de cette dissolution aura été de créer une narration où l’attalisme s’autonomise d’un macronisme qui l’a jeté dans la fosse aux lions après l’avoir biberonné pendant 7 ans. Etait-ce prévu ou bien le fruit du hasard ? Seuls les protagonistes le savent. Mais le résultat est là.
Dr Bertrand Fauré,
Docteur en Sciences de l’Information et Communication,
Directeur de thèses (Hdr),
Maître de Conférence, Université Toulouse 3 Paul Sabatier, auteur de « La communication des organisations », La Découverte (2014).
Dr Frédéric Dosquet,
Docteur en Sciences de Gestion,
Directeur de thèses (Hdr),
Professeur éklore-ed School of Management, auteur de « Marketing et communication politique », EMS, 3eme édition.