Cette crise n’est pas le fruit vénéneux d’institutions mal construites, comme le furent celles de la IVè République ; elle résulte exclusivement du mauvais usage qu’en ont fait les responsables politiques. Ce sont bel et bien les hommes qui ont corrompu l’architecture institutionnelle et c’est probablement au crash-test de leur survie qu’Emmanuel Macron a confronté, par un enchaînement en cascade de mauvaises initiatives, une Vè République qui avait permis jusqu’ici de surmonter bien des embardées de nos soixante-dix dernières années : crises politiques (fin de la guerre d’Algérie, Mai 68, etc.), crises sociales, crises économiques pour avoir secoué le pays ne l’avaient pas pour autant mis à bas car le môle du régime contenait malgré tout suffisamment d’antidotes pour nous préserver de l’effondrement. La France pliait certes mais ne rompait pas.
La mondialisation sans frein à laquelle se sont convertis nombre de nos dirigeants a affaibli la Nation.
Elle a de facto miné de l’intérieur notre pacte constitutionnel dès lors qu’elle a privilégié des normes extra-nationales sur les normes nationales et qu’elle a réifié l’Etat de droit au point d’oublier qu’il ne pouvait avoir de légitimité s’il ne s’indexait au préalable sur la souveraineté populaire. Ce mouvement de fond poursuivi sur plusieurs décennies est la trame existentielle sur laquelle s’est développé la crise du politique. Il aura fallu des hommes et des circonstances pour l’intensifier, des circonstances dangereuses et périlleuses sans hommes de suffisantes volontés qui loin d’en détourner le cours en accélérèrent le débit pour mener à la situation que l’on connaît aujourd’hui : une balkanisation de notre vie politique, une exacerbation des tensions culturelles et sociales, et depuis quelques mois dorénavant un dérèglement institutionnel qui laisse littéralement à découvert le pays.
La censure est le produit d’une cécité lointaine d’une part et d’une accumulation sur quelques mois d’autre part de manœuvres aussi imprudentes que peu rationnelles.
En d’autres termes la censure n’est pas le problème, elle n’est que le révélateur des problèmes qui l’ont fait inexorablement advenir. Elle est la faute du Président Macron qui n’a cessé de jouer, de trop jouer et évidemment de mal jouer. Or, la France est une affaire suffisamment sérieuse pour ne pas se confondre avec des jeux aussi peu inspirés que dangereux. Le pays mérite mieux….
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université