Pour Olivier Paccaud, Sénateur de l’Oise, la crise sanitaire mondiale doit être l’occasion de faire émerger un véritable nouveau monde.
C’était au printemps 2017. On nous avait promis une ère radieuse, régénératrice. Or rien n’a éclos. Le lyrisme d’un jeune président brillant n’a pas suffi. Pourtant, confusément, la France espérait, attendait cet élan salvateur, cette table rase d’une République des copains et des coquins. Amoureux déçu ou pire, blasé, le peuple a grondé. Certains ont défilé. Ce fut une jacquerie des temps modernes, couleur jonquille.
Si les cortèges se sont taris, le malaise est toujours présent. Plus qu’un traumatisme économique et social, il s’agit d’une dépression morale. Une crise d’identité et de confiance. Les Français, comme de nombreux Européens, sont inquiets parce qu’ils ne savent pas où va leur pays et que l’horizon offert à leurs enfants n’est qu’un ciel bas et sombre.
Entre le minotaure vorace de la mondialisation et un encasernement européen technocratique, la course permanente à la baisse des coûts de production et l’obsession du libre-échange sont devenues des lois d’airain. Le règne du « moins-disant »…
Par ailleurs, on impose le silence dans les rangs. Quiconque ose exprimer un doute sur la pertinence du système est aussitôt cloué au pilori de l’ignorance ou de la mal-pensance : « Odieux conservateurs, furieux égoïstes, hargneux réacs… C’est le sens de l’Histoire ! ». Et peu importe que nos industries se meurent ou s’expatrient, que notre agriculture agonise, que notre ruralité s’étiole, que nos étudiants, chercheurs, nos jeunes, diplômés ou pas, aillent de plus en plus souvent tenter l’aventure par-delà les mers, loin de chez eux.
Tout n’allait donc pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais l’orchestre fou continuait son hymne au veau d’or, requiem d’une sagesse perdue.
Et voilà qu’un fléau soudain, invisible et insaisissable, une peste mêlant le médiéval et la science-fiction, agit comme un révélateur fulgurant.
Depuis longtemps, les peuples ne se sentent plus protégés. Ils en ont maintenant plus qu’une illustration : les preuves. Il n’aura fallu que quelques jours et des milliers de morts pour démontrer la vulnérabilité de notre système, l’incohérence de notre modèle, l’hypocrisie suicidaire de notre philosophie.
La mission première d’un Etat est de protéger son peuple
Quel est le rôle d’un État, le ciment du contrat social, la source de la genèse du pacte républicain si ce n’est cette mission protectrice ? Un État n’est pas une entreprise, encore moins une « start-up Nation » avide de rentabilité immédiate, de taux de croissance à deux chiffres. Or depuis quelques années, et même décennies, les États des anciens pays industrialisés, et notamment de la vieille Europe, ont failli à leur devoir.
Inconsciemment ou pas, ils ont négligé, oublié cette priorité immémoriale : un État doit d’abord être un bouclier, là pour prendre soin de sa Nation.
C’est ainsi que la France, mais aussi l’Europe, ce colosse aux pieds d’euros, ont perdu leur souveraineté sanitaire, que leur sécurité alimentaire est aussi amoindrie, que leur dépendance industrielle est totale.
Les dramatiques et pathétiques pénuries de masques et de médicaments, la philanthropie théâtralisée et intéressée de la Chine doivent claquer comme des gifles scandaleuses, honteuses mais salutaires. Réveillons-nous, il est encore temps de stopper cette machine infernale ! Ajoutée aux alertes climatiques à répétition, la pandémie mondiale, qui a mis notre planète quasiment à l’arrêt, doit sonner le glas de cette cavalcade folle et lever le rideau sur un véritable nouveau monde.
Cette révolution des esprits nous concernera tous, dans nos quotidiens, nos assiettes, nos garde-robes
Où de financière, la priorité deviendrait humaine. Où l’État et l’Europe seraient ramenés à leur rôle protecteur. Où la préservation de l’environnement serait une boussole. Où le bon sens et la cohérence remplaceraient la quête éperdue du moindre profit, au centime d’ euro près. Où la création de richesse ne devrait plus être un but ultime mais un moyen.
Cette révolution des esprits nous concernera tous. Dans nos quotidiens, nos assiettes, nos garde-robes, nos placards.
Le consommateur devra ainsi d’abord redevenir citoyen. Mais ne plus manger de fraises hors saison est-elle une peine si cruelle ? Et est-ce un progrès de notre civilisation que d’être obligé d’importer à grands coûts de fuel ou kérosène des produits qu’on ne fabrique plus ? Quand dépendance rime avec défaillance…
Entre la mondialisation des multinationales et une bunkerisation des Nations, il y a un juste milieu à trouver. Nous connaissons maintenant tous et les maux et les enjeux. À nous de choisir notre avenir. Là où il y a une volonté, il y a un chemin.
Olivier Paccaud
Sénateur de l’Oise