Arnaud Benedettii analyse la décision du Président de la République face à l’hypothèse d’un gouvernement du Nouveau Front populaire et explore les défis de la stabilité institutionnelle. Découvrez les enjeux actuels et les perspectives pour sortir de l’impasse.
Le Président de la République a refermé la porte à l’hypothèse d’un gouvernement du Nouveau Front populaire, considérant celle-ci comme peu viable sur la durée en raison de la large opposition parlementaire qu’elle soulevait parmi les autres forces politiques de l’Assemblée nationale. » Déni de démocratie » professe t’on à gauche , » faute institutionnelle » pour l’ancien Président de la République François Hollande : la réalité pourtant est du côté de l’actuel Chef de l’Etat. La plus forte des minorités en sièges ne fait pas une majorité parlementaire, à fortiori quand en voix la coalition de gauche n’est pas plus majoritaire. De ce point de vue, l’hôte de l’Elysée est dans son rôle lorsqu’il tient compte des rapports de forces au sein de l’hémicycle.
Reste néanmoins désormais à sortir d’une situation qui si elle se poursuivait en viendrait à enliser le fonctionnement régulier des institutions. Le temps presse. Emmanuel Macron est, il est vrai, confronté à une situation complexe où l’arithmétique témoigne d’une tectonique politique inédite. Toute la question est de savoir si les institutions sont en mesure de métaboliser une configuration où chacun en fin de compte se neutralise , où chacun est insuffisamment fort pour imposer sa force mais où presque tout le monde l’est pour mettre en exergue les faiblesses des autres, où chacun est comme en suspens entre son électorat et la nécessité de ne pas laisser plus longtemps la nation à découvert, c’est-à-dire sans gouvernement.
C’est cette physique des forces qui commande pour l’instant.
Et à partir du moment où le Président de la République récuse le NFP au nom de la stabilité, il ne peut non plus échapper à ses propres responsabilités si jamais l’instabilité s’installait.
Il n’y a pas plus intérêt pour sa fonction et son avenir que le pays dans son ensemble. Il lui faut en conséquence envoyer un signal pour sortir de l’impasse dans laquelle le régime se retrouve suite à la dissolution d’une part et aux désistements d’entre-deux tours d’autre part. Or pour ce faire, le Président n’a d’autre choix que de confier , voire de déléguer cette tâche à un homme ou une femme dont la mission exploratoire, comme on le pratiquait sous la IV ème République, sera d’essayer de créer les conditions d’un compromis minimal pour s’assurer d’une majorité relative. Encore faut-il qu’Emmanuel Macron accepte de déléguer, et en conséquence d’entrer en voie de cohabitation, d’en accepter l’esprit, de s’en conformer aux conditions, et in fine de partager le pouvoir, d’en concéder même une grande partie. À défaut de procéder à cette révolution copernicienne personnelle, le Chef de l’Etat prendrait le risque d’être le principal obstacle à une remise sur leurs rails des institutions qui ne sont pas le problème, loin s’en faut, mais dont l’usage dont elles sont l’objet constitue la difficulté majeure. La psyché présidentielle sera t’elle en mesure d’infléchir sa pratique du pouvoir afin de créer les conditions d’acceptabilité d’une coalition minimale, seule potentiellement susceptible de dépasser le stade de la crise dans laquelle nous sommes entrés ? C’est là toute la question du moment. Si tel n’était pas le cas, l’instabilité l’emporterait à coup sûr, au risque au demeurant d’affaiblir encore plus la fonction présidentielle, notre architecture institutionnelle et une Nation, plus que jamais en proie à l’accumulation de nombre d’épreuves existentielles.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université