Rien de définitif donc, tout reste ouvert en conséquence. Vingt ans après le referendum de 2005, l’histoire nous aura enseigné la réversibilité toujours possible du fait majoritaire dès lors qu’il ne correspondrait pas à une certaine doxa technocratique ou sociétale, voire pour les ZFE techno-sociétale.
Déjà le vote des députés qui a pour la circonstance porté l’expression des territoires et des classes populaires est pris au filet des dénonciations. Le mot magique de tous les exorcismes bien-pensants est lancé : populisme ! Les opposants aux ZFE ne seraient que l’une des multiples expressions du populisme… A voir, tant ce mot-valise proféré à tout bout de champs pour discréditer toute critique n’allant pas dans le sens des pensées dominantes dissimule un malaise bien plus fondateur et mutadis mutandis bien plus grave.
Passé le temps de la controverse, force est de constater que ce sont deux notions, au coeur de notre contrat social, qui sont mises en examen depuis des décennies par une partie des élites. On peut ne pas le voir, on peut vouloir ne pas le voir, on peut le relativiser mais bien plus qu’un sentiment de réalité, c’est une forme de réalité qui s’impose : de la souveraineté populaire au principe d’égalité, vertèbres fondatrices de notre pacte républicain, les deux piliers du consentement à la res publica sont corrodés par 40 années de pratiques du pouvoir progressivement amnésiques au fil du temps des ressorts de leur légitimité au point d’enfanter une classe dirigeante pour laquelle le lien au peuple n’est plus en soi une donnée naturelle. Cet oubli est le nom de la crise démocratique. Des Gilets jaunes aux ZFE, cette dernière court, ne cessant de s’approfondir, prenant des visages qui peuvent différer selon les circonstances mais qui ramènent toujours à la même interrogation : jusqu’à quelle limite la corde reliant les gouvernants aux gouvernés pourra tenir sans rompre, les seconds ne pouvant sans ressentiment demeurer plus longtemps la variable d’ajustement des certitudes des premiers ? A la fuite en avant oligarchique, il convient d’opposer ce qu’Alexandre Jardin, le héraut de la lutte contre les ZFE, appelle la « reconnexion », c’est-à-dire le ressourcement populaire sans lequel le pouvoir tend à perdre toute légitimité. Ce sera là l’enjeu majeur des prochains temps.
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université