Enfant gâté de la mondialisation heureuse et du capitalisme ultralibéral triomphant, le président de la République n’a de cesse, depuis près de trois ans, d’accélérer la déconstruction des acquis historiques français.
Aux inégalités sociales se sont greffées des inégalités territoriales
Dans la vision présidentielle, les métropoles sont dynamiques, libératrices d’énergie, the place to be et les villes moyennes, les bourgs, les banlieues, les villages ne sont que des identités coûteuses, lentes, et condamnées à une impossible compétitivité. Ainsi, Emmanuel Macron tourne le dos à l’essentiel de ce qui construit et identifie notre pays ainsi qu’à la grande majorité démographique des Français. Il se justifie par une insolente infantilisation des Français auprès desquels le gouvernement entend faire preuve de « pédagogie » et organiser des grands débats ressemblant à des cours magistraux d’un Président sachant porté aux nues. La puissante opposition des « gilets jaunes » à sa politique à partir des ronds-points de France n’a donc pas trouvé d’écho gouvernemental.
La force de ce discours est d’imposer la métropolisation comme horizon indépassable de toute la nation en faisant fi des laissés-pour-compte. Face à ce discours dominant, l’analyse critique de la globalisation s’est réalisée à l’aune de ses effets économiques désastreux et « inévitables » sur les classes moyennes et populaires, conséquence d’une circulation rapide du capital financier devenu totalement liquide et sans frontière.
Sans régulation, le rendement croissant du patrimoine mobile s’est profondément déconnecté de celui du travail.
Mais on en a souvent oublié les conséquences géographiques. En réalité, la théorie du ruissellement des richesses est invalidée autant entre les « premiers de cordée » et le reste des Français qu’entre les métropoles et le reste du pays. Ce faisant, aux inégalités sociales d’antan se sont greffées des inégalités spatiales ayant rarement culminé à un tel niveau. Régis Debray ne s’y était pas trompé en écrivant : « Les riches vont où ils veulent, à tire-d’aile ; les pauvres vont où ils peuvent, en ramant ». La métropolisation est donc la traduction géographique logique des excès de la globalisation. Seul un État stratège pourra en corriger les effets.
Repenser la solidarité territoriale
Il faut redistribuer les cartes financières de la géographie française par une politique budgétaire revisitée. La décentralisation aurait dû jouer ce rôle, mais les grandes régions et la disparition programmée des départements ont au contraire accéléré le phénomène. Lille compte un peu plus de 230 000 habitants avec un budget de 423 millions d’euros alors que les Hauts-de-France, 6 millions d’habitants, présentent un budget de 3,5 milliards d’euros. Avec vingt-six fois plus d’habitants que Lille, les Hauts-de-France ont un budget seulement huit fois supérieur et ce, sans compter les investissements régionaux massifs dans la métropole lilloise ni les moyens colossaux de cette dernière. Par conséquent, la nécessité de repenser cet horrible terme de péréquation devient vitale. La nouvelle solidarité territoriale devra appuyer les échelons de proximité, départements et communes.
L’État doit assumer d’aider les territoires les plus fragilisés de manière disproportionnée.
Surtout, l’État stratège marquera l’arme fiscale comme outil majeur des politiques économiques publiques. Le CICE macroniste, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, fut un échec constaté par tous qui a souvent abondé les dividendes sans créer d’emplois. Son coût cumulé de 100 milliards d’euros depuis sa création aurait dû être concentré sur les bassins d’emploi en difficulté pour obtenir des résultats positifs. L’État doit attribuer des avantages fiscaux sans précédent aux entreprises jouant le jeu d’une nouvelle répartition géographique des investissements et du capital et laisser les autres s’enfermer dans les logiques dépassées de la globalisation débridée et de la main invisible du marché.
Au-delà des enjeux financiers, toutes les politiques publiques sont concernées, de la santé à l’éducation en passant par les transports publics. En matière culturelle par exemple, Lille, déjà richement dotée, voit l’installation d’un centre régional de la photographie avec le soutien inconditionnel de Xavier Bertrand, macron-compatible. À soixante kilomètres à l’Est, existait un centre de la photo à Douchy-les-Mines, commune de dix mille habitants qui aurait pu accueillir le projet, mais d’autres ont préféré privilégier encore et toujours la métropole lilloise. Il n’y a pas de fatalité, il n’y a qu’un manque de volonté.
Le principe républicain d’égalité territoriale (« La France est une et indivisible ») doit être vigoureusement réaffirmé. Grâce à ce type d’efforts, nous pourrons redresser la qualité de vie des Français et éviter que demain « les Français ne vivent face-à-face plutôt que côte à côte » pour reprendre la formule désormais célèbre de l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb.
Sébastien Chenu
Député
Porte-parole du Rassemblement national