Anne-Claire Ruel, spécialiste de la communication et des médias, décrypte pour la Revue Politique et Parlementaire le débat organisé hier par BFMTV intitulé « La crise, et après ? » entre les six chefs des principaux partis.
Lorsque les scénaristes élaborent patiemment les arches narratives de la saison en cours de réalisation, ils pensent bien évidemment à leur intrigue principale et puis ils ne manquent pas d’imaginer des intrigues secondaires. L’épisode de ce mercredi 20 mars diffusé par BFMTV, que l’on pourrait intituler « La crise, et après ? La guerre des chefs de partis » faisait la part belle à ces pâles seconds rôles évoluant à l’ombre du duel entre Emmanuel Macron et les « gilets jaunes ».
Alors, certes, c’est la première fois depuis l’élection présidentielle de 2017 qu’un tel débat était organisé à la télévision. Trois sujets, promettant d’être clivants, étaient annoncés : « Une France plus juste », « Répondre aux oubliés » et « Comment se réconcilier ».
Mais le moins que l’on puisse dire, le jeu des acteurs commence à lasser.
Les personnages de cette fiction, nous les connaissons bien : Stanislas Guérini en cadre dirigeant d’entreprise, soucieux de défendre la ligne du chef, mais ne dévoilant pas une bribe d’information sur les intentions à venir de l’exécutif pour amorcer cette sortie de crise. François Bayrou, à ses côtés, jouant la carte de l’expérience et du vieux sage, défendant la politique du chef de l’État, s’en éloignant parfois.
Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, dans leur meilleure interprétation de l’opposition. La première cherchant toujours et encore à se dédiaboliser (ce qui lui est permis par l’incroyable erreur politique d’Emmanuel Macron via sa décision d’engager l’armée lors de l’acte 19 des « gilets jaunes ») ; le second essayant de reprendre la main avoir l’avoir perdue au gré de ses dernières péripéties avec la justice ; Laurent Wauquiez et Olivier Faure tentant d’exister face à ces « meilleurs seconds rôles » de la politique de ces dernières années.
C’est vrai, il y a eu quelques propositions : « l’ISF vert » et la « conférence sociale » d’Olivier Faure ; la baisse des impôts demandée par Laurent Wauquiez évoquant 20 milliards d’économies sur le budget de l’État sans préciser lesquelles ; Mélenchon demandant à ce qu’aucun Français n’habite à plus de 20 minutes des services publics quand François Bayrou ne veut plus que des écoles soient fermées sans l’avis des élus.
Finalement, chaque force en présence s’est bornée à camper sur ses positions, observant du coin de l’œil le jeu de ses concurrents sans véritablement entamer de dialogues.
Encore moins d’explications pour parvenir à l’once d’une amorce de proposition argumentée.
Simples commentateurs passifs de la vie politique lorsqu’ils ne monologuent pas, ils laissent à Emmanuel Macron toute latitude pour restructurer la vie politique à son profit et s’ériger comme seul rempart de l’ordre public, triangulant encore et toujours plus à droite. Sans texte éclairé, les acteurs ne sont rien. Sans programmes étayés, la politique n’est rien. Et dans le contexte d’extrême violence actuel, tout ceci n’est pas un jeu. Encore moins une fiction.
Anne-Claire Ruel
Fondatrice de « Le Board », enseignante, spécialiste de la communication et des médias
Crédit photo : BFMTV