Dans un contexte houleux marqué par une montée des tensions dans les villes, Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, appelle à défendre la République.
La lente montée du populisme mine notre République ainsi que son projet universaliste reposant sur un message humaniste. Tous les partis ont trouvé des circonstances atténuantes aux propos tenus par l’extrême-droite. Entre ceux qui estimaient que son chef historique posait « les bonnes questions » mais apportaient les mauvaises réponses et ceux qui croyaient qu’il existait un corpus de valeurs partagées, il ne faut pas s’étonner, aujourd’hui, de voir cette faction politique prospérer au fur et à mesure que la crise économique et sociale prend de l’ampleur, faisant voler en éclats les certitudes du message républicain.
Ces certitudes anéanties, comment s’étonner, dès lors, d’assister à une œuvre de destruction méthodique des symboles de la République, débouchant sur une terrifiante « violence de société », sans cesse croissante, dirigée contre ses serviteurs ? Tour à tour, policiers, pompiers, gendarmes et enseignants sont pris pour cibles. Depuis quelques mois, les élus sont aussi les objectifs désignés de cette violence exponentielle au sein d’une cité, perdant tous ses repères et où, pour certains, la survie se mesure uniquement au nombre de blessures physiques ou symboliques infligées à la République et à ses représentants.
Une République dont les défenseurs ont, sans doute, quelque peu surévalué la force, sa capacité d’attraction ainsi que l’attachement de l’ensemble de la population. Que ce soit à un niveau européen, où elle a perdu nombre de ses prérogatives sans que les nouveaux outils fassent réellement leurs preuves sur le plan économique et social, trop assujettis aux diktats financiers de technocrates qui ont tourné le dos aux préceptes de Jean Monnet. Que ce soit sur le plan national, où l’exacerbation de l’individualisme a conduit à une profonde crise éthique remettant en cause la cohésion nationale et n’apportant, comme réponse, qu’une vision réductrice de la communauté nationale qui tient plus de la tribu que de la Nation.
Pourtant, jamais le mot de valeurs n’aura été autant évoqué par tous pour justifier soit d’une refonte de notre modèle politique et institutionnel, dont chacun perçoit le profond déséquilibre, né de l’instauration du quinquennat, soit pour exiger le passage à une hypothétique et très aléatoire VIe République, censée apporter une réponse à la crise, bien réelle, de la démocratie représentative.
Comment voulez-vous que le citoyen, même animé des meilleures intentions du monde s’y retrouve ? Qu’il ne soit pas décontenancé au point de prêter une oreille attentive aux messages simplistes des champions du populisme que sont Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon ?
Une tentation d’autant plus forte que le président de la République a fait, du moins en apparence, du populisme son principal ennemi et l’a, de fait, adoubé ravivant la tentation, dans les désormais faméliques familles de la droite et de la gauche, d’une union avec ces partis populistes.
Une tentation qui ferait primer le court terme électoraliste sur le long terme républicain.
Comme l’aurait dit Philippe Séguin : « En vérité, et une fois de plus, certains ont choisi de faire cuire leur petite soupe dans leur petit coin ». Pour un résultat d’autant plus aléatoire que le système de valeurs du Rassemblement national est totalement étranger au nôtre.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la République s’est construite sur les principes énoncés dans le Préambule de la Constitution de 1946, charte sociale que le Général de Gaulle préserva lors de son retour au pouvoir en 1958.
La crise de notre modèle économique et social, largement due à une financiarisation rampante de notre société, remet en cause le modèle Républicain.
Qui décide de quoi ? Qui contrôle qui ? A la démocratie représentative issue directement de l’esprit rationnel des Lumière s’est substitué une démocratie de l’opinion, au travers de la toute-puissance des sondages, de la suspicion, au travers d’une forme de mise en accusation pérenne de la classe politique, de la mystification, au travers des réseaux sociaux pourvoyeurs de fausses nouvelles.
Le glissement est tel que la raison n’est plus la musique de notre démocratie, elle a été supplantée par le mensonge qui engendre la peur de tout ce qui est différent et favorise les réflexes identitaires. Nous devons rejeter cette démocratie du mensonge, pas l’entretenir. Nous devons défendre notre devise républicaine afin qu’elle conserve sa vocation inclusive, celle si chère à Ernest Renan, et non transformer ce combat en lutte contre des pans entiers de notre société.
Pour cela, nous disposons d’un outil auquel je suis profondément attaché, en tant que républicain, en tant que défenseur de l’humanisme des valeurs que la République véhicule, en tant que maire de Saint-Etienne : la laïcité.
Faisons attention qu’elle ne soit pas transformée en outil visant à exclure une partie de nos compatriotes suspectés à cause de leur religion de ne pas être des républicains. La loi de 1905 sert précisément à rappeler que la République ne reconnaît aucun culte mais ne voit, dans l’individu, quelles que puissent être ses opinions religieuses et philosophiques, qu’un citoyen.
Dès lors, toute imposition religieuse, d’où qu’elle vienne, est synonyme d’ingérence du spirituel dans le domaine temporel. Elle doit être combattue avec énergie et détermination.
Gaël Perdriau
Maire de Saint-Etienne
Président de Saint-Etienne Métropole
Vice-président Les Républicains
Photo : Frédéric Legrand – COMEO, Shutterstock