2017 a vu naître deux mouvements dont il faut aujourd’hui mesurer les excès autant que les succès.
Nous n’avons vu venir ni l’un ni l’autre alors qu’ils viennent du fond des âges. Ce que l’on a mal nommé Droite et Gauche, en évitant Libéralisme et Socialisme, se sont confrontés et confortés depuis que l’Esprit du Siècle s’est réalisé dans la Révolution. Á ce moment fondateur de l’indépassable lutte entre un Bien, le socialisme, que l’on dit progressiste, et un Mal, le libéralisme, que l’on voit conservateur, le patriarcat sortait du cercle de la famille et de celui de la religion pour s’installer sociétalement. Dans les luttes ouvrières qui opposaient nos socialistes naissants à nos libéraux déjà agonisants, les femmes ont pris leur place, ont pris leur part… la reconnaissance viendrait plus tard.
Droite et gauche se sont depuis confrontées et confortées, l’une et l’autre, jusqu’à la caricature. Le patriarcat s’est lui aussi conforté, jusqu’à la caricature, en s’opposant aux aspirations féministes qui, elles aussi, n’ont pas échappées à la caricature. Les excès, politiques des uns et sociétaux des autres, étaient légitimes. On appelle ça des luttes, elles ont permis des compromis (parfois des compromissions), des acquis sociaux qui permettaient à chacun des blocs de se survivre. La société, la démocratie, en ont bénéficié. C’était là les marches du progrès !
Si tout a commencé en 1789 il aura fallu 228 ans pour dire « ça suffit !» et poser de nouvelles règles, disruptives : le « en même temps » et le « MeToo ».
Le en même temps voulait faire, dépassant les partis, la synthèse du mieux disant libéral avec le mieux disant socialiste. MeToo, dénonçait « la prévalence très grande et trop tue des violences sexistes et sexuelles perpétrées par des hommes, de l’impunité dont bénéficiaient ces actes, et de la nécessité d’en porter témoignage pour rendre visible le poids énorme de cette victimation [1]. »
Les deux ont réussi à faire une synthèse des plus mauvais côtés de ce qu’ils voulaient combattre. Le en même temps s’avère être un improbable et coûteux amalgame d’un libéralisme cotonneux et d’un socialisme mou qui, dans le même temps, laissait la place aux extrémismes populistes. Pour MeToo c’est un sexisme inversé jusqu’à la négation de la Justice qui en ont résulté, faisant la place, là aussi, à l’extrémisme.
Les deux aventures qui ont pris corps en 2017 s’annonçaient salutaires. Le Monde d’avant devait être nettoyé. Il faut mettre au crédit des initiateurs du en même temps et de MeToo que c’est à l’insu de leur plein gré qu’ils nous ont lancés dans ces aventures. Il faut mettre à leur débit qu’ils n’ont pas su en maîtriser les effets. Le résultat de leurs aventures c’est (si l’on ose emprunter à Hyppolite Taine) que, aujourd’hui, « une faction s’est formée et a fini par devenir une bande sous ses clameurs, sous ses menaces et sous ses piques, à Paris et en province, dans les élections et dans le parlement, les majorités se sont tues[2] ». Si l’on préfère emprunter à Flaubert, (moins conservateur mais bien plus cynique) les initiateurs des en même temps et MeToo sont des Bouvard et Pécuchet : ils se sont lancés dans toutes les découvertes et expériences, cumulant des échecs, ne voyant plus ce qui est « bon » et ce qui ne l’est pas.
Se référer à « Bouvard et Pécuchet » a de risqué que ce roman de la médiocrité, selon le mot de Flaubert, reste une œuvre inachevée… se référer à Taine permet de savoir comment ça finit…
Michel Monier,
Ancien DGA de l’Unedic est membre du Think tank CRAPS – Cercle de recherche et d’analyse de la protection sociale.
Auteur de plusieurs essais, il a publié « Une histoire économique et sociale, de 1789 au en même temps », édité par le CRAPS, juillet 2024.
[1] Catherine Cavalin, chercheuse affiliée au LIEPP et sociologue chargée de recherche à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (IRISSO) du CNRS. Coauteure de l’ouvrage « Les violences sexistes après #MeToo »– Presses des Mines en novembre 2022.
[2] « Les origines de la France contemporaine » – 1875.