La disparition de Jean-Marie Le Pen est une longue page de l’histoire politique française qui se tourne. Tout être a ses zones d’ombres et de lumière et ce qui nous façonne et définit nos combats et nos croyances relève de nos parcours de vie et de nos racines profondes, de nos blessures intimes et de nos rencontres avec les rendez-vous du destin à des époques déterminées. Reconnaître le corps de son Père, travailleur de la mer, déchiqueté par une mine allemande sur une plage de la Trinité-sur-mer à l’âge de quatorze ans, c’est une entrée dans l’âge adulte, au plus fort d’un conflit mondial titanesque, qui peut en grande partie expliquer l’engagement dans une lutte hors du commun. La suite, c’est aussi l’itinéraire d’un soldat en Indochine et en Algérie, médaillé pour son courage, qui a combattu pour l’idée qu’il se faisait de la défense de la nation française, en son âme et conscience. Des concepts, une vision de la place de la France dans le monde que d’aucuns se complaisent à dévaluer, les jugeant d’un autre temps, obsolètes mais sans être capables d’y substituer autre chose qu’un déclin mortifère et la destruction de repères qui font la différence entre la civilisation et la barbarie, ils sont les siens, lui appartiennent et il les aura défendus avec force et détermination, envers et contre tout… Les historiens honnêtes auront la lourde tâche de retracer objectivement le parcours d’un des plus jeunes députés de la IVe République, point focal et incarnation de la droite nationale dite « extrême » pendant des décennies, jusqu’aux derniers jours du patriarche disparu à l’âge de 96 ans, en passant par la description du séisme politique du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002. Homme de passions, de controverses, de provocations, visionnaire en ce qui concerne le drame de l’immigration incontrôlée, la montée du totalitarisme islamiste conquérant, et les ravages du mondialisme sur nos sociétés fracturées, Jean-Marie Le Pen appartient à la génération des derniers témoins et acteurs de la Deuxième Guerre mondiale, avec tout ce qui en aura découlé, décolonisation, effondrement du bloc soviétique et formidable mutation du monde vers l’affrontement d’autres réalités lourdes de périls dont on ne mesure pas encore l’amplitude. Des erreurs, quels sont ceux entrés en politique qui n’en commettent pas, graves, lourdes ou mineures ? Les chambres à gaz et la Shoah sont le marqueur ineffaçable de la Deuxième Guerre mondiale. Il ne viendra pas plus à l’esprit de qui que ce soit de dire qu’Hiroshima et Nagasaki sont des points de détail dans le regard porté sur ce conflit apocalyptique. Ce sont des points de bascule dans l’absolu de la tragédie humaine qui font du vingtième siècle une des périodes les plus dramatiques de l’épopée universelle.
8 janvier 2025 (date anniversaire de la disparition de François Mitterrand en 1996), trois filles pleurent leur Père. L’une d’entre elles est aujourd’hui la tête du principal parti d’opposition français. Elle revenait de Mayotte, 101ème département de France où elle a réalisé un de ses plus beaux scores électoraux lors de la présidentielle de 2022, et c’est à l’escale au Kenya qu’elle a appris ce qui constitue une des pires épreuves du parcours humain, la perte du Père ou de la Mère, celle qui est quelque part une deuxième entrée dans l’âge adulte, la plus douloureuse… Singulier détour du destin, c’est au cours d’une visite au Kenya, que la fille de George VI, l’illustre Élisabeth II, avait appris la disparition du Roi son père début février 1952… La comparaison s’arrête sans doute là mais on ne manquera pas de souligner que de nombreux commentateurs ont souvent utilisé le terme de dynastie pour évoquer le parcours de Marine Le Pen, de son Père et des membres de leur famille entrés en politique. Les Français dans leur immense majorité qui conservent encore le sens de l’empathie, de la raison et du respect que l’on doit à la mort s’associeront au deuil d’une des leurs samedi 11 janvier 2025.
La France, c’est cela en toutes circonstances, pas le visage de la haine dont a fait preuve une minorité d’égarés dans la soirée du 7 janvier, date aussi de l’anniversaire d’une folie meurtrière abjecte advenue dix ans auparavant au cœur de Paris.
A l’orée de 2025, assiste-t-on à l’heure du crépuscule pour notre « cher et vieux pays » en proie à des démons internes que l’on souhaiterait exorciser et dans un moment de grande bascule pour le monde ? Les semaines à venir nous apporteront la réponse mais une chose est sûre, c’est dans le respect de la France, c’est à dire de nous-mêmes, que réside l’espoir de salut, pas dans son abaissement ni dans la lâcheté ou le renoncement à sa grandeur.