Dans son dernier article, Maya Khadra met en lumière l’escalade du conflit entre Israël et le Hezbollah, qui révèle l’effondrement de l’État libanais. Elle souligne l’urgence de désarmer le Hezbollah et de restaurer un État souverain pour sortir le Liban du cycle de violence et des influences iraniennes.
Depuis le 8 octobre, le Hezbollah a décidé de mener une guerre contre Israël pour soutenir le front de Gaza. Une décision unilatérale qui dévoile les failles de l’Etat libanais quasi-inexistant et qui ne détient pas le monopole des armes et des décisions stratégiques. Le Hezbollah a vampirisé, en effet, l’Etat libanais depuis sa création dans les années 80 comme une réplique des Gardiens de la Révolution iranienne. Depuis le 18 septembre marqué par l’opération très sophistiquée d’attaque contre les bipeurs détenus par des membres du Hezbollah et même par l’ambassadeur iranien au Liban, le conflit entre Israël et le Hezbollah ne cesse de s’envenimer et de s’acheminer vers une escalade de plus en plus meurtrière et destructrice pour le Liban. Plus d’un million de déplacés majoritairement chiites ont pris les chemins de l’errance vers la Syrie, ironiquement, ou vers des zones sûres dans la montagne druze et chrétienne. Double ironie du sort pour cette communauté qui a cru être protégée par l’arsenal du Hezbollah et qui, forte de son idéologie islamiste, a méprisé longtemps le reste des Libanais qui s’opposaient au projet expansionniste de l’Iran au pays du cèdre.
Le conflit évolue vers un embrasement général dans l’attente de la riposte israélienne à l’Iran.
Tsahal révèle une détermination particulière à neutraliser toutes les niches du Hezbollah au sud du fleuve Litani et les soldats israéliens ont déjà pris plusieurs villages dont Yaroun sur la ligne bleue et Maroun el-Ras où l’Iran avait inauguré après la guerre de 2006 le « Jardin de Téhéran » ; une sorte d’îlot à peine verdoyant où le drapeau iranien flotte sur une tour de guet et où des statues -non des Dieux de l’Olympe- mais des Gardiens de la révolution islamique et à leur tête Kassem Soleimani trônent. Entretemps, sur le front de la capitale les coups de boutoir se poursuivent contre la banlieue sud, fief de la milice pro-iranienne, et d’autres quartiers de la ville dont Ras el Nabee ; un quartier résidentiel où Wafic Safa, chef sécuritaire du Hezbollah se serait caché. L’étendue des frappes montre qu’Israël est déterminée à éradiquer le Hezbollah. Profitant de la période de flottement pré-électoral aux Etats-Unis et la faiblesse dissuasive d’un Biden en fin de règne, Israël intensifie les frappes contre l’organisation terroriste. En effet, l’état hébreu semble ne plus vouloir répéter l’erreur de la guerre de 2006 qui a mené à une augmentation de l’emprise du Hezbollah au Liban.
Mais de ce paysage de chaos et de destruction, se dégage une interrogation de plus en plus légitime : qu’en est-il de l’Etat libanais ou de ce qu’il en reste ? Quel est le sort de la résolution 1701 exigeant une démilitarisation du sud du Liban ? et plus largement un désarmement de toutes les milices et à leur tête le Hezbollah ?
La logique régalienne est inaudible dans le vacarme de la guerre.
Cependant, une exigence de clarté incombe au peuple libanais. Une réunion s’est tenue le 12 octobre à Meerab, QG du principal parti chrétien d’opposition présidé par Samir Geagea, rassemblant des figures politiques, journalistiques et académiques de tous bords politiques et confessionnels. L’objectif est de rappeler les évidences, tellement noyées dans les dédales des discours politiciens au Liban. Ces évidences sont claires et essentielles dans une démocratie aux rouages fonctionnels. Elire un Président de la République après deux ans de vacances imposés par le Hezbollah et ses alliés et appliquer les résolutions internationales issues du Conseil de sécurité de l’ONU. En réalité, rien, sauf le Hezbollah, n’empêche le chef du Parlement, Nabih Berri, de convoquer les députés à une session électorale. Au contraire, la Constitution libanaise l’y oblige. Mais dans un Etat failli, la démocratie souffre et le bon sens même est marginalisé. Le Liban a besoin d’un représentant fiable auprès de la communauté internationale pour négocier l’avenir du pays et l’éloigner de la « politique des axes » ; celle voulue par l’Iran qui a exhorté après l’assassinat de Hassan Nasrallah les Libanais à continuer à se battre. Khamenei assiste à l’embrasement du Liban à partir de Téhéran qui n’a pas subi d’attaques meurtrières et destructrices depuis le 7 octobre, contrairement au Liban, à Gaza et au Yémen où ses proxies opèrent. Le Guide suprême construit ses rêves impérialistes au Moyen-Orient au détriment des populations arabes. L’Iran cherche même à négocier l’avenir de l’accord sur le nucléaire avec les Américains, à travers son nouveau président Pezekchian, au moment où le Hezbollah crie à la mort des Etats-Unis et d’Israël. Ce double langage iranien accompagné de la guerre suicidaire menée par le Hezbollah contre Israël dévoile le cynisme de ce régime et l’impuissance d’un Liban qui peine à sortir du cercle vicieux de la violence. Seul le retour à l’Etat, le renforcement de l’armée nationale, l’élection d’un Président qui s’engage à désarmer le Hezbollah et a minima, un retour à la trêve de 1949 avec Israël peuvent sortir le Liban du gouffre de la guerre. Sinon, ce pays fragilisé sombrera dans un cycle interminable de destructions et de mort.
Maya Khadra