Lors de son allocution du 16 mars, le Président Macron a annoncé la suspension de toutes les réformes en cours dont la très controversée réforme des retraites. Alain Tranchant plaide pour son retrait total.
Monsieur le Président de la République,
Après trois semaines de confinement, le temps paraît lointain où, avant de devenir désertes et silencieuses, les rues de nos villes prenaient parfois l’allure d’un véritable champ de bataille.
Sous François Hollande : les bonnets rouges. Sous votre mandat : les gilets jaunes, plus récemment les manifestations répétées contre votre projet de réforme des retraites, symboliquement les robes noires et les… blouses blanches. Rarement dans notre Histoire le pavé aura été autant battu, et les défilés aussi bigarrés !
Lorsque la vague du coronavirus se sera retirée, la tâche sera immense, à la hauteur du coup porté à l’économie, aux entreprises, aux finances du pays, et à un grand nombre de nos compatriotes. Il faudra refaire la France, rebâtir le système de santé, retrouver l’indépendance dans le domaine des médicaments et des équipements de protection des soignants, enfin – à n’en pas douter – rassembler le peuple français.
Dans ce contexte ô combien difficile, il est tout à fait inconcevable de revoir, demain, les cortèges permanents et les scènes de guérilla urbaine auxquels il nous a été donné d’assister durant des mois et des mois.
Et il serait totalement inadmissible et, pour tout dire, véritablement scandaleux que les médecins et soignants aujourd’hui au front dans des conditions de sécurité souvent approximatives – ceux que vous avez appelés “les héros en blouses blanches” – se trouvent à nouveau contraints de descendre dans la rue pour s’opposer à votre réforme des retraites.
Il est vrai que votre projet a déjà été adopté, au forceps, en première lecture par l’Assemblée nationale. Mais les Français ont le souvenir de 2006, de la loi sur le CPE (contrat première embauche) votée définitivement, et même promulguée par le Président Chirac, qui n’a pas connu le moindre commencement d’exécution.
Plus loin dans l’histoire de la Vè République, à la fin de l’année 1973, alors même que le projet de loi tendant à ramener de sept ans à cinq ans la durée du mandat présidentiel avait été voté par l’Assemblée nationale, Georges Pompidou s’est trouvé contraint de renoncer à son idée, faute d’être assuré de disposer au Congrès de la majorité des trois cinquièmes requise pour la révision de la Constitution par la voie parlementaire.
S’ils ne sont pas légion, les exemples ne manquent donc pas d’un processus législatif interrompu.
Au cours d’une récente intervention télévisée, vous avez annoncé la suspension de la réforme des retraites. Mais qui dit suspension dit reprise, un jour, de la procédure parlementaire.
Si vous entendez être, comme le veulent nos institutions, l’homme de la nation – et non de la seule “République en marche” – au lendemain de la terrible épreuve que traverse notre pays (et les Françaises et les Français ne vous en voudront pas davantage de renoncer à votre engagement sur le régime universel de retraite que sur celui de la diminution de la dépense publique !), retirez votre projet, retirez-le maintenant ! Et remettez l’ouvrage sur le métier plus tard et sur d’autres bases !
Ainsi vous témoignerez votre gratitude, et celle de la France unanime, aux soignants, et vous enverrez un signal à la communauté nationale tout entière.
Davantage que de discours incantatoires, c’est de gestes, et de gestes forts, dont le peuple français a aujourd’hui besoin.
En voilà un, et qui présente un immense avantage : il ne coûte pas un centime aux finances publiques.
Avec la considération due au Président de la République, à qui le Général de Gaulle assignait pour devoir d'”exprimer et servir le seul intérêt national”.
Alain Tranchant
Ancien Délégué départemental de mouvements gaullistes en Vendée et Loire-Atlantique,
Président-fondateur de l’Association pour un référendum sur la loi électorale