Parce que le terroriste a cité, dans son manifeste, la France et l’idée du grand remplacement, l’attentat de Christchuch en Nouvelle Zélande a été largement commenté dans l’hexagone. Derrière les hommages aux victimes, certaines réactions tentent de faire le procès de la liberté d’expression, responsable de la haine à l’égard des musulmans. Décryptage de Rachel Binhas, journaliste à Causeur, Marianne et L’Express.
Le terrible attentat qui a visé deux mosquées, le 15 mars dernier, en Nouvelle-Zélande, a secoué le pays. Les victimes, âgées de 3 à 77 ans, ont été tuées parce que musulmanes, au sein même de leur lieu de culte. L’onde de choc de ce terrible drame a gagné la France.
Le tireur, un Australien de 28 ans nommé Breton Tarrant, a expliqué son geste dans un manifeste. Au fil des 74 pages, on découvre que cet instructeur de fitness, qui se qualifie de suprématiste blanc, est obsédé par le concept du grand remplacement forgé par l’écrivain Renaud Camus.
Des dangers de l’importation de l’attentat en France
En France, le commentaire de ces attaques aurait pu se limiter à un hommage aux victimes, mais plusieurs voix ont préféré sacrifier le respect dû aux morts sur l’autel de la récupération politique.
En effet, ne reculant devant aucune instrumentalisation, des personnalités politiques et médiatiques se sont élevées pour régler leurs comptes avec certains intellectuels dits conservateurs, la presse française, des courants politiques de droite… estimant qu’ils avaient leur responsabilité dans la tuerie.
Tout en nuance ! Ainsi, la journaliste Aude Lancelin, sur Tweeter, a considéré qu’Alain Finkielkraut et Renaud Camus étaient à l’origine de l’idéologie criminelle de Breton Tarrant. Qu’importe si Renaud Camus – qui n’est pas cité par le terroriste dans son manifeste – n’a jamais prôné la violence à l’égard des musulmans, qu’importe si Alain Finkielkraut n’épouse pas l’idée du grand remplacement. Et qu’importe si Breton Tarrant, contrairement aux partis d’extrême droite en France, se dit eco-fasciste, opposé aux institutions et à la démocratie. Pour la journaliste du Média, l’occasion était trop belle ! Et la voici qui piétine les cadavres des victimes afin de régler un compte en éternelle souffrance avec ses ennemis intellectuels.
Le procès de la liberté d’expression
Même son de cloche du côté de l’humoriste Yassine Belattar, nommé par Emmanuel Macron au Conseil présidentiel des villes. « Vous avez tué 50 personnes » a-t-il expliqué à Eric Zemmour, évoquant les attaques de Christchurch. Une manière de confisquer le débat en établissant une censure prétendue légitime autour de certains sujets. Les mêmes qui se disaient Charlie en 2015 militent aujourd’hui, à visage découvert, pour circonscrire les discussions à leurs propres positions. Dans la famille « Liberté d’expression à géométrie variable », on demande également Najat Vallaud Belkacem. Sur Twitter encore, caisse de résonnance aux injures et au cynisme, l’ancienne ministre de l’Education nationale a dénoncé les couvertures du Point, Marianne, le Figaro ou encore, de l’Express. La raison ? Ces revues peuvent consacrer des dossiers à l’Islam ou l’immigration. A la lire, la presse française aurait donc sa part de responsabilité dans l’attentat de Christchurch. Rien que ça.
Enquêter sur l’Islam radical ou le djihadisme relèverait de la haine à l’égard des musulmans.
Un amalgame dont on se serait bien passé… Objectif : faire de l’attentat de Chrischurch le « point Godwin » des discussions portant sur l’immigration. Risque encouru cas de désobéissance : l’excommunication du débat public. Cette forme d’hygiénisme de la pensée n’admet donc aucune contradiction.
Pourtant, casser le thermomètre ne fait pas tomber la fièvre, en d’autres termes rendre le sujet de l’immigration tabou ne réglera aucune question. Gommer une opinion du débat public ne l’efface pas des esprits, au contraire, les crispations ne sont qu’exacerbées. De plus, tourner le dos à la liberté d’expression ne peut que fragiliser une société démocratique. L’Histoire se chargera de les juger ceux qui s’emploient à verrouiller le débat d’idées.