Dès son arrivée à l’Élysée en 2017, un peu à l’instar de son mentor de prédécesseur, E. Macron a présenté des lacunes certaines en matière de politique étrangère et a conduit une politique interne assez aléatoire. Le fait de son jeune âge ne lui permit absolument pas d’avoir une quelconque expérience internationale. Et aussi, contrairement à ses principaux prédécesseurs, il n’a pas la culture des pays et des peuples. C’est aussi une question de génération. Il fut d’abord un président de postures. Jamais avares de coups de menton lors de ses déplacements à l’étranger ou de gestes un peu tactiles envers ses hôtes (dans la plus pure tradition sarkozyenne !). Et puis le contexte international est spécial.
En effet, la Grande-Bretagne est prête à partir de l’UE, l’Allemagne est politiquement affaiblie et surtout le pouvoir à la Maison-Blanche est incarné par un président à tout le moins imprévisible. Contrairement au dernier prédécesseur, N. Sarkozy, qui avait tout de même une vision encore « gaulliste » et une doctrine internationale à peu près établie, E. Macron en est assez dépourvu. Mais il est vrai que, à son corps défendant, le contexte international et le passage d’un monde hier encore unipolaire, à un monde qui hésite entre une bipolarité nouvelle (Chine/États-Unis) et une multipolarité véritable, ne l’aident pas. Le nouvel hôte de l’Élysée doit plus s’adapter aux évènements plutôt de peser sur eux. Alors il entend aller vers ce qui, à ses yeux, est essentiel à l’époque : l’Allemagne en Europe, la Chine en Asie, sans oublier l’Amérique, incontournable en dépit de la nature particulière de son président.
Rappelons que l’actuel chef de l’État n’hésita pas à recevoir à Paris les dirigeants de régimes autoritaires comme Poutine et Erdogan. Il ne se risqua pas alors de faire de la démocratie et des droits de l’homme un préalable. Comme le confia un ex-conseiller, ces thèmes seront seulement évoqués.
En 2019 lorsqu’il se rend en Chine, il y proclame que ses voyages dans l’Empire du Milieu se feront désormais sur une base annuelle. Ce ne sera jamais le cas.
Alors que des spécialistes lui déconseillèrent, E. Macron accepte de rentrer dans le schéma chinois des « routes de la soie » mais il exige une forme de réciprocité nécessaire et légitime entre la Chine et l’Europe. Vœu pieux bien évidemment. Connaitre la Chine c’était l’apanage de de Gaulle et surtout de Chirac. Lors du décès de ce dernier des milliers d’internautes chinois se souviennent avec tendresse de la connaissance intime et encyclopédique de Chirac pour leur histoire millénaire. « C’est un passionné de la culture chinoise, il savait même que Li Bai était plus âgé de onze ans que Du Fu », salue un internaute en référence aux deux grands poètes dont le président aimait lire les vers dans son bureau de l’Élysée. Autres temps, autres mœurs, ne dit-on pas !
Le « en même temps » ne s’applique pas qu’à la politique intérieure. Ainsi sur la question syrienne en particulier, on a reproché au chef de l’État de pratiquer le « grand écart ». Comme le remarque D. Moisi : Que peut signifier la double reconnaissance, de la nécessité d’intégrer le régime syrien actuel dans tout processus de paix, et de sa responsabilité criminelle qui justifierait sa comparution devant une cour de justice, pour crimes contre l’humanité ?
Cela ne signifie pas grand-chose cher collègue ! C’est du macronisme pur jus. Mais il est clair que oui, en 2018 « on ne peut faire » sans Bachar Al Assad, et oui aussi, il demeure un criminel.
Quant à la politique en Afrique, elle est totalement déconnectée des réalités. Notamment en Afrique noire. Mais ici il doit aussi faire l’héritage vicié de ses deux derniers prédécesseurs. C’en est fini de la « France-Afrique » et E. Macron doit à présent assumer le désengagement dans certains pays (ex : Mali). Quant à l’Afrique du Nord, la politique mise en place a oscillé entre la colonisation qui « est un crime contre l’humanité » (2017) et le « Je ne demande pas pardon à l’Algérie et j’explique pourquoi ». Encore et toujours le en même temps. Et avec le Maroc, les relations sont tendues depuis l’« affaire Pegasus ».
Dans sa volonté d’aller à l’essentiel, de ne pas répondre à la complexité du monde, par le schématisme et la simplification des politiques, Emmanuel Macron est aussi conscient du fait que sa visibilité et sa réussite à l’international sont une des clefs de sa capacité à positionner la France sur la scène internationale. Les deux secteurs sont intimement liés. Dépendants l’un de l’autre même.
Quant à l’Europe, si E. Macron est un européen convaincu, on sait que, comme sous son prédécesseur, l’entente avec l’Allemagne n’est pas au beau fixe. Or lorsque le couple franco-allemand ne va pas, l’Europe n’avance pas. Et , à cette époque, la Grande-Bretagne est sur le départ de l’UE ce qui ne facilite pas les choses.
En ce mois de Février 2022, depuis plusieurs semaines, la Russie a massé des troupes aux frontières de l’Ukraine, laissant redouter une invasion. Le 7 février 2022, le président de la République se rend à Moscou pour tenter d’arrêter la guerre imminente entre la Russie et l’Ukraine lors d’un tête-à-tête de cinq heures. Chacun se remémore la table de près de 6 mètres qui séparait les deux hommes. Pourquoi cette distance ?
D’abord car Vladimir Poutine redoute encore de contracter le Covid. D’ailleurs, il impose des tests PCR à toute la délégation française qui accompagne le président de la République au Kremlin. Sauf à Emmanuel Macron qui, heureusement, refuse de s’y plier. Il ne faudrait pas que les Russes en profitent pour s’emparer de son ADN dit-on à l’Élysée !
Et puis, comme nous l’a confié un collègue qui a côtoyé un proche de Poutine, par cette distance, ce dernier a sciemment voulut marquer un écart avec son homologue français. Distance disons-nous ? On sait que le tsar du Kremlin n’a pas accueilli lui-même la délégation française à l’aéroport. Et une fois celle-ci arrivée au Kremlin, le maitre des lieux la fit attendre plus d’une demi-heure. La force des symboles est prégnante en Russie ! Et c’est donc à 6 mètres de distance que les deux hommes vont échanger pendant plus de cinq heures en tête-à-tête…
De cette rencontre on sait juste que Poutine a beaucoup parlé, notamment de l’histoire russe qu’E. Macron ne semblait pas vraiment connaitre ! Bien évidemment il n’a rien dit de spécial sur ses vues en Ukraine sauf que c’était une opération pour sauver les russophones du Dombas. Il ne pouvait en être autrement. En effet Poutine savait que le lendemain E.Macron allait voir le président ukrainien, V. Zelenski.
Comme un certain nombre d’observateurs nous estimons que, ce voyage à Moscou puis Kiev, n’est pas sans rappeler celui de VGE à Varsovie en 1979 pour rencontrer Brejnev et empêcher l’invasion de l’Afghanistan. Ce fut un échec et Mitterrand parla du « petit télégraphiste de Varsovie ».
Et, là encore, connaitre la civilisation russe n’aurait pas nui. Chirac, encore lui, parlait la langue et a eu, dans un contexte international différent il est vrai, d’excellentes relations avec Poutine dans les années 2000. D’ailleurs ce dernier fut le seul chef d’un grand état à venir aux obsèques de l’ancien président français. Il n’hésita pas à vanter le « savoir encyclopédique » de Jacques Chirac, sa grande connaissance de la Russie et sa compréhension des conflits au Moyen-Orient. D’ailleurs V. Poutine surnommait Jacques Chirac « le professeur ».
Au-delà de l’échec annoncé de ce voyage en Russie puis en Ukraine, il apparait que c’est l’échéance présidentielle qui se profilait et qu’E. Macron instrumentalisa un tantinet. Avec ce déplacement elle prenait même une autre tournure. Comme l’a souligné le journal L’Opinion, A neuf semaines de la présidentielle, Emmanuel Macron a-t-il trouvé son « moment diplomatique », celui qui lui permettra de récolter les fruits politiques de son action internationale ? Ses déplacements, lundi 7 à Moscou puis mardi 8 février à Kiev s’inscrivent dans ses efforts incontestables de désescalade dans la crise ukrainienne. Ils n’ont pas été couronnés de succès, c’est évident. Mais plusieurs sondages ont tout de même montré à l’époque qu’ils avaient permis à E. Macron d’engranger quelques bénéfices électoraux.
Avec la gestion, plutôt correcte en termes de protection citoyenne des gilets jaunes et du Covid (sauf l’aspect financier de ce dernier sur lequel on reviendra) et cette posture internationale tous azimuts, les électeurs ont tout de même refait confiance au président sortant.
En matière de politique étrangère, on reste tout de même assez éloigné de la dernière qui faisait encore briller la France sur la scène des nations du monde. Elle fut mise en œuvre par Jacques Chirac. Notamment durant son dernier mandat pendant lequel, comme nous l’a confié JP Raffarin, il avait deux préoccupations essentielles « la diplomatie et l’environnement ». Rappelons que le plus célèbre des corréziens sera le premier chef d’Etat à survoler New-York en hélicoptère suite aux attentats de 2001. Sur la majeure partie des continents et en particulier en Afrique, il est (et donc nous sommes) respectés. Le refus de suivre les Américains en Irak en 2003, et sa visite de Jérusalem en 1996 ont valu à Jacques Chirac, une fois décédé, une popularité peu commune dans le monde arabe. Ses nombreuses relations et sa connaissance des dossiers ont conforté sa légitimité. « Arafat l’appelait « docteur Chirac », il venait le voir dès qu’il y avait des problèmes », se souvient Randa Takieddine, correspondante à Paris du quotidien libanais Al Hayat. A propos des OQTF, c’est J. Chirac qui débloquait lui-même les situations par ses contacts directs avec le roi du Maroc Hassan 2 (un ami personnel), tout comme avec l’Algérie ou la Tunisie. « La plupart du temps, il suffisait d’un coup de fil où parfois ça marchandait presque ! » nous confia un ancien conseiller de l’Elysée. Chirac était, lui, clairement « contre les colonies, pour les deux États, pour la levée des blocus ». Quitte à essuyer quelque franche dispute avec Madeleine Albright (ancienne secrétaire d’Etat des Etats-Unis sous Clinton). Mais ses amis juifs sauront définitivement, lors du discours du Vel d’Hiv, qu’aucune ambiguïté à leur encontre n’animait ce choix.
Et le choix de Jacques Chirac, en 2003, de ne pas suivre l’aventurisme de Bush Junior en Irak fait le tour du monde en un instant et l’a positionné en leader du monde libre. Un célèbre discours à l’ONU en fut la base, prononcé par un D. de Villepin à l’époque flamboyant et lucide. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, Chirac a « adopté une politique très personnelle, et c’est un aspect essentiel dans le monde arabe. Il avait de nombreuses relations et il en a fait la base de sa politique ». Mais les successeurs de Chirac ne se sont jamais inspirés de son exemple. Sa méthode ? Une parfaite connaissance des dossiers, des pays, des peuples et traiter « de personne à personne, et avec chaleur ».
L’attitude du président Macron devant la guerre israélo-palestinienne est aux antipodes de ce qu’aurait mis en œuvre « Dr Chirac ». On y reviendra.
Depuis le début de son second mandat, E. Macron pratique une politique étrangère totalement erratique. Certes, à de multiples égards, la donne a changé notamment avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Puis sont survenus les horribles attentats du 7 Octobre 2023.
Et là, c’est comme si E. Macron n’avait rien compris, il nous refait le coup du « en même temps ». Il procrastine même. Un coup la barre vers Israël, un coup la barre vers un cessez-le-feu. Et puis en étant commercialement proche du Qatar, principal financier du Hezbollah, Paris se fourvoie en beauté.
Par certains aspects ce n’est ni plus ni moins qu’une forme de collaboration au moins passive. Et lorsque le 6 Octobre dernier (veille de l’anniversaire des massacres en Israël) Emmanuel Macron fait une déclaration sur l’arrêt de livraisons d’armes à Israël, c’est la quintessence de la faute diplomatique.
Y a-t-il une part d’inconscience ? De provocation ? Comme le souligne Eric Danon, ancien ambassadeur de France en Israël, « c’est profondément maladroit ». Même en langage diplomatique, cet euphémisme signifie beaucoup !…
Qui a le pouvoir de ne plus livrer d’armes à Israël ? Certainement pas la France qui est devenu, depuis quelques années, un petit supplétif en la matière. Mais à part cela, selon l’actuel président, la France reste « l’amie indéfectible » d’Israël. Avec un tel ami, cette dernière n’a plus trop besoin d’ennemis….
Pour la première fois depuis 1958, alors que le Premier ministre Michel Barnier évoquait l’action du président de la République Emmanuel Macron ce lundi 7 octobre lors d’un rassemblement en hommage aux victimes des attaques du Hamas organisé par le Crif à Paris, le locataire de l’Élysée a été nettement sifflé par une partie du public. Certains dans la salle ont même crié « des armes ». Qu’on le veuille ou non le second mandat d’E. Macron sera à jamais entaché de près de 900 faits antisémites qui ont été recensés par le ministère de l’Intérieur depuis le début de l’année 2024. Du jamais vu, même durant les conflits israélo-palestiniens qui ont eu lieu par le passé.
Comme nous l’a indiqué une représentante de l’Organisation Juive Européenne, « jamais depuis la guerre (ndlr : 39-45), les juifs ne se sont autant sentis en danger en France ». Il est clair également que l’absence du président français à la marche contre l’antisémitisme en 2023 (plus de 100000 personnes) sonne comme une trahison. Comme l’a très bien dit Olivier Marleix, député de l’Eure, « Il est le garant de l’unité nationale, il aurait dû être là (…). Mais comme il le souligne, et c’est certainement le cœur du problème, « en ne venant pas, il veut ménager qui ? Les antisémites ? Ce n’est pas en se cachant qu’on défend les valeurs de la République ». On sait depuis lors qu’un humoriste (condamné par la justice) Yassine Belattar, a été reçu par deux conseillers du Président avant la marche. Selon L’Express « durant cette rencontre à l’Élysée, l’humoriste aurait « formulé une mise en garde » aux conseilleurs du Président : « Attention, leur a-t-il dit en substance, à ne pas commettre l’erreur irréparable qui donnera aux quartiers des raisons de s’enflammer. » Et c’est exactement ce sur quoi le chef de l’Etat s’est appuyé pour s’abstenir d’aller au défilé. Donc, quelque part, entre les soutiens au Hamas et au Hezbollah (idoles des banlieues) et la cause juive, il a choisi.
Il a choisi finalement de devenir, malgré lui, un vecteur d’antisémitisme. Jamais aucun de ses prédécesseurs n’aurait osé.
La politique étrangère de la France a donc décliné gravement sous E. Macron. Au point de se demander s’il en existe encore une ? Cela est à corréler bien entendu avec une fonction qu’il a, comme aucun autre de ceux qui l’ont précédé, dégradé. Nous avons eu l’occasion de décliner cela dans ces colonnes il y a deux ans. Nous ne retiendrons ici qu’un seul épisode pour noircir le tableau, celui de la dissolution et les évènements qui en ont suivi.
C’est certainement le point paroxystique de la présidence macronienne. Celui aussi un signe de son inéluctable déclin. Donc, comme l’y autorise l’art. 12 C : Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale. Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution. E. Macron a pris cette décision le 9 Juillet 2024. Les consultations d’usage semblent ne pas avoir eu lieu. Les principaux consultés (Mme Braun-Pivet, MM Attal et Larcher) se rejoignent pour déplorer avoir été seulement informés de ce choix. Or la Constitution parle bien de « consultation ».
Même s’il est vrai qu’il s’agit d’un pouvoir propre du président et donc qu’il est seul juge de l’opportunité, cette consultation s’imposait. Elle peut être très brève (à peine 5 minutes entre De Gaulle et Monnerville en 1962). G. Attal a confessé avoir été mis devant le fait accompli et une rupture avec l’hôte de l’Elysée s’est faite. Le courroux pérenne de Mme Braun-Pivet montre aussi son mécontentement.
Le président Gérard Larcher, fin connaisseur de notre texte fondamental, estime avoir été “informé, et non consulté” au sujet de la dissolution. Il considère même que le Président de la République n’a pas respecté la lettre de la Constitution lors de sa décision. C’est clairement une violation, même formelle, de la Constitution.
Quant aux élections législatives qui ont suivi, elles ont consacré un rejet certain du chef de l’Etat, de sa politique et surtout de sa personne. Avec à peine plus de 20 % d’opinions favorables (septembre 2024), il bat les records d’impopularité. Et pour la première fois depuis 1958 il n’y a aucune majorité à l’Assemblée.
Par la suite, « trêve olympique » oblige, nous sommes restés sans gouvernement pendant une cinquantaine de jours. Le président estimant qu’avec « du pain et des jeux » (cf notre article d’Août), les français auraient autre chose à faire et à penser. Il y a donc eu l’irruption d’une catégorie jusqu’alors inconnue : le ministre démissionnaire. Puis même des ministres « imaginaires ». Et par la suite on a eu l’épisode rocambolesque pour trouver un Premier ministre (le président recevant à tour de bras des potentiels candidats alors qu’il pensait à M. Barnier depuis Juillet) et ensuite un gouvernement. Et pour la première fois sous la Vé, il y a un gouvernement où ne sont représentés aucun membre des deux groupes majoritaires (RN et NFP). E. Macron voulait « réinventer la cohabitation ». Et il choisit un Premier ministre, M. Barnier tout à fait honorable, mais de « l’ancien monde » et valide un gouvernement macrono- libéral.
Ledit gouvernement a une épée de Damoclès au-dessus de la tête : la censure. La politique gouvernementale est sous surveillance permanente. Aucune réforme majeure ne pourra, à notre sens aboutir.
Pour l’instant M. Barnier est plongé dans les affres du budget. Il a répété à plusieurs reprises que la situation budgétaire était « catastrophique » et que la situation de la France nécessite un « effort exceptionnel ». Le gouvernement français doit trouver 60 milliards d’euros d’économies. Le déficit public devrait atteindre 5,6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2024 et pourrait monter à 6,2 % en 2025, selon les prévisions du Trésor français. Des chiffres bien éloignés des 3 % de déficit exigés par l’Union européenne (UE), qui ont conduit à placer la France en procédure de déficit excessif.
Le 8 Octobre dernier une motion de censure de la gauche contre le gouvernement Barnier – la première – n’a réuni que 197 voix. C’est grâce au RN que le gouvernement s’en est réchappé. Marine Le Pen énonçant par tweet assumer de ne pas censurer, « car c’est inutile à ce stade ».
Ça ne manque pas de sel de constater que le pourfendeur en chef du RN qu’est E. Macron, voit son gouvernement tenir grâce à lui ! Mais attention car au sein même des députés macronistes, il existe notamment sur le budget des voix divergentes de taille : MM Attal et Darmanin en tête. On a même entendu le seul ministre de « gauche » (le premier dans l’ordre protocolaire) le Garde des Sceaux Migaud dire avant le vote dudit budget qu’il « ne sera pas satisfaisant » pour son ministère. Tout ceci ne tiendra pas et ne doit pas tenir car c’est vicié dès le départ. M. le Premier Ministre nous ne résistons pas au plaisir de rappeler cette phrase de Mitterrand en 1969 à l’égard de Chaban car elle est d’une actualité brulante : » Quand je vous regarde, je ne doute pas de votre sincérité, mais quand je regarde votre majorité, je doute de votre réussite. «
C’est donc sur le budget que cela risque d’achopper pour le gouvernement Barnier. Quelques chiffres pour éclairer. À la fin du deuxième trimestre 2024, la dette publique s’établit à 3 228,4 Md€ indique l’Insee dans sa dernière publication du 27 septembre 2024. Record historique ! La facture du Covid et du « quoi qu’il en coûte » (leitmotiv macronien) s’est élevée officiellement à environ 250 milliards d’euros et a largement grevé les finances déjà à mal. Depuis 2017 il apparait, que la politique économique mise en place par E. Macron a creusé la dette publique de la France à hauteur de 862 milliards d’euros. La situation laissée par ses prédécesseurs est très secondaire dans ce passif. Pour celui que l’on présentait comme « le Mozart de la Finance » (Attali) c’est fâcheux !
M. Barnier veut demander des efforts notamment aux collectivités locales à hauteur de 5 milliards d’euros en concentrant la majorité de l’effort sur 450 d’entre elles. Lesdites collectivités locales ne l’entendent pas de cette oreille. « La dette catastrophique relève d’abord et avant tout des comptes de l’Etat », a déclaré Murielle Fabre, la secrétaire générale de l’AMF, qui soutient que la dette publique des collectivités est « stable depuis 1995 ». Les élus locaux sont, dans 99,9 % des cas, de « bons gestionnaires », avait affirmé Catherine Vautrin (ministre de Décentralisation), le 3 octobre dernier.
Il faut préciser qu’un récent rapport de la Cour des Comptes met pourtant en cause certaines collectivités (notamment les agglos). Viserait-il seulement 0,1 % de collectivités ?!… On en doute. Qui ne connait pas des communes, des départements et surtout des régions où les gabegies de gestion sont légion ?
Que dire pour finir ? Que comme la politique étrangère « définie » à l’Élysée, la politique intérieure est devenue erratique et sans vision à long terme. Nous avons un gouvernement temporaire ab initio. D’abord composé de bric et de broc et dirigé par un Premier ministre, non dénué de qualités, mais dont la souplesse n’est pas la principale. Ensuite ce gouvernement ne comprend aucun représentant des blocs majoritaires à l’Assemblée. Mais son sort repose sur l’un d’entre eux (le RN). Enfin il a été mis en place par un président majoritairement rejeté par le peuple et dont la légitimité ne tient plus qu’à un fil. La question n’est pas de se demander s’il y aura une censure, c’est de savoir quand ? Elle éjectera bien entendu ce gouvernement en trompe-l’œil. Mais aussi elle mettra assurément en cause aussi le président, scénariste principal de cette mauvaise pièce. Il devra alors en tirer toutes les conséquences. Une s’impose impérieusement à notre sens : se démettre. Nous l’avons dit voici peu dans ces colonnes.
« Vous pouvez tromper tout le peuple quelque temps, vous pouvez tromper une partie du peuple tout le temps ; mais vous ne pouvez tromper tout le peuple tout le temps » (Abraham Lincoln)
Raphael Piastra,
Maitre de Conférences en droit public des Universités