« La République, c’est l’inévitable, et vous devriez l’accepter. Vous devriez prendre votre parti de l’existence dans le pays d’une démocratie invincible à qui restera certainement le dernier mot. »
Léon Gambetta
Les digues bougent de toutes parts. Les jetées sont envahies par des rouleaux de vagues gigantesques qui viennent s’écraser contre. Certains, beaucoup, cherchent à vouloir franchir qui une interdiction, qui une frontière, qui une loi commune en imposant un atavisme ou une hérédité surannée sous ces contrées. En vertu d’un communautarisme en immersion ou d’un séparatisme défiant le reste de la population, chacun s’enhardit à gribouiller la topographie de sa propre aspiration ou de l’hypothétique hallucination.
À l’heure où les politiques en France semblent avoir pris la mesure du péril qui nous a cernés depuis un moment, il est important de mettre les choses au clair pour rechercher les fondements de ces agitations sismiques. C’est, peut-être, parce que les barrages subissent une pression qui est à son paroxysme ou que les embarcadères sont vétustes et érodés. Dans la première éventualité, nous n’arriverons pas à comprendre que ces mouvements agressifs se soient agrippés au môle qui nous a toujours protégés, que des expressions exogènes veuillent changer le visage de ce que la République a mis des dizaines d’années à dessiner, sans que les décideurs n’aient pu esquisser le moindre geste de défense.
L’indolence de ceux qui ont été élus pour nous protéger n’a fait que grandir au fil des années.
Aucune réaction n’est venue mettre en berne ces ambitions démesurées. Dans le second cas, la perméabilité des digues est inquiétante parce que ça nous permet de mettre en avant le peu de sérieux dont le gouvernement se couvre pour paralyser ce qui s’en prend à nous en tant que peuple et en tant que civilisation. Et surtout en tant que République indivisible, laïque, démocratique et sociale.
En France, ça n’en finit pas de se mettre en branle tout au long de ces excavations creusées pour bloquer l’ennemi et que l’ennemi contourne pourtant comme s’il s’agissait d’une ligne Maginot imaginaire. Ce qui est déstabilisant, c’est que tout ce que nous avons entrepris jusqu’à maintenant, c’est que nous n’arrivons pas à percer les lignes ennemies avec tout l’arsenal juridique que nous possédons. Toutes nos tentatives restent infructueuses. Les stigmates de la maladie et ses manifestations sont moins graves que le traumatisme qui s’en dégage. C’est quelque chose de moins évident qu’il n’y paraît – et de plus redoutable. Les barricades ont été enjambées. Et le plus facilement du monde.
Il est donc évidemment grand temps que ces limites soient respectées et que le territoire que nous défendons, celui de la République et de son fameux triptyque, soit défendu ardemment.
Il faut que nous puissions en redessiner les contours pour qu’ils soient tenus définitivement en estime.
Quelque chose semble bouger. Enfin ! Croire à l’efficacité malgré le fait que les clapotis des vagues n’apparaissent pas à la surface des eaux comme ne sont pas ressentis non plus la dérive des continents et le plissement des montagnes. Les barricades franchies peuvent avoir été vaincues également en profondeur. C’est là que se trouve la faille. Le contournement des lois républicaines est une spécialité de nos ennemis. Quelles que soient les mesures prises depuis ces dernières années, nous nous devons d’être les sentinelles qui alertent parce que le danger est toujours d’actualité. Plus que jamais ! Les femmes et les hommes de bonne volonté devraient contribuer à prédéfinir les conjonctures du devenir de toute une génération qui n’aura connu que le stress de ces attaques à répétition.
La République n’a pas de patrie mais elle est d’abord, en ce qui nous concerne, ici et maintenant, le visage grandiose de la France.
Nous habitons un territoire avec des références cadastrales et légales incontournables. Nous habitons une langue au carrefour d’un vécu éprouvé. Nous habitons une civilisation et une culture qui se sont construites patiemment, avec des sachant qui ont fait évoluer inlassablement une mémoire collective. Si l’on veut garder ce toit bâti avec un savoir et un humanisme connus et reconnus, il nous faut relever la République avec la France et en faire notre programme et notre mission méticuleuse. Habiter la République en même temps que la France, c’est retrouver la puissance première non comme une parole d’autel devant lequel s’agenouiller mais comme une authentique présence d’une parole commune qui nous protégera de l’oubli de ce que nous sommes. Il y va des conditions de notre survie en tant que républicains.
Kamel Bencheikh
Essayiste