Alain Tranchant s’étonne du peu de réaction de l’opposition dans les prises de décision du pouvoir.
En annonçant aux Françaises et aux Français leur assignation à résidence à compter du mardi 17 mars, à 12 heures, le Président Macron avait sciemment forcé le trait en déclarant à six reprises : « Nous sommes en guerre ».
Le but recherché était bien clair : revêtir les habits du commandant en chef et demander à tous de se ranger derrière lui. Aucune voix discordante ne devait se faire entendre, sous peine de porter atteinte au moral de la nation.
Dès lors, il n’était pas convenable de « poser des questions », et sûrement moins encore de mettre en doute la capacité et l’efficacité du commandement.
Faut-il y voir une relation de cause à effet ? Il apparaît, en tout cas, qu’à quelques exceptions près, peu de voix s’élèvent dans l’opposition pour mettre en doute les décisions du pouvoir, pourtant lourdes de conséquences pour beaucoup de nos compatriotes dont l’emploi ou le patrimoine risquent d’être bientôt menacés, ou l’absence de décision quant au traitement à apporter aux victimes du coronavirus, nos gouvernants parlant beaucoup, mais agissant peu.
Le dernier exemple en date de cette espèce de confinement de l’opposition est apparu avec les déclarations du Président de la République à l’hebdomadaire Le Point, le 15 avril dernier.
Et pourtant les propos du Président Macron sont surprenants à plus d’un titre. Que l’on en juge !
« On comprend que quelque chose de grave se passe en Chine, au début du mois de janvier, mais on n’en connaît pas la nature. Quand je dis « on », je parle d’Agnès Buzyn, qui voit tout de suite le risque, car elle a une expertise sur le sujet.
« La Ministre de la Santé prévient que ça peut mal évoluer, en effet. Elle dit qu’il faut faire attention. Elle prend donc des décisions très rapidement. Elle commande, avec le Directeur Général de la Santé, Jérôme Salomon, du matériel à Santé Publique France et elle active les Agences régionales de santé. Le dispositif sanitaire s’organise et réagit comme il se doit ».
Le plaidoyer pro domo du Chef de l’Etat appelle tout de même quelques réserves…
Car, enfin, tout le monde a encore en tête l’urgence à faire voter la réforme des retraites avant le 15 mars, les manifestations répétées contre le projet gouvernemental, les avocats et les médecins dans la rue, le passage en force à l’Assemblée nationale par application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, l’affaire Griveaux, son remplacement par Mme Buzyn pour l’élection municipale de Paris.
Voilà, en réalité, à quoi le pouvoir a consacré son énergie en janvier et février de cette sinistre année 2020.
Pendant ce temps-là, outre-Rhin, Angela Merkel préparait son pays à l’épreuve du coronavirus, notamment par la fabrication de tests et l’achat de masques. Avec les résultats que l’on connaît : cinq fois moins de morts en Allemagne qu’en France.
Et « si le confinement avait été décidé deux semaines plus tôt, on évitait des milliers et des milliers de morts », soulignait le Professeur Deray le 23 avril sur LCI.
Tout cela devrait interpeller nos pouvoirs publics, en particulier le Premier ministre qui déniait à quiconque le droit de dire que le confinement avait été décidé trop tard…
Pourtant, le pouvoir savait dès janvier que l’arrivée du coronavirus était imminente. M. Macron nous le dit maintenant !
L’Administration de la santé aussi.
C’est ce même M. Salomon qui avait prévenu le candidat Macron, à l’automne 2016, que la France n’était pas en état de faire face à une épidémie.
Et, désormais, il n’est pas un Français qui ne connaisse la recette pour combattre une pandémie : des masques, des tests, des vêtements de protection, des médicaments.
Il se murmure même que, dans un hôpital de la région parisienne, en 2003, M. Salomon avait décrit devant l’ensemble du personnel la situation que nous connaissons aujourd’hui. Evidemment, cela avait marqué les esprits…
Quand le Président de la République nous dit que « le dispositif sanitaire s’organise et réagit comme il se doit », on est enclin à lui demander de nous indiquer les mesures qui ont été prises, les commandes de masques, de tests, de vêtements de protection qui ont été effectuées en janvier. Cette semaine, Le Figaro titre encore : « Masques et tests : la France va-t-elle sortir de la pénurie ? »
Plus étonnants encore sont les propos du Chef de l’Etat concernant l’organisation des élections municipales des 15 et 22 mars: « Si le Conseil scientifique m’avait dit que les maintenir mettrait la santé des Français en danger, je ne les aurais pas maintenues ».
Et ce propos définitif : « J’assume totalement la décision ».
Il n’était pourtant nul besoin de consulter quelque comité que ce soit pour savoir que cette consultation électorale allait immanquablement entraîner une propagation du virus. On sait qu’elle a même causé plusieurs décès. C’est en janvier, alors que Mme Buzyn disait que « ça peut mal évoluer », qu’il aurait fallu décider le report du scrutin municipal à des temps meilleurs et mettre en alerte le peuple français.
Les paroles de M. Macron posent une question fondamentale : celle de la prise de décision au sommet de l’Etat. Si 46 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour élire un Président de la République, c’est pour qu’il soit « entièrement en mesure et complètement obligé de porter la charge suprême, quel que puisse être son poids » (Charles de Gaulle, 20 septembre 1962).
Je n’ai pas le souvenir du Général de Gaulle, ni de Georges Pompidou, ni de Valéry Giscard d’Estaing conviant M. Mitterrand à l’Elysée pour solliciter un avis, et encore moins un conseil.
Aujourd’hui, tergiversations et consultations en tous genres semblent être devenues l’alpha et l’omega de l’exercice du pouvoir dans la République.
Ses opposants reprochaient jadis au Général de Gaulle d’exercer un « pouvoir personnel ». A quoi il répondait : « Quand quelqu’un a des responsabilités (…) il faut qu’il les assume lui-même ».
Ce procès ne sera sûrement pas intenté à l’actuel titulaire de la « charge suprême ».
Alain Tranchant
Ancien Délégué départemental de mouvements gaullistes en Vendée et Loire-Atlantique,
Président-fondateur de l’Association pour un référendum sur la loi électorale