L’onde de choc provoquée par le quitte ou double de François Bayrou touche tous les partis, à commencer par ceux du bloc central, notamment Les Républicains. A leur tête, Bruno Retailleau joue gros.
Qui Emmanuel Macron nommera-t-il à Matignon après la chute du gouvernement Bayrou lundi prochain ? En dehors de l’hypothèse improbable d’un Premier ministre de gauche, les spéculations vont bon train sur le profil d’un chef de gouvernement issu du bloc central, capable de négocier au moins un pacte de non-censure avec le Parti socialiste : Darmanin ? Vautrin ? Lecornu ?… En attendant, Les Républicains, membres du socle commun, sont à la peine et Bruno Retailleau dans une situation inconfortable.
Le tout pour le tout suicidaire décidé par François Bayrou ne signe pas seulement la fin de son propre mandat de Premier ministre lundi prochain, mais aussi celui de tous ses ministres, à commencer par Bruno Retailleau, le plus populaire d’entre eux, et candidat potentiel à la prochaine élection présidentielle.
Avant même de savoir s’il sera reconduit dans un nouveau gouvernement, le président de LR a dû, fonction et esprit de responsabilité obligent, annoncer qu’il voterait la confiance, mais sans avoir la certitude qu’il serait suivi par l’intégralité du groupe parlementaire : un certain nombre de députés LR pourrait s’abstenir ou voter contre, d’autant qu’ils y sont désormais incités par Laurent Wauquiez et Nicolas Sarkozy qui, dans Le Figaro, a préconisé l’abstention. Si tel était le cas, voilà qui affaiblirait singulièrement son autorité de chef de parti.
L’ancien président de la République appelle même de ses vœux une dissolution de l’Assemblée nationale, seule solution selon lui pour sortir de l’impasse politique actuelle. Une folie selon Retailleau et Wauquiez qui profiterait au seul Rassemblement national et risquerait de tuer LR. Inutile de dire que l’interview de Sarkozy, qui a jugé utile de dire qu’il ne voit pas en Retailleau un « leader incontournable » pour la présidentielle et l’appelle à un « élargissement programmatique et personnel », est restée en travers de la gorge du ministre de l’Intérieur… et lui a valu un petit message de Valérie Pécresse : « Tu vois maintenant ce que j’ai vécu », lui a dit celle que Sarkozy n’avait pas soutenue lors de sa compagne présidentielle.
Paradoxe incroyable : c’est ce même Sarkozy qui avait conseillé depuis 2017 à Macron et à LR, alors en lambeaux, de participer à un gouvernement de coalition, seule manière selon lui d’exister à nouveau sur la scène politique. La suite a prouvé que l’ancien président de la République avait raison. C’est sa participation au gouvernement et son action comme ministre de l’Intérieur qui a permis à Retailleau d’émerger, de gagner en notoriété et en popularité, à LR de gagner quelques élections partielles et de redonner un peu d’espoir à son électorat.
Quid pour la suite ? Retailleau est tiraillé entre, d’une part, l’esprit de responsabilité caractéristique d’un parti de gouvernement, la prise en compte du souhait d’une majorité d’électeurs -et de chefs d’entreprises- qui souhaitent de la stabilité et, d’autre part, la nécessité de s’opposer à un chef d’Etat impopulaire rejeté par les Français et d’incarner une rupture obligatoire dans la perspective de l’élection présidentielle, anticipée ou pas.
Dans l’immédiat, la meilleure des hypothèses pour le locataire de la place Beauvau est sans doute d’être reconduit dans ce ministère, au sein d’une coalition semblable à la précédente avec un accord de non-censure du PS, d’y faire entendre sa propre partition anti-macroniste, et de pouvoir choisir le moment de son départ. Impensable pour lui en effet d’être candidat à la présidentielle sans quitter le gouvernement. « Le vrai problème de Retailleau, c’est son agenda », souligne un de ses proches. Et cette sortie-là, on s’en doute, ne devra pas être subie.
Carole Barjon
Editorialiste