Le Président Tebboune dans un entretien accordé à L’opinion a tenu cette ligne sans surprise, professant des propos effrayants à l’encontre du grand écrivain persécuté, contestant presque sa nationalité française en raison de sa récente acquisition et surtout en arguant que Boualem n’aurait pas « livré tous ses secrets ». Mots glaçants quand on sait qu’il s’agit de la parole d’un hiérarque à la tête d’un système militaro-policier. Mots scandaleux qui pointent la préparation d’un simulacre de procès aux accents sordidement staliniens. L’oligarchie algérienne entend imposer une stratégie judiciaire pour mieux dissimuler la honte de son procédé qui consiste à faire pression sur la France pour obtenir toujours plus du pays honni. Tebboune dans une déclaration à l’emporte-pièce s’en prend nommément à de nombreuses personnalités françaises dont entre autres le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Et au passage il prodigue, non sans impudence, des brevets de fréquentabilité à d’autres acteurs du débat national. En d’autres termes, détenant son otage, il entend faire fructifier son chantage abominable en enjoignant les voix légitimement critiques en France à se taire ! Le pire c’est qu’il trouvera ici même des relais apeurés ou complaisants qui s’empresseront de le satisfaire en avançant qu’il ne faut pas irriter plus qu’il n’en faut les maitres d’Alger.
Au fond cette affaire révèle au grand jour la trahison des uns, les arrangements des autres, et le sens de l’intérêt national de ceux qui considèrent que le temps de l’indulgence est désormais derrière nous, tout simplement parce que la guerre d’Algérie l’est également.
Les premiers, sorte de parti des hiérarques algériens, sont ceux-là mêmes qui se refusent ostensiblement à défendre Boualem : ils sont à l’extrême-gauche, renforcés amplement par un réseau d’influenceurs explicitement au service des nomenklaturistes algérois. Les seconds, avec les meilleures intentions du monde, escomptent sur la prudence et l’exégèse diplomatique pour parvenir à infléchir un Moloch dont la passion de haïr la France est pourtant insatiable. Ils constituent un étrange précipité d’accommodement au rapport de forces et de nostalgie d’une politique arabe un tantinet fantasmatique. Une équation entre la volonté de compromis flirtant avec le risque de compromission et une forme de naïveté dont les fruits sont tout autant amers qu’incertains. Au regard de l’âge et de la maladie du grand romancier jeté au cachot, le compte à rebours est largement enclenché. Si dans les jours à venir, car ce n’est plus qu’une question de jours, rien de cette disposition ne parvenait à produire quelque effet l’exécutif n’aura d’autre alternative que de tirer les conséquences d’une politique dénuée du moindre résultat, de changer de braquet et de réviser l’ensemble des fondamentaux de sa relation avec les dirigeants d’Alger.
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université