Plus qu’un idéal abstrait et général, c’est une connaissance intime des permanences de l’histoire qui détermine le sens et l’adéquation d’une politique. Méthode d’explication des relations internationales par référence au passé, la cliopolitique – qui reprend le nom de Clio, muse de l’histoire – ouvre aux décideurs un nouveau champ d’analyse de la complexité contemporaine, complémentaire de la géopolitique.
Lors d’une conférence organisée en septembre 1968 par l’American Political Science Association, pour débattre, en termes très wébériens, des rapports entre les figures idéal-typiques de l’intellectuel et du praticien politique, Henry Kissinger, qui n’était pas encore le conseiller de Richard Nixon, s’opposa radicalement à John Roche, qui avait été, lui, conseiller de Lyndon Johnson, sur la valeur didactique de l’histoire.
A Roche, qui prétendait que l’importance de l’histoire était toute relative pour un gouvernement sans cesse sommé d’agir dans l’urgence, Kissinger répliqua en mettant en exergue la nécessité pour l’homme d’Etat de connaître l’histoire afin de prendre, sur le fondement d’analogies sûres, les meilleures décisions :
« Vous devez savoir quel épisode historique est pertinent. Vous devez savoir quel épisode historique en extraire… L’histoire n’est pas un livre de recettes qu’il n’y a qu’à ouvrir. De nombreux passages historiques s’appliquent adéquatement à de nombreuses situations.”
Et il conclut, comme pour lui asséner le coup de grâce :
“[Les juristes constituent] le groupe de loin le plus important dans les cercles de gouvernement, mais ils ont précisément ce défaut, une carence en histoire1.»
Dans l’étude des sciences politiques et notamment des relations internationales, la discipline historique semble, de nos jours, comme à cette époque, largement reléguée.
Elle est, la plupart du temps, considérée comme un ornement de l’esprit peu utile pour l’action, trop éloigné de l’horizon opérationnel de l’homme politique. La culture historique ne manque pas, dès lors, de sembler en décalage avec le pragmatisme intéressé qui s’exprime dans les divers conflits contemporains.
On lui préfère la géopolitique, qui lie l’évolution des rapports de force entre puissances à la possession, en somme, d’atouts repérables dans l’espace et qui jouit, depuis plusieurs années, d’une réelle vogue. Dans ce contexte, l’histoire ne serait plus qu’une lointaine auxiliaire, assignée à la fonction de colorer, quelque peu, un dessin dont d’autres sciences auraient tracé la forme.
Cette évolution s’est vue, de plus, accélérée par la tendance très répandue à privilégier une compréhension technicienne et immédiate des crises, favorisant l’émergence de la figure, tant honnie de Kissinger, du technocrate des relations internationales, prompt à réduire la réalité conflictuelle du monde en équations économiques, dont la solution serait immanquablement donnée par un multilatéralisme global, noyant toute décision politique dans l’anonymat de processus
bureaucratiques dépersonnalisés.
A rebours, la cliopolitique, secteur d’étude des relations internationales faisant de l’histoire, dûment méditée, et de ses permanences une source d’explication des logiques innervant la conflictualité, vient démentir ces préjugés et offrir à l’homme d’Etat un outil et une méthode.
Elle propose ainsi une structure de compréhension des mécanismes des relations internationales, mettant en évidence des invariants socio-culturels à l’oeuvre dans la politique de telle ou telle nation.
Elle donne, au fond, la formule d’un réalisme archaïque, au sens étymologique et non péjoratif du mot, mâtiné de constructivisme, antérieur intellectuellement à la théorie dite classique de Hans J. Morgenthau et qui trouve, par le jeu de l’analogie historienne, mettant en dialogue les contemporains avec des époques antérieures, une méthode intellectuelle apte à mettre en évidence, au long des temps, en vue de la décision, certaines permanences de la confrontation des puissances.
Ainsi conçue dans un fécond voisinage avec la géopolitique, la cliopolitique peut trouver dans les écrits du pionnier prussien de l’Historismus, Leopold von Ranke. une première formulation, puis dans l’oeuvre et les actes d’Henry Kissinger, universitaire et homme d’Etat, une mise en pratique.
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I. Leopold von Ranke précurseur de la cliopolitique
En liant, dans sa lecture du passé, l’invariant du pouvoir et l’hétérogénéité des héritages culturels, Leopold von Ranke a fait de la connaissance de l’histoire une nécessité pour tout homme d’Etat et ainsi posé les fondements de la cliopolitique.
Pionnier de l’Historismus, Leopold von Ranke a contribué, au XIXe siècle, au renouvellement de la discipline historique, qu’il concevait comme la science du particulier et de la singularité en opposition à la philosophie idéaliste hégélienne, tournée, elle, vers l’abstraction et la généralité2. Cette attention au particulier devait permettre de saisir chaque époque étudiée en son originalité, sans la rendre tributaire d’une relecture téléologique, sans en faire une simple étape dans la marche irrésistible du progrès.
Ranke rompt, en effet, avec l’idée selon laquelle le genre humain serait engagé “dans un progrès ininterrompu, dans une conformation continue à la perfection”, “in einem ununterbrochenen Fortschritt, in einer stetigen Ausbildung zur Vollkommenheit”3. Il conteste radicalement l’idée des philosophies qui postulent un progrès moral continu de l’humanité, “daß die ganze Menschheit sich von einem gegebenen Urzustande zu einem positiven Ziel fortentwickelte”4.
La finalisation de l’histoire introduite par la philosophie idéaliste allemande avait, en effet, pour conséquence de dévaluer les périodes les plus anciennes, considérées, dès lors, comme moins évoluées, car moins proches de la fin que les périodes récentes. Centrée sur l’Europe, cette pensée était, de plus, marquée par un certain ethnocentrisme, négligeant d’inclure dans son schéma progressiste les peuples extérieurs au vieux continent.
Dans la préface fameuse de ses Geschichten der romanischen und germanischen Völker von 1494 bis 1535, Ranke revendique une posture de narrateur d'”histoires”: il refuse à l’historien l’office de “juger le passé”, affirmant qu’il lui revient simplement de “dire comment c’était précisément”, “sagen, wie es eigentlich gewesen” 5.
Il a soin cependant d’affirmer, en vrai précurseur de la cliopolitique, dont le présent article prétend tracer les linéaments, qu’il incombe aux hommes d’Etat de bien connaître l’histoire pour en tirer le meilleur profit politique, comme en témoigne son Politisches Gespräch de 1836 :
“Je considère que la vraie politique doit nécessairement avoir un fondement historique et reposer sur l’observation des Etats puissants, ayant prospéré par eux-mêmes jusqu’à atteindre un développement remarquable”6.
Le regard de l’historien doit donc être dirigé, non sur les concepts à l’aide desquels on tente de relire rétrospectivement l’histoire, mais “sur les peuples”7eux-mêmes, sur leur influence, sur leurs combats, sur l’évolution pacifique ou guerrière de leurs relations.
En demeurant ouvert aux perspectives générales, mais selon une conception qui diffère de celle du philosophe8, l’historien saisit les caractères d’une époque, non pas à travers les concepts que chacune d’elle représenterait, mais en considérant l’évolution des rapports de force, de solidarité et d’intérêt liant les peuples les uns aux autres, les variations inhérentes à la société plurielle des unités politiques souveraines, la réallocation du pouvoir en son sein, dans la “totalité vivante” que celles-ci forment9.
L’histoire générale, dont la connaissance intéresse l’homme d’Etat, est par définition politique, dans la mesure où elle consiste, précisément, en l’histoire des personnes publiques dotées de souveraineté que sont les Etats et de leur cohabitation : les relations internationales en sont donc l’objet central.
C’est que le monde des hommes, qu’il s’agit de comprendre en vue de l’action, est façonné par le politique : il est littéralement pris, occupé en somme, par les puissances qui s’y exercent dans une forme de juxtaposition10 et se confrontent, les unes aux autres, “pour la possession du sol et pour la prééminence”11. La réalité géopolitique mène ainsi à la réflexion cliopolitique.
De ce champ clos et sous contrôle, l’invariant isotrope est, partout, le pouvoir.
Lié à cet invariant, dont l’homogénéité relativiste est de nature à fonder un ordre international légitime et stable, qui est, de nos jours, largement westphalien, l’hétérogénéité des héritages culturels exige de l’homme d’Etat et du diplomate une compréhension historienne du particulier, qui définit la cliopolitique et que le philosophe acquis à la promotion d’un idéalisme qu’il croit universaliste ne peut saisir a priori.
L’histoire des relations internationales, qui donne à l’observateur l’une des principales clefs de compréhension d’un monde politiquement saturé, serait ainsi l’un des domaines de prédilection de la science historique et un élément central de la science politique.
Préfigurée dans la pensée de Ranke, la cliopolitique a donc pour objet, très politique, de se référer à l’évolution dans la durée des relations internationales, en embrassant du regard, en vue de la décision, non seulement la force dont chaque peuple est capable mais aussi le principe spirituel, la vie même dont sa culture propre est l’expression12.
II. Henry Kissinger praticien de la cliopolitique
La pensée et l’oeuvre de Kissinger, qui partage avec Ranke l’idée que la liberté humaine ne saurait être compatible avec les téléologies progressistes, donnent une illustration de ce que peut être la cliopolitique.
Après s’être penché, comme étudiant à Harvard, sur le “sens de l’histoire”, dans un mémoire explorant les pensées de Spengler, de Toynbee et de Kant, Kissinger s’est appliqué à l’étude des relations internationales selon une méthode de nature historique. Stephen Graubard13 pouvait ainsi indiquer :
“Il croyait que des relations entre Etats dépendaient l’avenir de la paix dans le monde et la destinée
du genre humain.”
Kissinger a pris, dès lors, l’habitude de considérer l’histoire comme le recueil empirique des lois de la politique. Aux yeux de Kissinger, l’histoire recèle, en effet, “les contraintes immuables des relations internationales”14. Elle est en mesure de fournir à l’homme d’Etat des critères d’interprétation parmi les plus pertinents. Une analyse juste du présent ne peut ainsi procéder que d’un rapprochement avec une situation passée, eu égard aux régularités et récurrences dont l’histoire du monde est prodigue. Il conviendrait, dès lors, pour tenter de résoudre une question politique contemporaine, de se reporter aux précédents les plus comparables, d’enquêter sur l’époque ayant avec la situation présente la plus sensible parenté. Le choix de Kissinger d’analyser comme doctorant, non pas directement l’objet nouveau qu’était alors la guerre froide, ni, à plus forte raison, les apports potentiels et toujours incertains d’institutions internationales comme l’Organisation des Nations unies, alors toute récente, mais le règlement de la situation diplomatique de l’Europe au lendemain des guerres napoléoniennes, confirmait une originalité de vues qui ne laissait pas de frapper ses condisciples, comme en témoignait John Stoessinger15; il était, en tout cas, révélateur et cohérent.
Cette orientation déterminée de Kissinger témoignait d’un parti-pris d’emblée très différent, quoi qu’on eût dit de sa proximité avec Morgenthau, de la posture intellectuelle de nombreux théoriciens réalistes, soucieux, quant à eux, de mettre au jour une sorte de principe universel, recherché ou bien dans la nature humaine ou bien dans la structure des relations interétatiques, pour expliquer abstraitement et par-delà le temps, dans la cohérence rationaliste d’un système, le tout de la conflictualité humaine et tenter, en quelque manière, de traiter les questions internationales comme on résout des équations. Telle n’était et n’est pas la position de Kissinger, qui, présentant alors sa méthode, pouvait préciser16:
“…l’histoire enseigne par analogie, non par identité. Cela signifie que les leçons de l’histoire ne sont jamais automatiques… Il n’est pas possible de parvenir à des conclusions significatives dans l’étude des affaires étrangères – l’étude des Etats agissant comme unités – sans une conscience du contexte historique. Car c’est dans le temps plus que dans l’espace que les sociétés déploient leur existence… [Un Etat] constitue son identité à travers la conscience de son histoire commune. C’est là la seule expérience dont disposent les nations, la seule possibilité qui leur est donnée d’apprendre d’ellesmêmes. L’histoire est la mémoire des Etats.”
Selon une telle démarche, le succès d’une décision en politique internationale pourrait dépendre du choix, crucial, de la bonne analogie17. Kissinger le précise avec finesse : l’étude de l’histoire, qui ne se répète pas de manière identique, ne saurait être passive, ni justifier, chez l’homme d’Etat, l’adoption d’une posture simplement imitative, qui n’aurait pas de sens ; mais elle est un préalable indispensable pour qui cherche à comprendre, à sa source et par son contexte, le sens des affaires internationales. La connaissance de l’histoire fait ainsi partie des éléments de culture politique qu’un responsable doit avoir acquis, au long de sa formation, pour agir avec prudence et discernement.
“Avant d’être homme d’Etat, il faut être historien”18, affirmait le politologue Jean-Yves Haine analysant la position kissingérienne en la matière. Avec une forme de coquetterie, dont il n’était pas exempt, mais aussi, sans doute, pour attirer l’attention de ses interlocuteurs, à qui il souhaitait rappeler la logique de sa démarche intellectuelle, Kissinger ne manqua pas de marteler :
“Je me pense, moi-même, comme un historien plus que comme un homme d’Etat”19.
Il s’appropriait ainsi, en réalité, une phrase fameuse de l’historien prussien Johann Gustav Droysen, qui, dans son Grundriss der Historik, paru en 1868, avait pu affirmer20:
“L’homme d’Etat est un historien en pratique.”
Ces deux activités se complètent nécessairement, car l’homme d’Etat est en mesure de trouver dans l’histoire, du fait des continuités qui en forment la trame, des leçons qui gardent toute leur pertinence et leur actualité. En pleine cohérence avec son parcours universitaire, l’homme d’Etat Kissinger a pu ainsi mettre en pratique la méthode inductive d’inférence qu’il avait conçue pour aborder les questions internationales et qui reposait sur la pertinence d’analogies établies empiriquement entre des périodes de l’histoire liées par des correspondances ou des continuités significatives.
La conscience de devoir dialoguer avec des hommes défendant les intérêts de nations concurrentes21 aux cultures souvent très différentes de la sienne, la reconnaissance de l’altérité dans la négociation même, que ses interlocuteurs abordaient souvent d’une manière qui leur était propre, comme Kissinger a pu s’en entretenir avec Winston Lord22, sont autant d’atouts conférés par la considération accordée à l’histoire de chaque peuple.
C’est, armé d’une semblable attention à l’histoire, que Kissinger a pu se référer aux efforts entrepris par Metternich et par Castlereagh soucieux établir en Europe, après la chute de Napoléon, un équilibre des puissances stable, pour concevoir l’urgence d’acclimater, par la détente, dans un monde en proie à des affrontements potentiellement dévastateurs, une “structure de paix” durable, à la base triangulaire, liant respectivement aux Etats-Unis d’Amérique l’Union soviétique et la Chine populaire, qui, du même coup, légitimaient l’ordre international.
L’originalité de Kissinger tient à cette place faite à l’histoire dans tous ses raisonnements, ainsi qu’y insiste Stanley Hoffmann, qui note :
“Kissinger était unique par sa tendance à utiliser le passé comme un modèle normatif pour la
politique mondiale, au lieu de le considérer simplement comme relevant de l’histoire ou comme un
prélude au temps présent”23.
La compréhension de l’histoire servant d’arrière-plan à cette méthode est, en réalité, d’origine européenne et d’essence allemande. En se l’appropriant, Kissinger s’est imposé, en Amérique, comme l’héritier de la tradition historique allemande, marquée, en particulier, par l’apport de Ranke.
La cliopolitique permet de maintenir un lien entre la décision politique et l’identité profonde des peuples
La légitimité de l’ordre international se lit dans la diffusion universelle de la forme étatique. Au-delà de cet invariant westphalien de l’organisation du pouvoir s’affirment, toutefois, bien naturellement, des héritages culturels, qui concourent à définir, dans leur diversité, les intérêts nationaux. La connaissance de ces héritages et la reconnaissance du pluralisme des intérêts, à travers l’étude de l’histoire, permet de favoriser le nécessaire dialogue des Etats, de conforter ainsi la stabilité des
relations internationales et, par conséquent, la paix.
Telle est la visée de la cliopolitique, qui, s’inspirant de figures comme Kissinger ou Ranke, trouve dans l’analogie historienne le fondement d’une méthode cherchant à restaurer la décision politique. Plus que jamais, en ces temps d’incertitude et d’errances, qui voient les techniciens et les idéalistes, hébétés par le tourbillon médiatique, peiner à proposer un chemin, il est nécessaire de renouer avec le temps long de l’histoire pour fonder la décision en politique internationale.
En replaçant ses analyses dans une perspective historique, le décideur se donne les moyens de comprendre le réel dans sa profondeur et de rendre à son action toute légitimité.
Complément nécessaire de la géopolitique, la cliopolitique représente ainsi un double enjeu, herméneutique et civique. En liant à l’espace vécu du hic et nunc la profondeur du temps, dans lequel s’enracinent les nations, la cliopolitique nourrit l’ambition de redonner une boussole aux décideurs.
Olivier Chantriaux
Diplômé de la Sorbonne en histoire des relations internationales et de l’Institut d’études politiques de Bordeaux, Olivier Chantriaux est chercheur associé à la chaire de géopolitique de la Rennes School of Business. Doctorant rattaché au Centre de recherche interdisciplinaire en sciences de la société (CRISS) de l’Université polytechnique des Hauts-de-France (UPHF), il prépare une thèse d’histoire visant à expliciter, en sa singularité, la manière dont Henry Kissinger a pensé et pratiqué les relations internationales. Désireux de contribuer au rapprochement des milieux académiques et des cercles de décision, il se propose de développer la méthode cliopolitique d’analyse des relations internationales.
- Niall Ferguson, Kissinger, 1923-1968 : The Idealist, Londres, Allen Lane, 986 p. ; p. 856 : « You have to know what history is relevant. You have to know what history to extract… History is not a cook book you can open. Some history is relevant to many situations… (Lawyers are) the single most important group in Government, but they do have a drawback – a deficiency in history. » ↩
- Leopold von Ranke, Geschichte und Philosophie, 1830, § 2, https://www.projekt-gutenberg.org/ranke/gescphil/gescphil.html : “Menschliche Dinge kennenzulernen, gibt es eben zwei Wege: den der Erkenntnis des einzelnen und den der Abstraktion; der eine ist der Weg der Philosophie, der andere der der Geschichte. Einen anderen Weg gibt es nicht, und selbst die Offenbarung begreift beides in sich: abstrakte Sätze und Historie. Diese beiden Erkenntnisquellen sind also wohl zu scheiden. Demohnerachtet irren auch diejenigen Historiker, welche die ganze Historie lediglich als ein ungeheures Aggregat von Tatsachen ansehen… Ich bin vielmehr der Meinung, daß die Geschichtswissenschaft in ihrer Vollendung an sich selbst dazu berufen und befähigt sei, sich von der Erforschung und Betrachtung des einzelnen auf ihrem eignen Wege zu einer allgemeinen Ansicht der Begebenheiten, zur Erkenntnis ihres objektiv vorhandenen Zusammenhanges zu erheben.” ; “Pour connaître les choses humaines, il est précisément deux voies, celle de la reconnaissance du particulier et celle de l’abstraction ; l’une est le chemin de la philosophie, l’autre celui de l’histoire. Il n’existe pas d’autre chemin et même la Révélation comporte les deux, des phrases abstraites et l’histoire. Ces deux sources de la connaissance doivent être ainsi bien distinguées. Cela dit, se trompent également les historiens qui ne voient dans toute l’histoire qu’un agrégat monstrueux de faits… Je serais bien plus enclin à penser que la science historique dans sa perfection est en elle-même appelée à s’élever de la recherche et de la contemplation du particulier selon un cheminement propre jusqu’à une vue générale des faits, jusqu’à la connaissance objective de leur contexte réel, et qu’elle est en a la capacité.” ↩
- Ibid., § 1 : “Einer von den Gedanken, mit welchen die Philosophie der Historie als mit unabweislichen Forderungen immer wiederkehrt, ist, daß das Menschengeschlecht in einem ununterbrochenen Fortschritt, in einer stetigen Ausbildung zur Vollkommenheit begriffen sei.” ↩
- Leopold von Ranke, Über die Epochen der neueren Geschichte, Erster Vortrag, “I. Wie der Begriff »Fortschritt« in der Geschichte aufzufassen sei”, Herbst 1854, https://www.projekt-gutenberg.org/ranke/epochen/epochen.html ↩
- Leopold von Ranke, Geschichten der romanischen und germanischen Völker von 1494 bis 1535, Leipzig und Berlin, G. Keimer, 1824, 424 p., Vorrede, pp. V-VI : “Alle diese und die übrigen hiemit zusammenhangenden Geschichten der romanischen und germanischen Nationen sucht nun dieses Buch in ihrer Einheit zu ergreifen. Man hat der Historie das Amt, die Vergangenheit zu richten, die Mitwelt zum Nutzen zukünfitger Jahre zu belehren, beigemessen : so hoher Ämter unterwindet sich gegenwärtiger Versuch nicht : er will bloß sagen, wie es eigentlich gewesen.” (passages soulignés par nous) ↩
- Leopold von Ranke, Politisches Gespräch, 1836, https://www.projekt-gutenberg.org/ranke/poligesp/poligesp.html : “Friedrich : Ich halte dafür, die echte Politik muß eine historische Grundlage haben, auf Beobachtung der mächtigen und in sich selbst zunamhafter Entwicklung gediehenen Staaten beruhen.” ↩
- Leopold von Ranke, Geschichte und Philosophie, 1830, § 4, https://www.projekt-gutenberg.org/ranke/gescphil/gescphil.html : “Nicht auf die Begriffe demnach, welche einigen geherrscht zu haben scheinen, sondern auf die Völker selbst, welche in der Historie tätig hervorgetreten sind, ist unser Augenmerk zu richten; auf den Einfluß, den sie aufeinander, auf die Kämpfe, die sie miteinander gehabt; auf die Entwicklung, welche sie inmitten dieser friedlichen oder kriegerischen Beziehungen genommen.” (passages soulignés par nous) ↩
- Ibid., § 4 : “es ist notwendig, daß der Historiker sein Auge für das Allgemeine offen habe. Er wird es sich nicht vorher ausdenken, wie der Philosoph; sondern während der Betrachtung des Einzelnen wird sich ihm der Gang zeigen, den die Entwicklung der Welt im allgemeinen genommen.” ↩
- Leopold von Ranke, Weltgeschichte, 9 Teile in 16 Bänden, Leipzig, Duncker & Humblot,1881–1888, Erster Band, 1881, 300 p.,Vorrede, p. VIII : “Die Nationen können in keinem andern Zusammenhang in Betracht kommen, als inwiefern sie, die eine auf die andere wirkend, nach einanber erscheinen und mit einander eine lebendige Gesammtheit ausmachen.” ↩
- Leopold von Ranke, Politisches Gespräch, 1836, https://www.projekt gutenberg.org/ranke/poligesp/poligesp.html : “Karl: In deiner Politik, scheint es, werden die auswärtigen Verhältnisse eine große Rolle spielen. “Friedrich: Die Welt, wie gesagt, ist eingenommen. Um etwas zu sein, muß man sich erheben aus eigener Kraft, freie Selbständigkeit entwickeln, und das Recht, das uns nicht zugestanden wird, müssen wir uns erkämpfen.” ↩
- Leopold von Ranke, Weltgeschichte, 9 Teile in 16 Bänden, Leipzig, Duncker & Humblot,1881–1888, Erster Band, 1881, 300 p., Vorrede, p. VIII : “Keineswegs allein auf den Culturbestrebungen (sic) aber beruht die geschichtliche Entwicklung. Sie entspringt noch aus Impulsen von ganz anderer Art, vornehmlich dem Antagonismus der Nationen, die um den Besitz des Bodens und um den Vorrang unter einander kämpfen.” ↩
- Leopold von Ranke, Geschichte und Philosophie, 1830, § 4, https://www.projekt gutenberg.org/ranke/gescphil/gescphil.html : “Denn unendlich falsch wäre es, in den Kämpfen historischer Mächte nur das Wirken brutaler Kräfte zu suchen und somit einzig das Vergehende der Erscheinung zu erfassen: kein Staat hat jemals bestanden ohne eine geistige Grundlage und einen geistigen Inhalt. In der Macht an sich erscheint ein geistiges Wesen, ein ursprünglicher Genius, der sein eignes Leben hat, mehr oder minder eigentümliche Bedingungen erfüllt und sich einen Wirkungskreis bildet. Das Geschäft der Historie ist die Wahrnehmung dieses Lebens, welches sich nicht durch einen Gedanken, ein Wort bezeichnen läßt; der in der Welt erscheinende Geist ist nicht so begriffsgemäßer Natur: alle Grenzen seines Daseins füllt er aus mit seiner Gegenwart; nichts ist zufällig in ihm, seine Erscheinung ist in allem begründet.” ↩
- Stephen R. Graubard, Kissinger : portrait of a mind, New York, W. W. Norton & Company, Inc., 1973, 288 p. ; pp. 9-10 : “In the relations between states, he believed, lay the future peace of the world and the destiny of the human race. Just as he had once needed to educate himself in certain theoretical and philosophical questions, so he now felt a need to educate himself in the field of international relations.” ↩
- Henry A. Kissinger, Diplomacy, New York, Simon & Schuster, 1994, 912 p. ; p. 812 : “the immuable constraints of international
relations” ↩ - John G. Stoessinger, Henry Kissinger : the anguish of power, New York, W. W. Norton & Company, Inc., 1976, 234 p. ; p. 3 : “He (Henry Kissinger) was interested in the problem of peace, he explained, and particularly in the shaping of the peace of Europe after the defeat of Napoleon. The challenges of those distant days struck him as analogous to those of our time. We were astounded. Had he not heard of the atom bomb, someone asked. What could Metternich and Castlereagh possibly teach us?” ↩
- Henry A. Kissinger, A World Restored : Metternich, Castlereagh and the Problems of Peace, 1812-1822, Boston, Houghton
Mifflin, 1957, 354 p. ; p. 331 : “…history teaches by analogy, not identity. This means that the lessons of history are never
automatic, that they can be apprehended only by a standard which admits the significance of a range of experience… No
significant conclusions are possible in the study of foreign affairs – the study of states acting as units – without an awareness of the historical context. For societies exist in time more than in space… it (the state) achieves identity through the consciousness of a common history. This is the only ‘experience’ nations have, their only possibility of learning from themselves. History is the memory of states.” ↩ - Winston Lord, Kissinger on Kissinger : reflections on diplomacy, grand strategy, and leadership, New York, All Points Books, 2019, 147 p. ; p. 15 : “The raw material for my thinking was more historical and philosophical. That is, I saw the world in terms of analogies to historical situations that I had studied, and of the lessons one can draw from them.” ↩
- Jean-Yves Haine, “Diplomacy : la cliopolitique selon Henry Kissinger”, partie 1, Cultures & Conflits, 19-20, automne – hiver 1995, § 5. ↩
- “Secretary Kissinger Interviewed for the New York Times,” Department of State Bulletin, 11 November, 1974, p. 629 : “I think
of myself as a historian more than as a statesman.” ↩ - Johann Gustav Droysen, Grundriss der Historik, Leipzig, Veit & Comp., 1868, réédition de 1882, 90 p. ; p. 43 : “Das historische Studium ist die Grundlage für die politische Ausbildung und Bildung. Der Staatsmann ist der praktische Historiker” ↩
- Clemens Metternich, Aus Metternichs Nachgelassenen Papieren, 8 volumes, édités par Alfons von Klinkowström (Vienne, 1880), vol. 1, p. 34, cité par Henry A. Kissinger, dans A World Restored : Metternich, Castlereagh and the Problems of Peace, 1812-1822, Boston, Houghton Mifflin, 1957, 354 p. ; p. 13 : « Isolated states exist only as the abstractions of so-called philosophers. In the society of states, each states has interests… which connect it with the others. The great axioms of political science derive from the recognition of the true interests of all states… » ↩
- Winston Lord, op. cit, p. 101. ↩
- Stanley Hoffmann, Primacy or World Order : American Foreign Policy Since the Cold War, McGraw-Hill, 1978, 320 p. ; p. 37 : “Kissinger was unique in attempting to use the past a a normative model of world politics instead of treating it merely as history or as a prelude to the present.” ↩