Depuis la mise en place de l’état d’urgence sanitaire entré en vigueur le 24 mars 2020, un certain nombre de nos libertés sont devenues surveillées voire entravées. Cet état d’urgence est pour Raphael Piastra l’oeuvre d’un exécutif tyrannique. Il nous explique pourquoi.
Nous avons vécu durant ces presque trois mois de confinement une période comme notre pays n’en avait plus connue depuis, toutes proportions gardées, 1945. Ce ne sont pas les armes qui ont parlé mais un virus, la Covid19. Les victimes durant la Seconde Guerre mondiale, s’élèvent à environ 600 000 morts. La Covid19 en a causé presque 30 000. Enfin pour redresser le pays la France en 1940 a eu un chef, un vrai, le général de Gaulle. Il ne s’est pas contenté à l’instar d’Emmanuel Macron de « sauter sur sa chaise comme un cabri et en disant » la guerre, « nous sommes en guerre », la guerre, la guerre. Comme aurait dit le général « cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien ».
Ceci étant posé, les juristes auront relevé qu’un certain nombre de nos libertés sont devenues surveillées voire entravées. Notamment depuis la mise en place de l’état d’urgence sanitaire. Ce dernier est entré en vigueur sur l’ensemble du territoire national le 24 mars 2020avec la publication de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Vu l’urgence, le Conseil constitutionnel a validé cette loi (décision du 26 mars 2020). Puis cette dernière a dû être prorogée le 11 mai 2020. Ces textes sont inspirés de l’état d’urgence « classique » aménagé par la loi de 1955 (révisé en 2015 et 2019). Il est l’œuvre d’un exécutif qui est bien plus gendarme, voire tyrannique, qu’on veut bien le croire.
D’ailleurs il existe en France depuis quelques décennies une soft dictature de l’exécutif au détriment de nos libertés mais aussi d’un Parlement « croupion ».
Le grand ordonnateur de cette soft dictature fut d’abord l’hôte de l’Elysée. Bien perdu quand même en début de crise…. Il fut secondé (parfois contrarié !) par son Premier ministre avec comme « second » le ministre de la Santé M. Véran. Et aussi M. Castaner quantrième homme chargé de mettre en place les bases œuvres liberticides. Précisons que l’état d’urgence sanitaire est bien plus attentatoire aux libertés que celui de 1955. Au titre de ces libertés, citons celle d’aller et venir qui constitue, on le sait, une liberté constitutionnelle fondamentale. La liberté d’aller et venir est une composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le confinement est un moyen d’empêcher la libre circulation. De même pensons à la liberté de réunion interdite en gros pendant deux mois. Citons aussi la liberté du commerce et de l’industrie qui a été instituée par l’article 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791 dite « décret d’Allarde ». Cette liberté a été par la suite confirmée par la loi des 14 et 17 juin 1791 dite « Le Chapelier » supprimant les corporations. Cette liberté ayant bien sûr acquis depuis valeur constitutionnelle. La fermeture des commerces et industries y a porté atteinte. Et pour les commerçants et artisans ce fut même la double peine avec le confinement à domicile. Et la reprise autorisée (sous condition) ne leur permettra certainement pas de compenser le manque à gagner considérable qu’ils ont subi. Beaucoup ne vont d’ailleurs pas s’en remettre (malgré les aides de l’Etat). La timide reprise dans les établissements de débit de boissons voire même de restauration n’augure rien de bon. La distanciation physique aux terrasses ne va pas dans le bon sens et prête déjà le flanc à des abus. Il y a incontestablement une urgence économique qui risque d’être plus intense que celle sanitaire…. Quant à l’urgence sociale, elle va se rappeler à nous rapidement. La Banque de France a annoncé deux ans pour nous en remettre économiquement et 1 million de chômeurs !….
Qui peut le moins, peut le plus ? !! On pense aussi à la liberté d’expression consacrée à l’article 10 de la Constitution. La fermeture des salles de spectacle en tous genres ainsi que les cinémas porte atteinte à celle-ci. A moins que le chef du Gouvernement considère que l’expression via Internet soit un supplétif. On ne supplée pas une liberté. On la respecte un point c’est tout.
Un des droits les plus précieux consacré en France est le droit de propriété (article 2 et 17 de la Déclaration de 1789). Et bien le fait d’empêcher des propriétaires d’aller séjourner, y compris pour s’y confiner, dans leur résidence secondaire porta atteinte pour nous au dit droit. Il en va de même pour le droit de réquisition prévu par la loi du 23 mars 2020.
Avec le juge administratif, on peut à bon droit maintenant considérer que le port du masque rendu obligatoire par un maire attente à la liberté personnelle. Dans l’idéal des Lumières, le citoyen doit se présenter à visage découvert dans l’espace public (cf port du voile islamique). Obliger une population à se masquer dans les espaces publics est attentatoire aux libertés. Ainsi en a décidé à plusieurs reprise le juge administratif ces dernières semaines. Messieurs les maires ne jouez pas aux apprentis tyrans !! Au niveau local vous êtes aussi les garants de nos droits et libertés ! Libérez sans crainte nos plages et forêts !
Dans le déconfinement à géométrie variable que le grand manitou Philippe nous a annoncé, il existe des mesures encore attentatoires à nos droits et libertés.
Ainsi une obligation de porter le masque à certains endroits (métro, tram, trains,). Une limite de 100 km dans nos déplacements était d’un ridicule absolu. Elle a heureusement été supprimée. Pourquoi cent ? Personne ne peut le dire. Summum liberticide, dans son discours du 28 avril, Edouard Philippe a précisé que « dans chaque département, nous constituerons des brigades de cas contacts qui vérifieront que les tests (ndlr : pour les premières 700 000 personnes soupçonnées de la Covid19 qui seront testées) ont bien eu lieu ». L’objectif : « Identifier le porteur du virus afin de casser la chaîne de transmission. Ces « brigades Covid » (rien que le nom « brigades » sonne comme le glas des années 40) sont donc chargées de détecter tous les citoyens ayant été en contact avec des malades, qui auront accès à leurs données de santé, et les mettre en isolement si besoin. Environ 30 000 personnes, selon l’estimation fournie par Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique. Soyons rassurés, le chef Philippe nous dit que « l’isolement n’est pas une punition ». Comme pour nous rassurer (nous apeurer ?) il précise qu’« il reviendra aux préfets de définir les plans d’accompagnement des personnes à isoler. ». Rien que ça ?
Et quid de nos ainés cloitrés dans les Ehpad ou maison de retraite ? Laissons-les donc retrouver leurs proches comme ils le souhaitent. C’est aussi le droit à mener une vie familiale normale consacré par le Préambule de 1946. Quant aux écoles c’est la chronique d’une année scolaire pour gâchée. « L’organisation de l’enseignement public… à tous les degrés est un devoir de l’Etat » proclame l’article 13 du Préambule de 1946. Et bien nous ne sommes pas sûr que les conditions du déconfinement scolaire tel qu’orchestrées par Jean-Michel Blanquer, par ailleurs professeur de droit public (donc soucieux des libertés publiques), soient opportunes à cet égard. Le bac et les différents examens scolaires (et universitaires) 2020 seront incontestablement dévalorisés. Sur les cv des gamins cela sera comme une tache indélébile. On les entend déjà les Ah, un bac 2020 ! Les règles sanitaires pour les enfants à l’école pourraient être allégées d’ici fin juin, notamment pour « les repas, les récréations ou le sport», a estimé dans Le Journal du dimanche le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy.
Un mot aussi de ce Conseil scientifique Covid19. Il a été institué le 11 mars 2020 par Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, « pour éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au coronavirus ». Présidé par le professeur Jean-François Delfraissy, ce comité compte dix autres experts. Notamment en début de crise, il s’est parfois substitué à l’autorité politique quant aux décisions prises. D’ailleurs cela explique une partie des raisons pour lesquelles le professeur Raoult en est parti. Son président a par ailleurs estimé que le Conseil avait vocation a achevé bientôt sa mission. Il a surtout déclaré : « laissons les gens vivre normalement ». D’autant plus qu’à ses yeux l’épidémie est « contrôlée ».
Profitons-en pour constater que Conseils et comités en tous genres font flores, composés d’« experts » Les successeurs de Chirac les apprécient . « Ah les experts…des Diafoirus ! » disait François Mitterrand. On voit sur les plateaux télé différents professeurs qui se contestent chiffres et données. Plus souvent sur les plateaux ou dans les studios que dans leurs labos ou leurs hôpitaux pour certains !…
L’Académie nationale de médecine, de son côté, a mis quinze jours à s’éveiller. Quant à l’Organisation mondiale de la santé elle a encore brillé par sa quasi-absence. Peu ou prou elle est au niveau mondial ce qu’est l’ONU au niveau international, c’est-à-dire une sorte d’appendicite. On a évoqué plus haut le professeur Didier Raoult ! Druide rebelle, véritable gourou, retranché avec sa bande de chercheurs dans leur Institut marseillais, il a prescrit avec bonheur à des centaines de patients la fameuse chloroquine et son antibiotique. Médicament miracle ou pas, il a servi à soulager et soigner un grand nombre de patients et c’est incontestable. C’est sans doute là l’essentiel en conformité avec le serment d’Hippocrate. Il a ainsi suscité combien de jalousies de la part de quelques-uns de ses collègues surtout parisiens. Même à ce niveau on rejouait un Marseille contre le PSG. N’oublions pas que la grande différence c’est que l’OM est championne d’Europe ! L’inclassable professeur Raoult sera-t-il nobélisé pour ses recherches et ses travaux innombrables en infectiologie ?
Le droit pénal n’est pas exempt d’atteintes aux libertés. La loi du 23 mars met en place, par exemple, des infractions sanctionnées par de l’emprisonnement, ouvrant la voie à des comparutions immédiates. Et ce dans des tribunaux en principe confinés donc désertés et qui, s’ils infligent un emprisonnement, vont remplir des prisons déjà pleines et où la Covd19 sévit. Nos prisons puisqu’on en parle. La ministre de la Justice Mme Belloubet a ouvert leurs portes pour libérer 3 500 prisonniers face à la Covid. Ces derniers seront « assignés à domicile » et « réincarcérés » en cas d’infraction aux mesures de confinement. Mais s’il arrive un accident l’Etat pourra être mis en cause. La politique carcérale fait partie de ces activités dangereuses qui engagent la responsabilité de ce dernier en cas de problème (un prisonnier tue quelqu’un par exemple).
Des pénalistes ont été saisis déjà des difficultés à lire les conditions de verbalisation et de réitération des infractions. L’absence physique de l’avocat lors des gardes à vue inquiète. Et comment ! C’est attentatoire au droit interne mais aussi européen. Or la présence d’un avocat est essentielle notamment aussi lors d’une garde-à-vue durant laquelle bien des choses peuvent se (mal)passer.
L’instauration de ce qui n’est ni plus ni moins qu’un régime d’exception aurait mérité un autre débat en aval.
C’est à la hussarde que le plan de déconfinement a été adopté. En limite d’un 49-3.
Pour achever regrettons surtout que cette loi de mars 2020 (comme celle de mai) soit un modèle de texte mal écrit. Comme beaucoup de lois votées depuis une trentaine d’années. Lorsqu’on fait du droit, la précipitation est toujours mère d’incorrection. Le temps était à l’urgence donc l’urgence a présidé à l’adoption de ce texte. Selon Mme Belloubet cet état d’urgence durera « le temps de l’épidémie ». Quand finira-t-elle ? Personne ne peut le dire. On constate qu’elle commence à être maitrisée. Mais la Covid circule toujours et s’engouffre dans quelques clusters ici ou là….
Désolé Mme mais contrairement à ce que vous dites « l’Etat de droit (n)’ est (pas) mis en quarantaine ». Comme votre collègue M. Blanquer avant d’être ministre vous êtes professeur de droit public. Vous connaissez pertinemment ces problématiques et savez ce qu’est, à la vérité, la cause que vous servez présentement. Les juges judiciaires et administratif ont heureusement commencé à œuvrer pour nos droits et libertés individuels. De son côté le Conseil constitutionnel a validé la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire mais a émis quelques réserves sur les fichiers de contact tracing issus des bridages sanitaires. La volonté de détecter les chaînes de contamination ne justifie pas de violer la vie privée, ont rappelé les 9 sages (décision du 11/5/2020).
Pour achever, relevons que le parquet de Paris a décidé d’ouvrir une vingtaine d’enquêtes préliminaires suite à des plaintes déposées contre des autorités publiques. Le petit peuple cher à Michel Onfray, se retourne contre la tyrannie. Bon signe !
Raphael Piastra
Maitre de Conférences en droit public à l’Université Clermont Auvergne