Donc la justice du régime algérien ou ce qui en tient lieu aura condamné à 5 ans de prison ferme Boualem Sansal. C’est trop, c’est inacceptable, c’est évidemment injustifiable. La condamnation était inscrite dans la logique implacable de l’arrestation.
Ce théâtre directement hérité du monde soviétique à défaut d’être celui de la justice n’en délivre pas moins un sens politique. Sous toutes les latitudes on ne badine pas avec les autocrates. Ceux d’Alger ont pour particularité d’aller chercher à l’extérieur leurs meilleurs ennemis : Marocains, Israéliens, ou bien entendu Français, ces anciens colonisateurs dont ils n’ont jamais de cesse d’en faire les responsables de tous leurs maux passés, présents et futurs.
La demande permanente de repentance est leur moteur et leur alibi surtout pour dissimuler leurs propres échecs. Depuis 2017, ils ont non sans succès beaucoup misé sur Emmanuel Macron qui leur aura beaucoup donné, notamment en affirmant dans une déclaration aussi imprudente qu’inexacte que la France s’était durant 130 années adonnée à la perpétuation de crimes contre l’humanité.
Cette faute politique initiale s’est doublée d’un revirement de la position française sur la question du Sahara occidental qui a rompu inévitablement la confiance du Président Tebboune en son homologue français. Comprenons : aux yeux du Chef de l’Etat algérien, Emmanuel Macron a trahi et c’est bien cette trahison qu’il s’agit de faire payer à la France.
Dans ce contexte, la prise d’otage de Boualem Sansal s’inscrit comme une première réponse à ce qui d’Alger est vécu comme une trahison. Arrêté et condamné, le grand romancier franco-algérien est ainsi pris au piège du jeu trouble des deux présidents : l’algérien dont le cynisme est d’instrumentaliser les failles, nombreuses, de ceux qui gouvernent à Paris ; le français qui a cru qu’il pouvait par la repentance exclusive s’assurer de la bienveillance d’Alger tout en donnant satisfaction sur le Sahara occidental au voisin marocain.
Dans cette affaire, Emmanuel Macron aura tout à la fois surestimé son habileté et sous-estimé la nature du régime d’Alger ainsi que les proximités électives de ce dernier. Il aura oublié que le pouvoir soviético-oriental qui domine de l’autre côté de la Méditerranée est un fin connaisseur non seulement de la politique française mais également de la psyché ondoyante du Président français et qu’il n’entend pas s’en laisser compter ; mais l’hôte de l’Elysée aura dans le même temps péché par ignorance, volontaire ou non, en refusant de voir que l’Algérie dans le grand jeu géopolitique du moment n’est pas, loin s’en faut, du côté des démocraties libérales mais avec ceux qu’Emmanuel Macron désigne, à tort ou à raison, comme représentatifs de l’axe illibéral. C’est aussi à cette contradiction là que se trouve pris la tête de l’exécutif en France. C’est à lui désormais d’en tirer toutes les conséquences, de permettre la libération immédiate de Boualem Sansal tout en révisant de fond en comble les fondamentaux de la politique algérienne de la France. Une équation de très haute complexité dont il faut néanmoins trouver la solution au plus près des intérêts de la Nation.
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à Sorbonne-Université