Le 21 janvier 1793, place de la Révolution, anciennement place Louis XV (notre actuelle place de la Concorde), à 10h22 un roulement de tambour funèbre annonçait à la foule contenue par pas moins de 20 000 hommes de troupe la mort du Roi, décapité aux termes d’un calvaire débuté bien avant son procès et sa condamnation par la Convention à périr sur l’échafaud peint en rouge, les mains liées derrière le dos. De 481 au 10 août 1792, la France s’était forgée sous le règne de la monarchie de droit divin et cette très longue période dans son histoire, si on la compare avec la durée des formes de gouvernance qui lui ont succédé depuis, s’achevait par l’exécution symbolique de Louis XVI, sa dernière incarnation légitime et ultime figure tutélaire de l’Ancien Régime… L’infortuné Souverain qui avait accédé au trône à l’âge de 19 ans et périssait à celui de 38 ans avait eu la consolation de recevoir le viatique, la communion des mourants à 6h00 du matin, et le Maire de Paris, Nicolas Chambon, en lui prêtant sa voiture verte pour effectuer le trajet de la prison du Temple au lieu de son supplice, lui avait épargné l’humiliation d’un lent et long parcours dans la charrette des condamnés, exposé à la vindicte de ses anciens sujets… Funeste journée de janvier au cours de laquelle le brouillard enveloppait Paris une bonne partie de la matinée par 3° de température, où un Roi qui n’avait jamais réellement souhaité régner mais avait dû accepter son destin jeune enfant, suite aux décès du Dauphin son père et de son frère aîné, le Duc de Bourgogne, en vertu des lois de succession, achevait son parcours terrestre et entrait dans la légende nationale. Une légende qui a souvent été fort injuste avec lui, en lui imputant tous les maux de son époque, en le qualifiant de faible – une faiblesse démentie par le courage nourri par une foi d’une rare force dont il fit preuve en gravissant les marches qui le séparaient de la guillotine et de sa mort – et en occultant les espérances suscitées par nombre de ses réformes comme l’abolition du servage sur les domaines royaux ou de la torture, pour ne retenir que l’échec de la refonte de la fiscalité du Royaume et la faillite liée au déficit engendré par le soutien à la guerre livrée pour obtenir l’indépendance des colonies américaines… Le mystère de l’âme du dernier Roi de France auquel le cher et vieux pays n’a somme toute jamais réellement dit adieu à travers les querelles idéologiques et luttes qui ont ponctué son histoire depuis la chute de la monarchie d’Ancien Régime, demeure inviolé plus de deux siècles après le parricide symbolique que constitue son exécution et année après année, chaque 21 janvier amène ici et là une poignée d’individus à célébrer son souvenir, peut-être en s’interrogeant sur la frontière entre envie, appétit ou désir de régner et cours du destin et aléas imprévisibles qui viennent infléchir toute action politique, quelles que soient les ambitions qui peuvent bien la nourrir quand gouverner est soumis aux règles de l’élection au suffrage des urnes…
Adieu au Roi donc et paix éternelle à Louis XVI en ce 21 janvier 2022 dans une France fatiguée par une pandémie dont on espère la fin sans trop y croire, qui s’achemine vers une élection présidentielle dans une atmosphère improbable, ponctuée de polémiques et de provocations de toute nature, à l’image des incertitudes sanitaires de l’heure ou des aléas climatiques liés à la dégradation de notre environnement à tous les sens du terme…
Les cartes sont rebattues sans que la partie et le jeu ne soient plus clarifiés dans la relative indifférence des électeurs pour le moment…
Un candidat se retire, d’autres font leur apparition, mus par cette mystérieuse envie de « régner » dont malheureusement on connaît les limites et le lourd prix à payer dans un monde où tout devient de plus en plus difficile à maîtriser ; la présidence française de l’Union européenne débute sous les auspices les plus « baroques » aux yeux de nos partenaires à défaut d’avoir été reportée pour cause de joute nationale suprême… Le mois de janvier tire à sa fin tout embué de nostalgie et de réminiscences de tragédies (la mort du Roi, mais aussi le 80e anniversaire de la Conférence de Wannsee, 20 janvier 1942, indicible marqueur de l’horreur du nazisme dans sa folie exterminatrice en Europe…) et mieux vaut ne plus s’étonner de rien si l’on veut rester serein dans les limites du Royaume hexagonal en attendant des temps meilleurs…
Eric Cerf-Mayer