C’est une décision attendue que le Conseil constitutionnel a rendue ce 18 juin au sujet de la très controversée loi Avia qui entendait réprimer les « contenus haineux » sur Internet.
En censurant notamment l’article 1 du texte qui visait à contraindre les plateformes à retirer du seul fait de leur propre appréciation les propos considérés comme « illégaux », les gardiens de la Constitution ont confirmé ce que tous les opposants à ce texte avaient mis en lumière : son incompatibilité avec un régime commun de liberté d’expression et l’usage disproportionné de la répression qu’il mettait en œuvre. C’est donc là une victoire du droit dont il convient de se féliciter. Démonstration est apportée qu’il existe une ligne en-deçà de laquelle tout pouvoir doit se garder : celle de la tentation de régir à priori la parole. Ce rappel est salutaire au moment où les démons de la censure, portés par des revendications très souvent plus « particularistes » qu’ « universalistes » poussent à fabriquer une sorte de nouvel « homme nouveau ».
Pour autant, la vigilance s’impose tant l’exécutif et sa majorité ont montré de désinvolture quant au respect de principes que l’on pensait à tort acquis en matière de bonne compréhension du fonctionnement d’un régime libéral. L’embrigadement de la parole et de la pensée est le signe des époques qui doutent d’elles-même. La loi Avia, anomalie constitutionnelle, n’était qu’un symptôme de plus de ce doute. Elle constituait le marqueur d’une dérive, d’un relâchement dans l’intériorisation des mœurs qui sous-tendent le libéralisme politique. Comme quoi, cela ne va pas de soi. Outre l’amateurisme dans la fabrique législative d’un texte « caricaturalement » attentatoire à l’espace démocratique qu’il a souligné avec une rare force, le Conseil constitutionnel a joué pleinement son rôle de contre-feu et de mise en sécurité du droit à l’expression. Il a rappelé tout simplement qu’on ne badine pas avec la démocratie.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef