Olivier Calon, président de la Fédération Française du Senior, et André Viola, président du groupe de gauche de l’Association des Départements de France, reviennent sur les conséquences pour les départements de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement.
Olivier Calon – La loi de décembre 2015 sur l’adaptation de la société au vieillissement était très attendue et modifie complètement le regard sur les seniors. Les départements doivent-ils alors faire évoluer leurs politiques publiques ?
André Viola – Certains départements n’ont pas attendu la loi pour se munir d’outils allant au-delà de leurs obligations d’accompagnement financier. Mais ici, il s’agit de rattraper le retard que la France a en matière de prévention et d’aborder la question du senior dans sa globalité. Ceci nécessite que les services sociaux travaillent plus de façon transversale avec par exemple les services de transports, de logements etc… L’impact sur la façon d’aborder désormais nos politiques publiques est énorme.
Olivier Calon – Vous appelez à engager grâce à cette loi de véritables politiques de prévention du vieillissement. Comment pensez-vous que les départements doivent s’organiser pour aller dans ce sens ?
André Viola – L’élément positif c’est que le département a été défini comme chef de file sur ce secteur. Non pas comme donneur d’ordre, mais comme pilote d’une politique qui doit être menée avec l’ensemble des acteurs concernés par cette question. C’est par une coélaboration des projets que nous pourrons arriver à mener une approche différenciée et adaptée à chaque situation.
Dans mon département de l’Aude, j’ai voulu avancer vers des programmes différenciés et adaptés à chaque public tout en tenant compte du déficit de spécialistes dans ce département. J’ai choisi de distinguer sur le département de l’Aude cinq territoires avec, pour chacun d’entre eux, des politiques adaptées aux spécificités de chacun.
Olivier Calon – Comment voyez-vous l’évolution des relations entre les associations de personnes âgées et celles dédiées au public touché par un handicap ?
André Viola – Rapprocher les seniors actifs et les seniors connaissant un handicap est une priorité et donc chercher à les unifier va dans le bon sens. Il y a des problématiques communes qui nécessitent de mutualiser et de mettre en commun les compétences et les moyens. Alors, bien entendu, la disparition des CODERPA (Comités départementaux des retraités et personnes âgées) suscite des inquiétudes. Au même titre que les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées) qui, à leur mise en place, ont provoqué une inquiétude des associations. Si je peux comprendre les réactions de résistance, je sais que les associations s’y retrouveront complètement dans les nouvelles propositions d’organisation de ce secteur. Elles doivent s’adapter au nouveau regard que la loi appelle sur le monde des seniors. De même, les services départementaux devront, avec l’impulsion politique donnée, avancer vers de nouvelles relations notamment avec les MDPH et ce, en fonction des spécificités de chaque département.
Olivier Calon – Les régions se sont vues confier, par la loi NOTRe, la responsabilité du développement économique. Les départements doivent-ils, d’après vous, continuer à jouer un rôle dans ce secteur notamment dans tout ce qui concerne l’économie liée au social ; qu’il s’agisse de l’économie sociale et solidaire ou encore de la Silver économie ?
André Viola – Nous avons tous eu tort de ne pas avoir parlé assez fort, jusqu’ici, de l’impact économique de l’action sociale : c’est un investissement pour l’avenir, ne serait-ce que dans la dynamique en termes de création d’emplois. Dans l’Aude, les emplois du secteur de l’aide à domicile sont de plus en plus qualifiés et diversifiés.
Cette dynamique va bien au-delà de l’aide à domicile. Elle impacte aussi également la question du logement. Dans la Haute-Vienne par exemple, une vraie politique volontariste permet le soutien à la création de logements adaptés et leur équipement avec des dispositifs domotiques. Le département participe à projet spécialisé en lien avec le tissu économique local et prend en charge le surcoût permettant la mise en place de ces outils visant à rechercher le maintien au domicile du senior au maximum des possibilités. Partout en France, l’évolution de l’habitat pour répondre à cette priorité du maintien à domicile devra être favorisée. On ne peut être plus au cœur de la Silver économie.
Quant à l’économie sociale et solidaire, elle est devenue partout une réalité. Les départements se sont emparés de cette question et pour certains depuis longtemps que ce secteur soit l’approche économique ou des solidarités. Même si désormais les départements ne peuvent plus aider directement les entreprises, tous continueront de mener des politiques qui favoriseront l’activité économique et l’attractivité de leur territoire via les politiques dont ils sont garants.
D’une façon générale, c’est à nous de trouver les bonnes complémentarités entre les départements et les régions pour savoir qui fait quoi.
Olivier Calon – Pour la première fois la loi prend en compte la question essentielle des aidants. Comment voyez-vous la prise en compte par les départements de ce nouveau public ?
André Viola – Les départements sont surtout quasi tous mobilisés à ce jour sur la remise en question de leur politique d’aides car ils doivent avoir terminé début 2017. C’est demain… Il faudra alors immédiatement, et très vite, engager l’énorme chantier de la communication et de l’information. C’est d’ailleurs commencé dans l’Aude : ma priorité est dès maintenant l’information aux aidants. Chacun doit accepter ce statut, ce qui n’est pas toujours évident lorsque l’on a affaire à la solidarité familiale. Car ce qui est en jeu c’est bien l’acceptation d’un nouveau regard, sur les seniors d’une façon générale, mais plus particulièrement sur les aidants qui viennent d’aboutir à une véritable reconnaissance grâce à cette loi. Ces derniers jouent un rôle essentiel et incontournable au niveau de la prévention. Même si la question du financement reste globalement posée. La reconnaissance donnée par le législateur et notamment le droit au répit est une énorme avancée. Les aidants doivent se saisir de cette loi et des droits qu’elle leur offre. Quant aux services d’aide à domicile, ils ont un rôle majeur à jouer dans la détection des situations et dans l’information des aidants quant à la connaissance de ces nouveaux droits.
Olivier Calon – Quel est d’après-vous l’avenir de cette loi qui permet de franchir une nouvelle étape dans un secteur majeur de notre société et qui concerne un public de plus en plus important ?
André Viola – Après la création de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) nous avons avec cette loi un nouveau souffle qui va permettre de franchir un nouveau cap et de réaliser ce que l’on peut considérer comme une grande avancée.
Le seul problème de cette loi est qu’elle n’est pas assez connue, pas assez valorisée. Elle ne peut être évaluée seulement par une approche purement financière même si, bien sûr, cette question reste au cœur du dispositif. D’ailleurs l’État a immédiatement compensé à l’euro près les dépenses générées pour les départements. Bien sûr personne ne peut préjuger de la suite tant le nombre de personnes concernées risque de croître grandement dans les années à venir.
Quoiqu’il en soit de nouveaux services sont indispensables pour répondre aux besoins de la société qui connaît un allongement du vieillissement. Nous avions vraiment besoin d’un nouveau regard sur le monde des seniors. La loi aujourd’hui nous permet de l’avoir. À nous de nous en saisir en étroit lien avec tous les partenaires, traditionnels comme nouveaux !
André Viola
Président du groupe de gauche de l’Association des Départements de France
Olivier Calon
Président de la Fédération Française du Senior