À la suite de l’article publié le vendredi 03, l’auteur poursuit son analyse de la politique et de la vision du monde de Donald Trump. Ce nouvel article explore d’abord la posture de Trump face à la diplomatie vaticane de l’Arabie Saoudite, avant de détailler les risques majeurs qui attendent son éventuel retour sur la scène internationale. L’article se conclut par une réflexion approfondie sur la bataille tarifaire.
Trump et la diplomatie vaticane de l’Arabie Saoudite
Le déploiement saoudien est mondial ; il s’épanouit aux plans diplomatique, militaire et bien sûr économique. Ainsi l’Arabie saoudite a investi dix milliards de dollars dans le complexe pétrolier de Fujian avec la société chinoise Sinopec. Ce qui n’empêche pas Aramco d’investir des sommes considérables dans le Rio Grande dans le projet LNG.
L’Arabie saoudite a souscrit vingt fois la vente par la Chine d’une obligation souveraine libellée en dollars pour un montant de 2 milliards de dollars. L’Arabie Saoudite a aussi lancé ses premiers fonds souverains à Hong Kong et qui suivent les actions chinoises.
Par ailleurs les États du Golfe veulent obtenir le Renminbi parmi les devises compensables dans le système Buna qui permet les compensations Inter arabes.
L’Arabie saoudite a donc les moyens et l’ambition d’assouvir ou de contrer les espoirs financiers de Trump.
Elle a en outre déjà empoché quelques dividendes. Ainsi en août 2024, il a suffi à l’Arabie Saoudite de faire miroiter la perspective d’une éventuelle normalisation avec l’Etat Hébreu pour obtenir la levée d’un embargo, vieux de trois ans sur la vente d’armes offensives.
Les besoins en armement de l’Arabie saoudite sont colossaux. Cela pèsera lourd dans la balance quand Trump affinera la politique étrangère qu’il définira dans la région.
Trump qui bataille brutalement mais pas totalement injustement- en ce qui concerneles dépenses militaires auprès des Européens ne pourra qu’être sensible aux demandes saoudiennes.
Selon le SIPRI, pour la période 1992-2022, le Royaume était le deuxième importateur d’armes au monde.
Le montant de ses importations était de 49 milliards de dollars ce qui représentait 6,30% du total mondial. Entre 2014 et 2018, l’Arabie Saoudite était le premier importateur d’armes au monde. 68% de ses importations provenaient des États-Unis. On estime que l’Arabie Saoudite paye- ce mot résonne, on ne peut plus agréablement, chez Trump- environ 25% des exportations américaines. En outre durant les mêmes périodes l’Arabie Saoudite a bénéficié, à quelques kappi près, de la liberté de navigation pour ses navires dans le Golfe.
Arabie Saoudite et UAE se veulent un pont entre les Occidentaux et, pour simplifier, les Chinois.
Ils en ont la capacité. Une extrême intelligence stratégique le leur permet. Trump devra tenir compte de cette nouvelle équation.
Au Moyen-Orient Trump avait fanfaronné avec ce qu’il appelait- pompeusement- le deal du siècle, The deal of the Century et que The Economist, journal anglo-saxon de l’élite libérale, qualifia de Steal of the Century.
Il voudra réactiver les Accords d’Abraham qui ont réussi à mettre fin à un conflit ancestral inexistant et sanguinolant entre les UAE et Israël ! Accords d’Abraham auxquels l’Arabie Saoudite a si intelligemment refusé de se joindre. Mais cela lui a permis de se draper comme faiseur de paix dans leur toge.
Trump aime mentionner urbi et orbi sa dilection pour les sanctions. Au jeu des fléchettes, l’Iran et la Corée du Nord se disputent le cœur de cible.
Le problème de Trump est que ces deux pays sont désormais assistés de tuteurs qui ont de moins en moins peur d’être atteints et frappés par des sanctions secondaires.
Le Council on Foreign Relations du 22 novembre 2024 rapporte ainsi les propos tenus par un officiel saoudien interrogé quant à l’attitude de son pays vis-à-vis des sanctions contre l’Iran. « The Saudis would have to live with Trump for only four years but with Iran for thousand years. »
Dans un article passionnant du CFR daté du 22 novembre2024, Michael Froman rapporte ses conversations avec des officiels saoudiens qui comparent la situation actuelle avec Nixon en Chine.
« In the same way, Saudis hope that perhaps Trump, who has the credibility of being an unwavering Netanyahu supporter, can force Israel to accept a real two-state solution. »
Trump affiche au compteur de ses innombrables « victoires » les accords d’Abraham. Nous avons beau chercher, l’on ne voit pas ce qu’ils ont apporté à la solution du problème. Certes une officialisation des relations économiques, voire diplomatiques, avec des pays qui n’ont jamais été en guerre avec Israël !
La seule vraie percée diplomatique stratégique d’Israël fut la signature d’un Traité de Paix à Washington le 26 mars 1979 entre l’Égypte et Israël suivi par Israël et la Jordanie le 26 octobre 1994 dans la vallée de l’Arava.
Le reste relève de la pure cosmétique.
Les Accords d’Abraham n’ont pas véritablement prospéré.
Netanyahou et Trump croyaient avoir enterré le problème palestinien, ils ont juste oublié qu’au Moyen-Orient, il existe une légende tenace : la résurrection ! Ite missa test
L’erreur du duo Trump-Netanyahu a donc consisté à croire parce qu’ils le voulaient ardemment que les Accords d’Abraham emportaient dans ses impedimenta l’enfouissement et l’abandon de la solution du seul vrai conflit à savoir : la reconnaissance d’un Etat Palestinien.
Cette première erreur a entraîné la seconde, cette fois-ci non imputable à Trump.
Les Américains, encouragés et poussés par Netanyahu, ont cru que l’escalade des tensions et les attaques et contre-attaques avec l’Iran entraîneraient un rapprochement de l’Arabie saoudite avec Israël. La réponse israélienne, certes, et on ne le répétera jamais assez, on ne peut plus justifiée, comportait un autre volet nettement plus problématique : celui de casser le rapprochement irano-saoudien et de précipiter les fiançailles israélo-saoudiennes. Il n’en a rien été. Israël pensait que l’attachement de l’Arabie saoudite à un Etat Palestinien n’était que de surface et de pure façade et qu’en tout cas il n’était pas la priorité du Royaume.
Israël, et Trump devra se poser la question, pensait que l’escalade ne laisserait d’autre choix à l’Arabie saoudite que de se rapprocher d’Israël. Trump devra à un moment donné se sortir de ce guêpier.
Ce fut la teneur de la politique israélienne lors du discours de Netanyahu lors de l’Assemblée Générale de l’ONU en septembre 2024.
« Gulf states as Israel’s Arab partners for peace »
« That is why one of the best ways to counter Iran’s nefarious designs is by achieving peace. Such peace would be the cornerstone of an even broader Abrahamic alliance, including the United States, Israel’s current Arab partners, Saudi Arabia, and others who choose the blessing of peace. »
« C’est pourquoi l’une des meilleures façons de contrecarrer les desseins néfastes de l’Iran est de parvenir à la paix. Une telle paix serait le fondement d’une alliance abrahamique encore plus large, incluant les États-Unis, les partenaires arabes actuels d’Israël, l’Arabie saoudite et d’autres qui choisissent la bénédiction de la paix »
Mais les Etats du Golfe et l’Arabie Saoudite ont tenu un discours, parfois même avant le 7 octobre, démentant l’optimisme de Netanyahu.
L’Arabie Saoudite n’hésite pas cependant à durcir ses critiques contre Israël. Ainsi MBS a prononcé un discours allant dans ce sens au Shura Council en septembre.
Le Times of Israel rapporte que MBS vient d’ailleurs de rajouter lors d’un sommet à Ryadh en Novembre :
« The kingdom renews its condemnation and categorical rejection of the genocide committed by Israel against the brotherly Palestinian people. »
Il appelle la communauté internationale a « immediately halt the Israeli actions against our brothers in Palestine and Lebanon. »
« The kingdom will not stop its tireless work towards the establishment of an independent Palestinian state with East Jerusalem as its capital, and we affirm that the kingdom will not establish diplomatic relations with Israel without that. »
« We renew the kingdom’s rejection and strong condemnation of the crimes of the Israeli occupation authority against the Palestinian people. » The Times of Israel
In October 2023, Prince Turki al-Faisal, former Saudi ambassador to the United States, condemned Hamas’s actions during a speech at the Baker Institute for Public Policy at Rice University in Houston. He stated:
« I categorically condemn Hamas’s targeting of civilian targets of any age or gender as it is accused of. »
He further criticized Hamas for undermining efforts toward a peaceful resolution, saying:
« I condemn Hamas for sabotaging the attempt of Saudi Arabia to reach a peaceful resolution to the plight of the Palestinian people. »
« We are committed to working towards a reliable and irreversible plan for achieving just and comprehensive peace. »
« Where the international community primarily has failed is ending the immediate conflict and putting an end to Israel’s aggression. »
He emphasized the need for a ceasefire, asserting that a truce was insufficient:
« A truce between Hamas and Israel in Gaza is not enough, and a ceasefire is needed instead. »
In September 2024, UAE Foreign Minister Sheikh Abdullah bin Zayed Al Nahyan stated:
« The UAE is not ready to support the day after the war in Gaza without the establishment of a Palestinian state. »
Trump devra donc en tenir compte.
La diplomatie saoudienne cherche un accord avec Israël mais sûrement pas à n’importe quel prix.
Le temps du triomphalisme béat et ignorant lors de la conclusion des Accords d’Abraham est révolu. Pour sauver ces accords, Trump devra en quelque sorte tuer le père c’est-à-dire les tuer pour les faire renaître.
L’Arabie saoudite donne au monde une vraie leçon de diplomatie ; soutenir la création d’un Etat Palestinien n’empêche pas, bien au contraire, la condamnation virulente de la barbarie pogromesque et génocidaire du Hamas.
Ainsi le Financial Times rapporte les propos tenus en novembre 2023 par le prince Faisal bin Farhan Al Saud ministre des Affaires étrangères saoudien :
« We reject and condemn all unilateral measures that constitute a flagrant violation of international law and hinder peace efforts. »
« Security in the Middle East requires a just and comprehensive solution to the Palestinian question, enabling the Palestinian people to establish an independent state based on the 1967 borders with East Jerusalem as its capital. »
Cinquante Etats assistaient à ce sommet extraordinaire qui crée la Global Alliance qui se réunit à Bruxelles en novembr.
En octobre 2024 Doha reçoit le nouveau président iranien au sommet du CCG.
Le même jour les États du Golfe réaffirment leur refus de voir leur territoire utilisé pour une attaque contre l’Iran.
Dans cette théorie inversée des dominos ne manque juste que le mot « Palestine ».
Le Maréchal von Moltke disait si savoureusement : « Aucun plan de bataille ne survit au premier contact avec l’ennemi. »
Biden et Netanyahu l’ont expérimenté à leurs dépens au sujet de l’Arabie Saoudite. Trump devra gérer cet héritage car l’escalade, contrairement à ce qui était espéré, a rapproché l’Arabie Saoudite de l’Iran quand bien même Israël est désormais en guerre avec les Houthis combattus par l’Arabie Saoudite.
Sur ce plan, la démonstration de force par Israël a eu des résultats contraires à ceux escomptés. Loin de rapprocher les pays du Golfe d’Israel, elle a resserré leurs relations avec l’Iran.
Il n’y avait là d’ailleurs rien que de très logique. Le contexte géopolitique mondial rend beaucoup plus problématique les interventions américaines pour soutenir leurs alliés et parfois aussi pour défendre leurs intérêts.
La guerre de Corée, la désastreuse mais si prévisible intervention américaine au Vietnam, la deuxième guerre du Golfe appartiennent à un passé révolu.
Que cela soit une bonne ou une mauvaise chose importe peu ici. Les Saoudiens ont compris que même si Biden restait aux commandes, il est tout sauf sur- en vertu de la théorie « No boots on the ground » qu’ils enverraient des boys sur le terrain.
Quant à choisir une hypothétique garantie israélienne, les Saoudiens ne sauraient sérieusement l’envisager. D’abord parce qu’ils ont en tête l’exemple du Liban où les Israéliens ont abandonné leurs alliés chrétiens, ou plus récemment lorsqu’ils ont même été jusqu’à fournir- en vertu de leur intérêt bien compris- une aide décisive à l’Azerbaïdjan musulman contre l’Arménie chrétienne.
Et ensuite car l’Arabie Saoudite ne saurait dorénavant sous-traiter sa souveraineté. C’est en vertu de ce raisonnement adamantin que l’Arabie Saoudite a jugé plus sûr le rapprochement – certes parrainé par la Chine- avec l’Iran.
Trump peut encore modifier la donne stratégique, mais cela aura juste un coût qu’il devra payer.
Certes la réponse israélienne parfaitement justifiée même si parfois brutale, reconnaissons-le, après la barbarie pogromesque du 7 octobre n’a pas mis fin à ces accords. Elle a juste accentué leur dégradation. Nasser Bourita le ministre marocain des Affaires étrangères a ainsi annulé la deuxième réunion ministérielle du Forum du Néguev à la mi-juillet 2023 qui devait se tenir au Maroc. La raison avancée par le ministre était la lente dégradation, antérieure au 7 octobre, résultant de l’escalade des tensions causée par les mesures israéliennes étendant la politique d’implantation dans les territoires occupés.
Si Trump veut préserver ses accords qu’il a accouché au forceps, il devra immanquablement amender son soutien absolu et inconditionnel à Israël. Cette option n’est pas obligatoire. Il peut maintenir, voire accentuer la politique de son premier mandat, mais les conséquences ne seront pas des plus heureuses pour les États-Unis.
Nous nous permettons en toute humilité- de conseiller à Trump d’étudier attentivement les ruptures loaf pour loaf de la politique étrangère du Général de Gaulle en Algérie, et de Richard Nixon avec le Vietnam et la Chine.
Si Trump s’en inspirait, nous ne pourrions que le féliciter et l’encourager. A l’heure où nous écrivons ces lignes, c’est une hypothèse de prospective sérieuse.
Pour de multiples raisons, la politique israélienne de Trump sera probablement la partie la plus sensible de la politique étrangère américaine.
Elle s’inscrira logiquement dans le soutien continu et bipartisan des États-Unis envers Israël. Les premières nominations de Trump vont dans ce sens ; il a nommé au poste clé de Secrétaire d’État Marc Rubio, Mike Huckabee comme Ambassadeur à Jérusalem et Elise Stefanik Ambassadrice à l’ONU. C’est un signe positif.
Pour autant la première administration Trump a connu bien des valses de Secrétaires.
Il est également plus que vraisemblable que Trump n’accordera que très peu d’importance à la vague montante d’antisémitisme dans les universités américaines. Il ne se laissera pas influencer ou intimider par leurs délires.
Il ne se laissera pas non plus influencer par le poids grandissant des électeurs musulmans aux États-Unis.
Pour autant les intérêts américains et israéliens divergent quant à la poursuite de la guerre. Le sort des habitants de Gaza n’est certes, pas tout comme pour Netanyahu, sa préoccupation première.
Pour autant en Israël comme ailleurs, Trump esquisse deux attitudes contradictoires dont on ne sait laquelle prévaudra.
Il a ainsi déclaré à Netanyahu lors d’une rencontre à Mar el Lago : « I want the war in Gaza to end befoore January 20. If the hostages are not released by then, there will be hell to pay. »
Laisser un délai jusqu’au 20 janvier peut signifier qu’il privilégie et souhaite une victoire significative d’Israël. Pour autant cela peut tout aussi bien signifier qu’il a besoin d’absence de tensions pour asseoir sa politique dans le Golfe et surtout avec l’Arabie saoudite dont il recherchera constamment qu’elle rejoigne les Accords d’Abraham.
A l’appui de sa politique, il va bénéficier d’un exceptionnel alignement des planètes.
– La première ligne des ennemis d’Israël est- au moins momentanément- dans l’incapacité de tenir la dragée haute à Israël.
– Les États du Golfe souhaitent- certes pas à n’importe quel prix- la paix ou un rapprochement avec Israël.
– Israël a démontré sa supériorité stratégique écrasante.
– Par contre, Israël est dans une situation économique à tout le moins compliquée. Le prix de sa supériorité stratégique est désormais une dépendance accrue militaire et économique envers les États-Unis.
Le propre d’un alignement des planètes est qu’il est par définition mouvant. Nous savons grâce à Clausewitz qu’il y a trois moyens d’obtenir sinon une paix à tout le moins une cessation des hostilités.
– soit un des deux adversaires défait totalement l’autre et se montre capable de vorschreibenles conditions de paix, c’est à dire de les imposer ; Versailles en fut un parfait exemple et cela sous-entend que la partie vaincue n’a d’autre choix que la capitulation.
– Soit les deux adversaires sont fatigués de se battre.
– Soit une tierce partie a suffisamment d’intérêt dans sa géographie mais deux autres conditions annexes sont alors requises ; son arbitrage doit être soutenu par sa puissance et par un minimum de neutralité pour gagner la confiance de tous les adversaires.
Donald Trump habité par un ego démesuré tient à laisser une trace dans l’Histoire. Sa compétition avec la Chine, même s’il finira par émousser l’acromégalie chinoise ne lui offrira point le Nobel.
A supposer qu’un armistice se profile en Ukraine, la haine entre les adversaires est trop violente et le conflit trop jeune pour envisager un armistice honnête, et donc le prix Nobel.
Reste le conflit israélo-palestinien dont la querelle centenaire coche toutes les cases : religieuse, géopolitique, stratégique pour mériter le prix Nobel de la Paix.
Paradoxalement Donald Trump possède un certain nombre d’atouts pour le voyage à Stockholm.
Rappelons tout d’abord que tous les traités de paix, ou de cessez-le-feu furent obtenus par les États-Unis après avoir exercé des pressions-souvent violentes- sur Israël et après avoir fait miroiter aux pays Arabes qu’ils étaient les seuls en mesure de leur éviter une défaite encore plus écrasante et bien plus humiliante.
Kissinger disposait du haut de sa cathèdre d’une maestria éblouissante et d’une vraie neutralité acceptée par les deux belligérants.
Trump souffre donc de ses deux handicaps : un déficit de compréhension géopolitique et un manque d’impartialité.
Pour le premier point, il n’y a pas grand-chose à faire pour y remédier ; pour le second, il semblerait que l’on observe un certain glissement. Terminus a quo !
Trump said that « Israel is absolutely losing the PR war” and called for a swift resolution to the bloodshed. »
Trump n’aime pas les losers !
Le Wall Street Journal rapporte les propos de Trump “Get it over with and let’s get back to peace and stop killing people. And that’s a very simple statement,” “They have to get it done. Get it over with and get it over with fast because we have to — you have to get back to normalcy and peace.”
“I’m not sure that I’m loving the way they’re doing it, because you’ve got to have victory. You have to have a victory, and it’s taking a long time,”
Prenons garde toutefois à ne pas surinterpréter cette inflexion sur laquelle Trump pourra parfaitement revenir après le 20 janvier. Elle a cependant le mérite de montrer aux Palestiniens que Trump a évolué et peut encore évoluer.
A eux de saisir la nuance. Puissent les conseillers de Trump s’inspirer de Bismarck : « Il faut savoir agripper les pans du manteau de l’histoire lorsque celui-ci nous fait la grâce de passer à portée de main.»
Le deuxième élément qui joue en faveur de Trump est qu’il bénéficie d’un allié puissant qui souhaite – mais pas à n’importe quel prix- obtenir un accord avec Israël.
L’Arabie saoudite le souhaite, Israël le désire ardemment mais là aussi pas à n’importe quel prix.
Le prix que tout le monde connait mais fait semblant de l’ignorer est la création d’un Etat palestinien.
Terminus ad quem !
Reconnaissance d’un Etat palestinien avec bien entendu la reconnaissance de l’Etat d’Israel dans des frontières sures. Notons cependant que cette condition a déjà été formellement acceptée par l’Autorité palestinienne.
C’est donc une conjonction de facteurs positifs qui n’existaient pas auparavant.
Israël grâce à une série de victoires impressionnante jouit d’une vraie sécurité stratégique qu’il n’avait jamais connue à un tel degré auparavant. Sera-ce suffisant pour obtenir une paix avec les Palestiniens ?
Ceux-ci sortent affaiblis comme jamais d’un combat qu’ils avaient déclenché.
Mais sont-ils brisés au point d’accepter toutes les conditions israéliennes ? Tout laisse penser le contraire.
Israël a certes gagné cinq ans voire peut-être plus, les futurs combattants d’un rejeton du Hamas ont à peine 10-.15 ans Ils formeront l’ossature future.
La force israélienne l’a emporté mais pas au point d’atteindre l’objectif que tout Etat souhaite : à savoir vivre en paix avec ses voisins.
Le Hamas et dans une moindre mesure le Hezbollah et l’Iran ont été défaits comme jamais auparavant, mais leur pouvoir de nuisance demeure, tapi et prêt à frapper à la moindre occasion.
Trump aura donc beau jeu pour amener les belligérants à la raison de leur rappeler ce que disait fort bellement dans son testament politique Monsieur le Cardinal de Richelieu : « La chose qui doit être soutenue et la force qui doit la soutenir doivent être géométriquement proportionnelles. »
Heureusement ou malheureusement, ni Israël ni les Palestiniens n’ont réussi à maîtriser cette géométrie.
Si Trump veut réussir, il devra exercer des pressions certes différentes mais bien réelles et surtout concomitantes et sur Israël et sur les Palestiniens.
Nous conseillons à Trump de s’inspirer de la pensée de Kissinger qui écrivit dans son maître livre Diplomacy : « A good agreement is one where both sides are equally unhappy. »
Le troisième élément dont dispose Trump paradoxalement est sa brutalité et son imprévisibilité.
Sera-ce suffisant ? il est encore trop tôt pour le dire ? Mais une froide analyse permet un optimisme raisonnable. A sa façon Trump peut à son tour réaliser une « conceptual breakthrough ».
Il devra faire comprendre aux Israéliens qu’ils ne retrouveront pas avant longtemps un président américain aussi compréhensif et mêmement il devra signifier aux Palestiniens que son Big Stick mettrait un terme pour de nombreuses années à leur légitime revendication d’un Etat palestinien s’ils ne venaient pas à la table des négociations avec une vraie volonté de conclure un accord.
Ce scénario souffre cependant de deux périls majeurs. Les Palestiniens quand bien même le Hamas ne saurait les représenter à lui seul, ont certes été humiliés, mais leur humiliation est la mère nourricière de leur revanche future. En outre, ils ont asséné à Israël des coups d’une réelle audace notamment en défiant Israël dans sa technologie la plus avancée et ils se disent donc : nous avons certes été battus mais la prochaine fois sera la bonne.
Symétriquement, l’assaut meurtrier et barbare a secoué les fondements d’Israël. Israël a eu peur, Israël a vacillé durant 48 h, Israël a subi la barbarie, Israël n’est donc pas prêt de faire des concessions et ce d’autant moins que la partie la plus suprémaciste et raciste de la coalition au pouvoir embastille Netanyahu et l’empêcherait d’accepter toute concession sous peine de faire chuter le gouvernement Netanyahu.
Gageons que Netanyahu n’est pas près de s’y résigner.
La société israélienne est divisée, ce n’est pas le meilleur moment de soutenir un accord forcément disruptif.
Le Président de l’Etat d’Israël est l’honneur d’Israël, il a une stature internationale et c’est un homme de Paix. Bien que ses pouvoirs soient essentiellement honorifiques, Trump aurait tout intérêt à le faire rentrer dans le jeu. Pour autant même Itzhak Herzog a dit : « Ma Nation est en deuil, ce n’est pas le moment de parler d’un Etat palestinien. »
Si Trump vient à bout de toutes ces contradictions, et il n’est pas déraisonnable d’entre- apercevoir une lueur d’espoir, alors nous serons les premiers avec les Israéliens et les Palestiniens à saluer sa performance.
L’ironie de la situation est qu’après avoir été le parrain de la progression iranienne vers le nucléaire, après avoir enterré par deux fois la création d’un Etat palestinien avec son plan Peace to Prosperity: A Vision to Improve the Lives of the Palestinian and Israeli People », et lors des Accords d’Abraham Trump sera peut-être le faiseur de paix au Moyen-Orient et le parrain d’un Etat Palestinien.
Il est pourtant un facteur qui devrait pousser Trump à soutenir l’Arabie Saoudite dans sa nouvelle politique.
Schématiquement l’Arabie Saoudite poursuit 3 buts. Le premier, c’est bien sûr de préserver son territoire des visées agressives et du terrorisme. Elle a beau avoir rétabli les relations avec l’Iran, elle ne baissera pas la garde.
Le deuxième objectif qui est tout aussi primordial, c’est la réussite de son plan- extrêmement ambitieux- de développement économique, et d’assurer sa transition écologique tout en poursuivant la modernisation de sa vie politique.
Pour autant elle vise à jouer un rôle mondial, elle en possède les atouts nécessaires mais elle a besoin de l’appui américain, de l’ambition chinoise et dans une moindre mesure de relations apaisées avec Israël.
Mais elle ne sacrifiera pas la cause palestinienne qui lui permet d’assurer sa prééminence et son rôle de leadership au sein du monde arabe.
C’est pour elle autant une exigence morale et politico-religieuse qu’un moyen d’assurer sa sécurité. Soutenir la cause palestinienne et donc la création d’un Etat palestinien lui permet de ranger sous sa bannière, à travers le Conseil de Coopération du Golfe (CCG), Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar et les UAE. Cela lui permettra un effet de levier.
Trump conserve un certain nombre d’atouts pour arrimer le Royaume. L’Amérique dispose encore de moyens financiers importants, d’une technologie notamment nucléaire que la Chine ne maîtrise pas aussi parfaitement, d’un know-how dans l’intelligence artificielle à bien des égards encore supérieur à la Chine.
Mais surtout les États-Unis sont les seuls à jouir d’une écrasante supériorité militaire. En quantité et en qualité. Il est important de posséder les matériels les plus efficients et les plus sophistiqués, les éployer de façon intelligente dans un orchestre aux mécanismes parfaitement huilés demeure l’apanage américain.
Les Américains demeurent- à ce jour et encore pendant très longtemps- la seule nation capable de projeter leurs forces dans la totalité du globe. Ni les Chinois ni à fortiori les Russes n’apostent de telles capacités, de bases à l’étranger et d’un réseau d’alliances.
Durant la première présidence Trump, l’Iran se satisfaisait et se contentait- moyennant quelques actions sub-rosa- de rugir, d’invectiver et d’injurier les petit et grand Satan.
Or depuis le 13 avril 2024, et quand bien même l’Iran avait prévenu les USA par l’intermédiaire de l’Arabie Saoudite qu’il lancerait une salve de missiles sur Israël, l’on assiste à un changement de paradigme.
Autant il était facile à Trump de répondre aux gesticulations iraniennes par des gesticulations américaines, autant il lui sera impossible de ne pas répliquer à de nouvelles provocations. La difficulté sera de trouver la proportion adéquate sans rentrer dans un conflit de grande envergure. Trouver un conflit low- cost ne sera pas évident. Que va faire Trump dans un tit for tat non nucléaire mais conventionnel ?
Dans cet affrontement qui relève aussi de l’hoplomachie, le couple Israël- États-Unis versus Iran, les deux parties sont persuadées que chacune veut la destruction de l’autre. Cette situation explosive ne saurait être pérenne sous peine d’explosion incontrôlable.
Hoplomachie des côtés. Trump ne cesse de criailler et de fouailler à nos oreilles tout le mal qu’il réserve à l’Iran, tandis que l’Iran les voue aux gémonies. Mais Trump a le chaos en horreur et ne voudra pour rien au monde d’une intervention armée.
Jusqu’au mois d’avril 2024 les Iraniens semblaient faire preuve d’une certaine forme de retenue et de sagesse. On a beau être Mollah obscurantiste, on connaît la géopolitique.
En Iran, Trump est confronté à plusieurs difficultés, reliées entre elles et l’on ne voit pas comment il pourra les surmonter.
La première complication est, bien entendu, le fait que l’Iran n’est plus qu’à une ou deux étapes du stade de la puissance- même de second rang- nucléaire.
Le JCPOA avait- relativement bien- encadré l’Iran et stoppé sa marche nucléaire. Or le 8 mai 2018, Trump, pour complaire à sa base électorale et à Netanyahu, annonce le retrait américain du JCPOA.
Cette décision ne reposait sur aucun manquement iranien ainsi que l’on confirmé les différentes agences de renseignement israéliennes et américaines, c’était juste une promesse électorale. Les échelons politiques des deux pays ont fait fi- pour des raisons partisanes – de ces constats. Moyennant quoi Trump a accru le train de sanctions qui frappaient l’Iran.
Le résultat fut prévisible.
Grâce à la dénonciation de Trump, l’Iran s’est par la suite affranchi des contraintes du JCPOA. En libérant l’Iran de ses entraves et du carcan des accords, Trump est devenu, certes volens nolens bien malgré lui, le parrain de l’arme nucléaire iranienne !
Quant à l’efficacité des sanctions, l’on a vu leurs succès avec les livraisons massives de drones et missiles iraniens à la Russie.
L’économie iranienne est loin d’être florissante. Mais grâce à la perfusion chinoise, elle tient le choc.
Le deuxième implication tient au rapprochement qui demeure entre l’Arabie saoudite et l’Iran sous les auspices chinois. Et il perdure quand bien même l’Iran semble soutenir, à tout le moins ne pas désapprouver des acteurs non gouvernementaux qui ne veulent pas que du bien à l’Arabie Saoudite. L’Histoire n’aurait rien d’inédit, Carl Schmitt le conceptualise parfaitement dans sa théorie ami-ennemi.
Il est tout aussi possible que Trump se laisse entraîner par Netanyahu et monte une intervention commune avec Israël pour bombarder les installations nucléaires iraniennes. Cette hypothèse est effectivement désormais envisageable et possède quelques avantages vu le peu d’efficacité des S300 qui ont d’ailleurs été détruits par le remarquable exploit des frappes israéliennes.
Quant au système iranien Bavar 373, l’on nous permettra de douter de son efficacité. Grâce aux frappes israéliennes, l’Iran est considérablement affaibli, Trump jouit donc d’une exceptionnelle fenêtre d’opportunité.
Il lui restera l’option militaire. Il détruirait alors certes une partie de l’appareil touchant au nucléaire. Il n’est pas sûr que l’Arabie Saoudite lui prête le concours de ses bases, il pourrait cependant procéder à certaines frappes qui retarderaient simplement la marche en avant de l’Iran. Mais il s’exposerait à un blocage du détroit d’Ormuz qui serait la dernière chose que Trump souhaite.
Il est tout sauf sûr que la Chine et la Russie le suivent dans cette croisade.
Il serait temps pour lui d’inverser la fameuse pensée de Clausewitz et d’adresser aux Iraniens le message que la politique et la diplomatie remplacent avantageusement la guerre lorsque celle-ci n’a pas désigné de vainqueur.
Il lui sera loisible en réactualisant les principales dispositions du JCPOA de tenter un accord avec l’Iran. Ce sera certes beaucoup plus difficile qu’en 2015 car l’Iran a beaucoup progressé.
L’autre raison qui a d’ailleurs empêché Biden de conclure un accord avec l’Iran était que les USA avaient refusé de lever la qualification d’organisation terroriste au Corps des Gardiens de la Révolution Islamique.
Cette appellation date d’Avril 2019. Que pourra faire Trump pour sortir de cette impasse ?
Un changement d’attitude de Trump est-il envisageable ? Il n’est ni à une reculade près ni à une volte-face. Il existe d’ailleurs un précédent. Les Accords de Doha signés sous l’administration Trump le 29 février 2020, furent une véritable capitulation américaine face aux Talibans. Ils furent conclus par l’administration Trump sans même tenir informer le gouvernement afghan.
En obtenant le respect de certaines lignes rouges et en accordant des compensations à l’Iran, Trump pourrait concevoir un nouveau modus vivendi.
Sur le fond du problème sachons raison garder.
Dans un livre exceptionnellement dense et brillant, Pax Atomica, Bruno Tertrais explique pourquoi l’on peut parler, mais uniquement après Nagasaki, de paix atomique.
Les Israéliens jouissant de la dissuasion de 80 têtes nucléaires, la déterrence nucléaire continuera de jouer.
Mais si un accord devait avoir lieu, Trump devrait ménager la fierté iranienne et surtout ne pas exiger de regime-changer. Après tout un tel accord vaudrait bien un Salat al Juma’ah à la Mosquée de Imam Masjed e Emam.
Il n’en reste pas moins que l’Iran a prouvé une vraie résilience quand bien même l’insatisfaction et les révoltes grondent devant l’incurie et la terreur de la mollahcratie.
Nous nous permettons de signaler à Trump une loi d’airain en géopolitique. Un pays affaibli n’est pas nécessairement un pays moins dangereux ; c’est même souvent le contraire.
Trump devra également considérer que les rodomontades iraniennes ne sont pas que des fanfaronnades et que ce serait mêmement une erreur de croire que des coups massifs contre l’Iran obligeraient sa quiescence.
Ainsi en novembre 2024, le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi explique qu’adopter une attitude conciliante serait perçu comme autodestructrice. En outre des partisans de la ligne dure ont lancé un appel à Khamenei pour qu’il renonce officiellement au dogme religieux condamnant le recours à l’arme nucléaire.
Le rapprochement entre l’Iran et les pays arabes est notable et notoire. Nous l’avons décrit plus haut, Trump arrive au milieu d’une foule de facteurs positifs, mais il est autant de facteurs qui vont contrarier sa politique étrangère. Parmi ces derniers notons la réintégration progressive de l’Iran au sein des Etats Arabes, qui suivent l’exemple de l’Arabie Saoudite.
Ainsi début octobre 2024, le ministre iranien des affaires étrangères Abbas Araghchi se rend au Liban et en Syrie, puis en Arabie Saoudite, puis au Qatar. Il ajoute Irak et Oman dans son périple. Oman est une étape importante car le sultanat jouit de la position de médiateur entre les États-Unis et l’Iran. Pendant les invectives et bombardements, les discussions continuent !
Le 16 octobre, le ministre iranien des Affaires étrangères rencontre à Amman le Roi de Jordanie. Il termine sa tournée par l’Égypte où aucun ministre iranien des Affaires étrangères n’avait foulé le sol depuis douze ans. Ce roadshow diplomatique marque le retour couronné de succès de l’Iran vers des relations apaisées avec ses voisins dans la région. L’on ne peut d’ailleurs que s’en féliciter. Car elles instillent en effet l’émollience des conflits des deux côtés.
Vu de l’observateur neutre, l’on ne peut qu’encourager tout ce qui favorise et permet à l’Iran d’être moins agressif. Israël en serait d’ailleurs le premier bénéficiaire.
Après la barbarie pogromesque et génocidaire du 7 octobre comment le quarante septième Président résoudra-t- il l’équation ? Trump s’est pris au jeu et se rêve nobélisable de la Paix. Il est vrai qu’on ne sait toujours pas pourquoi Barack Obama fut honoré de cette distinction.
Un autre des problèmes de méthode de Trump sera de hiérarchiser les priorités et les adversités. Trump prétend s’attaquer à tout, parfois en vingt-quatre heures. Que l’on nous permette de lui rappeler la pensée si sage de Frédéric Le Grand : « Celui qui défend tout ne défend rien.»
Sa priorité adamantine sera la Chine. Pour autant gageons qu’il portera d’abord son attention sur les pays du Golfe et de l’Arabie Saoudite lesquels détiennent les clés du problème palestinien.
Les risques qui accueilleront Trump
Le premier risque que nous voyons n’est pas que sémantique mais il s’en nourrit intimement.
Trump répète à satiété le motto américain : « America first » et il emploie le mot « Make America great again ». Cela risque de réveiller et de provoquer des antagonismes.
La politique étrangère américaine a depuis fort longtemps navigué entre un altruisme profond et une générosité à nulle autre pareille. L’Amérique n’a jamais hésité à sacrifier ses boys pour la défense de la liberté dans des contrées parfois lointaines mais elle a mêmement éployé les ailes de sa puissance pour défendre égoïstement et brutalement ses propres intérêts commerciaux sans tenir compte des dommages qu’elle causait.
Ne mentionnons même pas les politiques prédatrices de ITT ou United Fruit en Amérique latine ou la protection des régimes dictatoriaux quand cela l’arrangeait. On se rappellera avec amusement la phrase parfaitement cynique de John Connolly Secrétaire au Trésor en 1971 : « The dollar is our currency but your problem. » America First ne peut que raviver des souvenirs désagréables chez certains alliés des États-Unis.
Lors d’une rencontre entre Nixon et Edward Heath, Nixon n’a pas craint de signifier au Premier ministre britannique ses divergences sans tenir compte de la relation spéciale qui unissait les deux pays.
Lorsque Kissinger revint de son voyage en Chine, le Japon qui n’avait pas été prévenu, le ressentit comme un véritable Tsunami et décida à son tour un rapprochement avec Pékin.
Plus près de nous, le coup de poignard asséné par les Américains dans l’affaire des sous-marins australiens, est la preuve éclatante de l’égoïsme américain. L’IRA décrété par Biden n’a pas fini d’occasionner des dommages à l’économie européenne.
Il est un autre domaine auquel Trump devra prêter la plus grande attention : le Sud Global.
Sud Global qui après tout n’est que l’héritier de feu la conférence de Bandung. Il n’en reste pas moins que les pays du Sud Global représentent environ 80% des 8,5 milliards d’habitants qui peuplent la planète. Ils pèsent pour environ 25% de la richesse mondiale.
Pour autant, le dénominateur commun qui cimente leurs relations internationales est faible, ondoyant et fragile. L’on peut se demander combien de temps tiendra l’alignement sino-indien.
Donald Trump devra y porter la plus grande attention. Il devra s’appuyer sur le difficile asset indien dont le soutien à Moscou est à géométrie variable. Attirer dans l’orbite américaine, certains de ses membres nécessite d’abord de leur accorder un minimum de considération et de coopération.
Le temps de la condescendance pratiquée par United Fruit et ITT est désormais et heureusement révolu.
Il est une loi irréfragable mais intellectuellement passionnante en géopolitique : le maximum de sécurité pour l’Etat A entraîne le maximum d’insécurité pour l’Etat B.
Il y a fort à parier que pour des raisons endogènes et exogènes, les postures -autant que les actions de Trump- vont augmenter les conflictualités dans le monde. Conflictualités ne signifiant pas conflits armés.
La bataille tarifaire. Meline sors de ce corps !
S’il y a une guerre que Trump n’hésitera pas à déclencher, c’est bien celle des droits de douane. Elle sera mondiale. Tous les pays y auront droit. Trump va s’attaquer prioritairement à deux entités.
La Chine qui est, bien entendu, la cause principale du déficit américain. En ce qui concerne la Chine, son combat est juste et l’on ne peut indéfiniment tolérer que la Chine détourne et viole les règles de l’OMC.
La deuxième cible sera l’Europe. Trump avait d’ailleurs osé dire : « The European Union is worse than China, just smaller. They treat us horribly on trade. »
Les USA on en 2023 un déficit commercial de 280 milliards de dollars avec la Chine et de 210 avec l’Europe. Trump va donc relever les tarifs douaniers mais cela appellera également des dommages significatifs sur l’économie américaine, cela entraînera inflation et hausse du chômage.
Notons que les économistes ne partagent pas tous cette vision pessimiste. Pour eux le ratio inflation sur perte d’emploi ne sera pas si défavorable.
Trump s’attaquera aussi vraisemblablement au Canada quoique son déficit avec ce pays n’est que de 40 milliards de dollars.
Avec le Mexique, les USA enregistrent un déficit de 150 milliards de dollars. Une hausse des tarifs douaniers avec le Mexique ou avec l’Inde d’environ 40 milliards de dollars aura de sérieuses répercussions politiques.
Trump compte sur une augmentation des exportations américaines. Notons que la Chine s’est déjà préparée pour une guerre tarifaire avec les États-Unis. Même dans le cadre d’une guerre tarifaire, l’on ne perçoit pas de ligne totalement claire.
Scott Bessent, le futur Secrétaire au Trésor a récemment déclaré :
« Our first Treasury Secretary, Alexander Hamilton, also happened to be America’s original proponent of tariffs. »
Mais probablement pour rassurer les marchés, il annonce aussi dans le Wall Street Journal:
« Trump has a more thoughtful approach to trade-offs,” “His commitment to the stability of the market would imply he’s going to recognize there’s a point beyond which we could push tariffs that would be too far for the market and the economy.”
“The tariff gun will always be loaded and on the table but rarely discharged,”
“A lot of what he’s doing is escalate to de-escalate. My goal for his administration would be to save international trade and not end up looking like…turn-of-the-century tariffs,”
Ainsi vouloir accroître les droits de douane ne pourra qu’irriter le Mexique, le Canada, le Japon et l’Europe etc. Lors de la présidence Trump, les adultes présents dans la pièce essayaient, tant bien que mal d’annihiler les âneries de leur patron. Il n’est pas sûr que cela puisse se reproduire cette fois-ci.
Les grandes catastrophes adviennent parfois par erreur.
Un scénario reprenant le principe de la Dépêche d’Ems- sans entraîner toutefois- l’éclatement d’un conflit n’est pas à éluder.
Plus près de nous, Dean Acheson commit la gaffe irréparable d’oublier, dans son célèbre discours du 12 janvier 1950 devant le National Press Club, de mentionner la Corée du Sud. On connaît la suite quand bien même Staline s’était servi de ce prétexte pour tendre un piège à son allié chinois.
Le dictateur nord-coréen a donc, à sa façon ridiculisé Trump et les USA rejouant un remake de La Dépêche d’Ems.
Un autre danger qui découlera de l’absence de contrôle par les adultes provoquera des réactions surdimensionnées d’un président drogué par l’absence de contre-pouvoirs, le Congrès étant totalement à sa main- au moins pour les deux prochaines années, et l’on verra difficilement ses conseillers tenir tête avec succès à Trump. Ce sera un facteur de risques en relations internationales dû principalement à la méthode Trump.
Avec la Chine, où il est vrai, les pays occidentaux peinent à comprendre la menace, Trump a une véritable fixation sur l’immigration légale et illégale.
C’est donc avec une infinie reconnaissance et une immense nostalgie que nous rapportons les propos du grand publiciste français que fut Portalis :
« Le premier des Droits de l’Homme, c’est le droit de chacun à aller là où il pourra se réaliser. »
Trump a ainsi qualifié l’immigration comme « The National Security threat » et parle des USA comme étant dorénavant « an occupied territory ».
La méthode Trump va en cette occurrence inévitablement se fracasser sur la complexion mexicaine. La Chine est devenue le deuxième partenaire économique du Mexique après les USA. Le Mexique est une des têtes de pont de la Chine dans l’Amérique du Sud. Mexique et Chine coopèrent étroitement au sein du G20 et de l’APEC.
Les échanges commerciaux ont atteint entre le Mexique et la Chine 110 milliards de dollars, il est vrai que les échanges commerciaux en 2022 représentaient 780 milliards de dollars entre les USA et le Mexique. La Chine investit lourdement dans les infrastructures mexicaines et y implante, entre autres des usines automobiles.
Il n’empêche Donald Trump n’a pu s’empêcher de fanfaronner le 20 novembre 2024 sur sa plateforme Truth Social « qu’il a eu une merveilleuse conversation avec la nouvelle Présidente du Mexique. » « Claudia Scheinbaum a accepté de mettre un terme à l’immigration à travers le Mexique et en direction des États-Unis fermant ainsi notre frontière sud. » RFI
Moyennant quoi Claudia Sheinbaum lui a fermement et courtoisement répondu : « J’ai expliqué la stratégie globale que le Mexique a suivie pour faire face au phénomène migratoire. Nous réitérons que la position du Mexique n’est pas de fermer les frontières, mais de construire des ponts entre les gouvernements et les peuples . »
Trump devra donc arbitrer entre sa volonté de « déporter » les immigrés ou éviter de susciter un rapprochement supplémentaire entre la Chine et le Mexique.
Pour notre part, nous tenons à ce stade, à rappeler fermement que derrière le vocable immigré se cache le si beau mot d’Etres Humains.
Civis europeanus sum ! Nous sommes fiers de rappeler le discours sur l’état de l’Union prononcé par Jean-Claude Juncker le 9 septembre 2015 :
« La priorité absolue, aujourd’hui, est et doit être de répondre à la crise des réfugiés. C’est tout d’abord une question d’humanité et de dignité humaine. Pour l’Europe, c’est aussi une question de justice au regard de l’Histoire. »
Angela Merkel rapporte également cette pensée de Jean-Claude Juncker qui honore les Européens que nous sommes : « L’Europe, ce sont ceux qui se trouvent à la gare, qui saluent les réfugiés et qui les applaudissent. »
Il est un autre risque d’inflexion de la politique étrangère américaine. Être une démocratie ne garantit pas une politique étrangère imaginative, innovante et intelligente. Et mêmement, les dictatures ont-parfois- conçu et exécuté une action diplomatique réaliste. A tout le moins, elles ont compris leur intérêt et ont su rester neutres, la morale dût-elle en être en ignorée.
Pour autant une des premières décisions de Biden de réunir une conférence mondiale des pays démocratiques ne fut surement pas sa décision la plus intelligente.
Sans se référer à l’alliance entre Churchill et Staline, l’on se remémorera la communion d’intérêts entre le dictateur Metaxás et le démocrate Churchill.
La démocratie américaine n’a pas non plus fait preuve de grande pudeur pour accepter le 18 février 1952 l’admission de la Turquie et de la Grèce dans l’OTAN. Ô combien était sage la réflexion- même si souvent si mal interprétée de Max Weber sur le Gesinnungsethik et le Verantwortungsethik.
On citera avec profit Gérard Araud dans Passeport Diplomatique : « Je savais que la diplomatie c’était parler au diable, mais rien ne m’obligerait jamais à dire que le diable était un ange.»
On citera également, mais par pur plaisir, la remarque si savoureuse de Churchill prononcée dans un discours aux communes : « If Hitler invaded hell I would make at least a favourable reference to the devil in the House of Commons ».
Il n’en reste pas moins et il s’agit là d’un véritable changement dans la gestion des relations internationales que l’interaction entre une certaine conception de la démocratie ou démocrature et les dictatures correspond souvent, bien trop souvent, à une conjonction d’intérêts.
L’amitié du leader illibéral Orban avec le dictateur Poutine- on peut désormais à juste titre l’affubler de ce glorieux titre- n’est pas fortuite. La Hongrie s’est ainsi signalée pour avoir accepté la construction de la ligne ferroviaire Budapest Belgrade, qui est la tête de pont chinoise en Europe centrale.
La Chine a également investi, lourdement, dans le complexe nucléaire hongrois de PAKS. Orban endosse également avec un enthousiasme juvénile et immature sa proximité idéologique avec Trump. Lors de sa rencontre avec Trump à Mar el Lago, Orban a déclaré : « Nous avons de grands projets pour l’avenir »
L’on peut donc se poser légitimement la question quelle pourra être l’influence de ces connivences idéologiques dans la gestion de sa politique étrangère.
Trump s’en servira-t-il auprès de certains de ses alliés ou se laissera-t- il séduire par le caractère autoritaire d’un Erdoğan ou d’un Netanyahu flagorneur? A cet égard, la symbiose la plus parfaite nous semble la relation poussée à l’extrême entre Netanyahu et Trump.
Pour autant, il semblerait que ce type de relations ne sera plus de mode avec les adversaires systémiques tels que Poutine, Xi Jin Ping ou Kim-Jong Un tant le fossé des intérêts antagonistes est prégnant et s’est élargi.
Mais il n’est pas non plus exclu que l’influence des démocratures se fasse sentir sur le parti républicain ou des groupes tels que Qanon, fervent soutien de Trump et donc contribuent à la conception de la politique étrangère. A cet égard le projet Heritage Foudation, quand bien même Trump ne l’a pas fait sien, est problématique.
Si le projet Schedule F venait à être adopté, il aurait pour conséquence de fragiliser la fonction publique américaine. Une des premières victimes serait le Soft Power américain et ses institutions, puis les fonctionnaires jugés trop élitistes du State Department. L’on se rappellera aussi comment Trump traitait ses propres services de sécurité. La politique de déportation des immigrés qui tient tant à cœur à Trump ne changera pas fondamentalement la relation mexicaine, mais elle aura des répercussions par capillarité sur tant de pays démocratiques qui durcissent et enforcissent leur gestion des immigrés.