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dans Culture, Libre opinion

« Le courage de la nuance » de Jean Birnbaum, ou une dialectique de l’engagement et de la mesure

ParVincent Millet
1 juin 2021
"Le courage de la nuance"

1977, l’émission « Apostrophes » : deux invités accusent ceux qu’on appelait alors les nouveaux philosophes de « faire le jeu » de Giscard et de décrédibiliser la gauche en brandissant l’horreur du goulag, comme si dénoncer les atrocités d’un régime totalitaire vous renvoyait ipso facto dans le camp opposé. Camus avait déjà connu cette suspicion de « faire le jeu de » quand, face au parti communiste encore stalinien, il évoquait son sentiment d’asphyxie : «  Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison« ’ (p 11). 

C’est cette citation qui ouvre le livre de Jean Birnbaum, le courage de la nuance (Paris, Seuil, 2021), sorti ce printemps, et qui dresse le parcours intellectuel de sept libres penseurs qui, par-delà leurs divergences et sensibilité propre, savent que leur réflexion peut croiser celles d’autres penseurs sans que cette rencontre n’épuise la possibilité d’un dialogue. Sont ainsi convoqués Albert Camus, Georges Orwell, Raymond Aron, Hannah Arendt, Georges Bernanos, Germaine Tillion et Roland Barthes. Ils arrivent respectivement flanqués de qualificatifs qui caractérisent chacun d’entre eux mais qui les concernent aussi un peu tous (ou presque) : l’équilibre, la liberté critique, la modération, l’humour, la lucidité, la vérité ou la littérature.  

Devant les certitudes des biens pensants, non pas ceux qui pensent bien dirait André Glucksmann, mais ceux qui se pensent dans le bien 1, nos sept intellectuels s’inventent une retenue, à l’écart de la meute aboyante et vindicative, ils font un pas de côté, sortent du rang et tirent les leçons d’une radicalité souvent trompeuse. Jean Birnbaum aurait pu choisir uniquement des intellectuels qui reflétaient sa propre sensibilité de gauche, sa thèse eut alors manqué son but : il ne s’adresse pas à un camp, il observe comment on peut penser au-delà de l’endroit d’où l’on parle. Dans le tumulte des idéologies, Il y a ceux qui hurlent de plus en plus fort, jugent de plus en plus vite et excluent de plus en plus souvent. En lisière de chaussée, il y a ceux qui reprennent leur souffle et vérifie l’itinéraire. Quand l’adresse postale idéologique de l’expéditeur (d’où parles-tu ?) se confond avec celle du destinataire (à qui parles-tu ?), la pensée fait du surplace et annule d’emblée la rencontre avec l’autre. C’est la leçon de Camus, nous dit Birnbaum, il « élabore une philosophie de la rencontre » (p.21), dépassant ainsi la polémique qui rend aveugle et réduit l’adversaire à un homme sans visage et sans corps : « Nous ne vivons plus parmi les hommes, mais dans un monde de silhouettes » (Camus, cité p21). Une inquiétude, nous dit Birnbaum, qui 70 ans plus tard trouve un écho dans l’agitation des réseaux sociaux qui trop souvent servent de lieu (ou de non-lieu) dans lequel la distanciation des corps ou l’anonymat permettent les pires ignominies, du tweet ordurier au lynchage médiatique. On disqualifie l’adversaire, on l’insulte, on le menace au nom d’une appartenance à un clan et on le déclare, si possible, ennemi principal (l’ennemi, surtout l’ennemi principal, est rassurant en ceci qu’il vous donne le sentiment d’être du bon côté).  Le binarisme devient la règle, choisi ton camp camarade !  Dans une époque où la violence des mots a remplacé le débat d’idées, la nuance deviendrait presque subversive.

S’agit-il dès lors de tout relativiser, de ne plus s’indigner, de ne pas s’engager en vertu du principe de nuance qui neutraliserait ainsi toute adversité ?

Ce serait confondre nuance et lâcheté. Le relativisme ménage tout le monde (rien n’est grave puisque tout se vaut), la nuance n’épargne personne, pas même son clan, pas mêmes ses propres contradictions. Mais ces « nuances ont l’importance de l’homme même », dit Camus (cité p28). C’est la querelle qui opposa Sartre et Camus : le premier envisageait un paradis socialiste au nom duquel l’engagement devait être sans faille et sans retenue ; le second voit moins loin mais interroge plus facilement les limites. La vision camusienne de la rébellion et de l’engagement n’est pas motivé par l’idéologie absolue d’un avenir radieux mais par des tyrannies ponctuelles à combattre : le moment présent plutôt que l’avenir d’un grand soir. Quand une situation est devenue invivable, quand l’oppression trouve sa limite, la seule issue est la rébellion. Une rébellion qui chez Camus est l’acheminement d’un équilibre à trouver jusqu’à ce qu’une nouvelle situation ne devienne insoutenable. C’est la recherche permanente d’un état d’équilibre qui anime la modération camusienne.

Ce qui relie les femmes et les hommes réunis par Birnabaum, c’est une manière de se tenir à distance. De quoi ? Des filets de l’illusion et du vacarme des certitudes. Ainsi Roland Barthes s’engage en littérature avec l’ambition d’assigner au langage une mobilité et une ouverture telles, que les anciennes ou nouvelles prétentions d’un discours figé ne se relèveraient pas. A travers l’essai comme genre « tâtonnant » assumé, Germaine Tillon s’impose la même exigence : l’arrogance cède la place à la nuance. L’humour et le comique arrivent parfois en renfort pour « écraser sous le ridicule », selon l’expression de Berthold Brecht repris par Hannah Arendt (p.56), les criminels politiques enfermés dans la banalité d’une parole répétitive et totalement déresponsabilisante : « Je n’ai pas voulu cela » (p.55) dira Eichmann à son procès. Misérabilité d’une parole qui coupe le souffle de la réplique et devant laquelle surgit le comique, évitant ainsi de répondre à une absence totale de pensée par sa réciproque.

Georges Orwell, le socialiste pratiquant, « le poète révolté »(p.86) qui refuse de vider le socialisme de la vérité des sentiments, le héros de la franchise qui préfère parler, au risque de se mettre à dos les garants et les théoriciens d’un modèle imaginaire, l’honnête homme qui s’interroge sur sa propre partialité, et qui dressera une fresque sans concession de la société totalitaire, cet écrivain de l’incertitude donc qui, sur le front de la guerre d’Espagne où il était venu prêter mains fortes aux combattants face à Franco, découvre l’humanité par l’endroit de son adversité : alors qu’il tient en ligne de mire un homme des troupes de Franco, il observe celui-ci courir « en retenant des deux mains  son pantalon »(P.85) ; ce n’est un fasciste qu’il voit en face de lui mais un humain mal fagoté qui sauve sa vie en plein désarroi vestimentaire. Orwell le laisse filer. Chez lui, la nuance prend la forme d’une conduite : ne pas devenir l’archétype de ce qu’il combat.

La présence de Bernanos interroge ; peu enclin à la mesure, il manifeste très tôt son antisémitisme et donne plutôt dans le scandale que dans la nuance. Ici, il pourrait à bien des égards faire figure de contre modèle. Birnbaum ne jette pas un voile pudique sur les ambiguïtés et les égarements du royaliste républicain, mais il rappelle aussi comment, à l’inverse, « il a fustigé la collaboration et la trahison de Vichy »(p.33), témoigné de l’horreur et de son écœurement devant les crimes franquistes dans son pamphlet les grands cimetières sous la lune et pris faits et causes pour les combattants du ghetto de Varsovie. Le pamphlétaire, rappelle Birnbaum, a su voir ce que d’autres réactionnaires de son camp n’ont pas voulu voir et relater ainsi « le spectacle dégoutant »(cité p.37) orchestré par Franco, Mussolini et Hitler. Albert Camus refuse ainsi de réduire la complexité de Bernanos à son tempérament réactionnaire, et en appelle au respect d’un homme libre qui a su parler contre son camp. On peut en effet saluer, in extremis, l’honneur d’un homme qui a su dire la vérité, par-delà le fanatisme et l’esprit de clan. C’est devant l’horreur que Bernanos retrouve la vue et qu’ainsi il échappe à l’ignominie. La nuance bernanosienne serait ainsi un aveuglement surmonté et c’est précisément parce qu’il partait de loin et donc à l’aune du chemin parcouru, que Birbaum salut son honnêteté, sa lucidité et son courage.

Certes, cette lucidité devant l’horreur replace l’écrivain dans des régions plus humaines mais cela suffit-il à faire de lui le chantre de la nuance, un modèle de retenue ?

Si Aron reconnait le courage de celui qui a célébré dans sa lettre aux anglais « l’héroïsme des Britanniques face aux forces de l’Axe » (p.133), il ne cache pas pour autant ses réserves et sa gêne face à un écrivain qui voue aux gémonies la modernité démocratique. « Cette liste n’a nulle prétention exhaustive » nous dit Jean Birbaum : « libre à vous, chères lectrices et chers lecteurs, de la compléter à votre cœur » (p.17), sans même avoir besoin de préciser « ou de la nuancer ». C’est chose faite.                                                                                             

Quant à la compléter, une figure féminine s’impose rapidement : Celle d’Elisabeth Badinter dont la vigilance devant toute pensée radicale est précisément animée par le courage de la nuance. Refuser de parler de tel ou tel phénomène par peur d’être accuser de « faire le jeu de », devient un réflexe de protection pour des intellectuels de gauche qui s’auto censurent devant la puissance du malentendu ou de la mauvaise fois. De la localisation à la récupération idéologique, le pas est vite franchi et freine les ardeurs des esprits clairvoyants. Or ce n’est pas en évoquant les différents problèmes de sociétés qu’on « fait le jeu de », mais c’est précisément en les taisant. Quand Elisabeth Badinter a le courage de nuancer sa vision du féminisme en refusant de réduire la femme à une victime et l’homme à un bourreau, elle ne fait pas le jeu du sexisme masculin, elle se détourne simplement du néo féminisme guerrier qui dresse un abime d’incompréhension entre les êtres humains en « soupçonnant les uns de tous les vices et en couvrant les autres du manteau de l’innocence » (Elisabeth Badinter, le journal du dimanche du 5/09/2020). Les statistiques et l’actualité récente font froid dans le dos, 37 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex conjoint ces trois derniers mois. Tout doit être fait pour lutter contre cette dramatique réalité mais ce n’est pas en essentialisant les hommes et les femmes dans des schémas définitivement antinomiques qu’on avancera dans cette lutte.

Une dernière figure, un nom propre que Birnbaum ne prononce pas, mais dont la présence silencieuse traverse chaque chapitre :  Descartes, encore lui, qui enjambe les siècles et nous rappelle que le Bien un et indivisible est trompeur et que la prudence inciterait plutôt à définir et combattre l’injustice dont la perception commune semble mieux partagée plutôt qu’à tenter un coup d’état philosophique, selon l’expression de Glucksmann, au nom d’un souverain Bien qui pourrait, pour le coup, faire le jeu d’innombrables brutalités humaines. La nuance cartésienne est avant tout une prudence devant la ruse idéologique.

Vincent Millet
Enseignant à Tours

  1. André Glucksmann, Descartes c’est la France, Flammarion p.30 ↩
Vincent Millet

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