L’effervescence a gagné la majorité. À moins de deux ans de la fin du mandat et après une crise sanitaire qui bouscule les fondamentaux du macronisme, l’exécutif est confronté au crash-test de sa réadaptation par “gros temps”.
Une note du Président du groupe parlementaire LREM sur les perspectives de remaniement a autant mis le feu aux poudres qu’elle a révélé l’état moral des troupes majoritaires. C’est une atmosphère d’anomie qui s’est progressivement installée dans la macronie profonde. La naissance de deux nouveaux groupes parlementaires à l’Assemblée objective les déséquilibres qui désormais mettent sous tensions les structures originelles de la majorité. Il n’y a plus de “en même temps”, le dépassement ordonné des clivages ne fait même plus illusion, il n’existe plus qu’une course contre le temps afin de colmater les brèches. C’est l’avarie qui guette.
Le second tour des municipales traduit localement non seulement l’échec de l’implantation, mais il dit majoritairement l’absorption sur le terrain par la droite républicaine des miettes de la “start-up nation”.
À défaut d’avoir pensé le local, le local se venge.
À regarder de près, Emmanuel Macron est triplement encalminé. Il l’est d’abord dans sa doxa initiale : il a voulu adapter la France à une vision irénique du monde mais le monde, cruel, lui a rappelé qu’il fallait d’abord protéger l’espace national. Le Président tente désormais de sauver un peu désespérément sa matrice en élargissant et tordant le concept de souveraineté à l’échelle européenne. L’exercice en creux, au-delà d’une sémantique de l’urgence qui dope les mots comme pour mieux souligner en creux les limites de l’”agir”, lui rappelle que la politique est l’entreprise qui vise à dompter le cours des événements et non de s’y fondre. C’est le principe même du techno-libéralisme dont il est l’un des représentants les plus emblématiques qui est touché au cœur. L’encalminement doctrinal se double mécaniquement d’un encalminement fonctionnel : la majorité n’est plus un bloc unitaire mais un agrégat de sous-marques, dont la perte de l’arithmétique absolue au Palais-Bourbon constitue l’indicateur parlementaire.
La République en marche de facto vit sur sa rente sur-gonflée de 2017, mais elle n’est plus que la pièce fragile d’un puzzle coalisé.
C’est là un changement de statut qui induit organiquement de nouveaux rapports de forces.
Le dernier trait de cette “cornerisation” est celui du rapport du Président au pays, un pays qui historiquement et institutionnellement érige l’incarnation en clef-de-voûte de la légitimation du pouvoir. La structure de la relation du Président à l’opinion demeure problématique ; la crise sanitaire, loin d’avoir entraîné un sursaut de confiance, a confirmé la persistance de mécanismes profonds de défiance, dont les contrastes avec la perception du Premier ministre par l’opinion montrent qu’il existe bel et bien un “problème Macron”. La magie d’un remaniement suffira t’elle à métamorphoser les infortunes présentes de la macronie en exercice rédempteur ?
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef