Le 23 avril 2021, vers 14h20, Jamel Gorchane, âgé de 36 ans, arrive aux abords du commissariat de police de Rambouillet, dans les Yvelines. Il repère sa victime et moins de quinze minutes plus tard, il poignarde à l’aide d’un couteau une adjointe administrative de police, Stéphanie Monfermé, chargée du secrétariat (donc non armée), alors que cette dernière approche du sas d’entrée. Gorchane lui porte deux coups à la gorge, avant d’être abattu par un brigadier de police. La victime, transportée à l’hôpital en état d’urgence absolue, décède des suites de ses blessures à l’âge de 49 ans. Selon des témoins, le tueur a crié « Allahu akbar ». Les enquêteurs ont retrouvé dans le téléphone de Gorchane des chants religieux glorifiant le djihad, qu’il aurait consultés avant de passer à l’acte.
Le parquet national anti-terroriste s’est saisi de l’affaire. Lors d’une conférence de presse dimanche 25 avril, le procureur de la République anti-terroriste a évoqué une « radicalisation peu contestable » de Jamel G. Il a également mentionné « la présence de certains troubles de personnalité » chez l’assaillant. Peut-être avait-il consommé quelques substances illicites ? Alors peut-être que s’il n’avait pas été supprimé, la justice lui aurait appliqué la théorie de l’irresponsabilité ?…
Le mot « nazisme » est la traduction française de l’allemand Nazismus, abréviation de l’expression allemande Nationalsozialismus, « national-socialisme ». L’idéologie nazie, mise en pratique par Hitler, est basée sur une hiérarchie au sein de l’espèce humaine qui est divisée en « races », au sommet de laquelle elle place la « race aryenne ». « En bas » figurent les races les plus détestées, juifs, slaves, tziganes, formant la classe des sous-hommes, les Untermenschen, qu’il faut exterminer.
Par extension, le terme nazisme désigne le régime politique inspiré de cette idéologie, dictature totalitaire et expansionniste dirigée par Hitler de 1933 à 1945 et connue sous les noms de Troisième Reich ou d’Allemagne nazie.
L’islamisme désigne les doctrines et mouvements qui prônent l’islam comme une idéologie de combat, pour mobiliser les musulmans autour d’un projet social et politique fondé sur les normes et les lois religieuses. La charia notamment. Dès lors islamisme radical est selon nous un pléonasme incontestable. Dans le monde actuel, la donnée islamiste se présente à la fois sous forme étatique, comme en Iran, et sous forme de mouvements de tendances plus ou moins radicales portés par des groupes plus ou moins organisés… Voire, comme on l’étudiera plus bas, par des loups solitaires.
L’islamisme désigne donc les courants les plus radicaux de l’islam, qui veulent faire de celui-ci non plus essentiellement une religion, mais une véritable idéologie politique par l’application figée de la charia et la création d’Etats islamiques intransigeants. Cela passe notamment par l’élimination des « mécréants » (ceux qui ne sont pas musulmans ou les mauvais musulmans) et la conquête des pays qui ne sont pas musulmans. Pour un grand nombre d’islamistes il faut pour cela recourir au djihad (guerre sainte) dont la mission principale est de propager l’islam. Cela engendre aussi des attentats. Finalement, et même interprété par des radicaux, le Coran permet cela. « Ceux qui croient combattent sur le chemin de Dieu », dit le Coran (sourate Les femmes, IV, 76). La lutte contre les ennemis de l’umma, la communauté des croyants, est un devoir religieux exigé du Coran. « Seule rétribution de ceux qui combattent Dieu et son prophète (…) : les tuer, ou les crucifier, ou leur couper les mains ou les pieds en diagonale, ou les bannir. Que ce soit leur ignominie en ce monde, outre un terrible châtiment dans la vie dernière », affirme encore le Coran (sourate V.33).
Comme tout grand texte religieux, ce dernier est à lire à plusieurs degrés et il suscite plusieurs interprétations.
Il en allait de même pour Mein Kampf (certes texte laïc) écrit par Hitler. Dans ce dernier sont exprimées plusieurs ambitions difficilement dissociables : le désir d’élimination des Juifs et des Tziganes au nom d’une théorie raciale, d’une militarisation expansionniste et d’un renouveau national allemand teinté de revanchisme.
A notre sens les attentats de masse, type septembre 2001 à New-York, sont révolus. On assiste depuis une dizaine d’années à l’émergence des « loups solitaires » (et l’attentat de Rambouillet en est un nouvel exemple). G. Kepel décrit ce crime comme issu d’un « djihadisme d’atmosphère » qui proviendrait d’un « certain nombre de réflexes » inculqués par la propagande de l’État islamique (Europe 1, 26 avril 2021). Si l’on en croit Philippe de Villiers, lesdits loups seraient au nombre de 400000.
De par leur conduite individuelle, ils sont pour le moment assez ingérables car difficilement repérables. Mais toutes les enquêtes de police montrent qu’ils ont toujours des liens plus ou moins directs avec la mouvance islamiste. Et c’est pour cela qu’ils conviennent parfaitement aux radicaux qui, la plupart du temps, les manipulent à souhait. On doit parler également de ce qui se passe dans les banlieues de la Seine-Saint-Denis. Elles sont devenues selon Gilles Kepel « la Mecque des islamistes ». Elles ont donc été, dans leur grande majorité, conquises. Comme sont en voie de l’être d’autres banlieues de notre territoire. Il faut cesser de se voiler la face. Le grand défi est que faire ? Comment reconquérir ? Comment « désislamiser » ? Un projet de loi antiterroriste est présenté en conseil des ministres mercredi 28 avril. Le texte est en préparation depuis plusieurs semaines (c’est- à-dire avant le crime de Rambouillet). Notons que depuis 1986 (début des premiers attentats islamistes en France) ce ne sont pas moins de vingt lois qui ont été adoptées. Soit presque une loi tous les deux ans…. Avec quels résultats lorsqu’on se rappelle notamment la série d’attentats meurtriers en 2015-2016 ?…
Il apparaît clairement que nos règles démocratiques nous empêchent d’adopter des traitements plus rudes de cet islamisme radical. N’arrivera-t-on pas un jour à le regretter ? Entre le traitement quelque peu rude des Ouïghours par les chinois et le laxisme de nos sociétés occidentales, il doit bien y avoir un intermédiaire ?… Nous pensons alors à la déchéance de nationalité. Il s’agit d’une procédure juridique qui permet de retirer la nationalité française à un national. Notre éminent collègue Paul Lagarde estime que « la déchéance de la nationalité française est la sanction qui consiste à retirer à un individu qui l’avait acquise la nationalité française, en raison de son indignité ou de son manque de loyalisme ». Selon nous tout est dit. Et surtout tout est prévu ou presque par le Code Civil (art. 23-7, 23-8 et 25). Des projets pour renforcer les règles de la déchéance (notamment des binationaux) n’ont pas vu le jour en 2010 et en 2015 par pure frilosité.
Être français et terroriste c’est être indigne de son pays car déloyal envers lui. Les terroristes, lorsqu’ils sont français, devraient donc être passibles de cette déchéance. Alors cela ferait d’eux des apatrides dit-on. Et bien tant pis oserons-nous dire.
Les islamistes sont des musulmans qui entrent dans un jeu politique.
Ils ont un corpus, une construction idéologique et ils en font un projet politique. Ils peuvent jouer le jeu de la démocratie (les Frères musulmans en Egypte, par exemple, qui parviennent au pouvoir par les urnes en 2012), être utopiques, totalitaires lorsqu’ils sont déjà au pouvoir… ou guerriers lorsqu’ils veulent le conquérir par les armes. Et ce n’est pas un hasard si, une fois en place, certains érigent de véritables dictatures. Nous pensons d’abord à l’Iran, première République islamique du Golfe persique. Le principe de velayat-e faqih (gouvernement du jurisconsulte religieux) forme la pierre angulaire de l’édifice institutionnel. La plus haute autorité de l’Etat est le Guide de la révolution (Hassan Rouani actuellement), qui supervise les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, s’assure du bon fonctionnement des institutions et fixe les grandes orientations du régime. Et muselle les femmes et les opposants par exemple.
Puis nous avons l’exemple de la Turquie. Sous couvert d’une république multipartite à régime présidentiel, ce pays est dirigé d’une main de fer par le président Erdogan qui est à la fois chef de l’exécutif et chef du gouvernement. Même s’il le récuse, Erdogan est un islamiste (en col blanc !). Il concède lui être « démocrate musulman ». Parmi les extrémistes soutenus par ses soins il y a la Confédération islamique Millî Görüs (CIMG), d’origine turque, qui soutient l’islam radical et s’efforce de le répandre sur le continent européen (c’est cette organisation qui voulait financer une mosquée à Strasbourg). On ne peut que saluer la reconnaissance récente par Joe Biden du génocide arménien (génocide : un des crimes nazis). Reconnaissance qui, bien entendu, a fait bondir Erdogan. Ce dernier qui est prêt à « lâcher » un million d’immigrés qu’il masse à ses frontières (et dont la plupart sont islamistes ou en voie de l’être) dans des conditions moyenâgeuses si l’Europe le contrarie trop.
Avec le djihad, la charia (loi islamique), la conversion ou l’élimination programmée des infidèles (toutes celles et ceux qui ne sont pas musulmans mais aussi les musulmans récalcitrants), les assassinats des représentants de l’ordre public dans les pays occidentaux (Rambouillet, préfecture de Police de Paris), les prêches radicaux dans un nombre de plus en plus important de mosquées, les camps d’entraînement djihadistes où sont formées des machines à tuer, des camps aussi où l’on torture les « infidèles » … nous avons là les ingrédients d’une idéologie qui s’apparente au nazisme. Alors on nous rétorquera peut-être qu’il y avait chez Hitler la mise en œuvre d’une élimination systémique de masse dans des camps. C’est certain. Mais la volonté de conquête mise en place par l’islamisme radical a une visée occidentale (toujours l’Orient contre l’Occident ?) et internationale.
L’état islamique ne revendique rien d’autre que cela là où il s’implante. De l’été 2014 au printemps 2019, il forme un proto-État en Irak et en Syrie où il met en place un système totalitaire. Son essor est notamment lié aux déstabilisations géopolitiques causées par la guerre d’Irak et la guerre civile syrienne. L’État islamique est classé comme organisation terroriste par de nombreux États et est accusé par les Nations unies, la Ligue arabe, les États-Unis et l’Union européenne d’être responsable de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de nettoyage ethnique et de génocide. Qu’on le veuille ou non, nous sommes dans un schéma nazi.
Alors effectivement Hitler a tué un peu plus de 10 millions de personnes (dont 6 millions de juifs). De son côté, Staline est le dictateur le plus meurtrier de l’histoire avec quelques 60 millions de morts (Le livre noir du communisme, Robert Laffont, 1997). Il est certain que l’islamisme radical n’y parviendra jamais et heureusement. Mais qu’on le veuille ou non, il mène une guerre planifiée contre l’Occident. La Fondation pour l’innovation politique estime qu’entre 1979 et 2019, au moins 33 769 attentats islamistes ont eu lieu dans le monde. Ils ont provoqué la mort d’au moins 167 096 personnes (271 en France depuis 2015). Selon ladite fondation, à partir de 2013, l’islamisme est devenu la cause principale (63,4 %) des morts par terrorisme dans le monde.
On le répète mais entre islamisme et nazisme existent des ressemblances troublantes. La principale selon nous est la conquête ou l’élimination quasi systémique des « mécréants » et parmi eux figurent les juifs. Là encore un point commun avec le nazisme. L’islamisme est incontestablement antisémite. A ce titre le tueur de Sarah Halimi, Kobili Traoré, était islamiste. Il l’a tuée en la traitant de « Sheitan » (diable en arabe), en criant « Tu vas payer » et une dizaine de fois « Allah akbar », entre autres insultes proférées et sourates du Coran récitées, qui réveillent nombre d’habitants de l’immeuble. Le plus souvent les soldats nazis parachevaient aussi leurs exactions en célébrant leur Führer…
Pour achever on opinera que c’est par passivité, lâcheté ou aveuglement que les principaux pays européens ont laissé le système hitlérien s’installer et prospérer. Comme l’a démontré Jean-François Revel les démocraties meurent à force d’être trop tolérantes (Comment les démocraties finissent, Grasset, 1983 ; Le Terrorisme contre la démocratie, Hachette, 1987). Les islamos gauchistes et le “fondamentalisme droits-de-l’hommiste” (Jean-Eric Schoettl) pèsent de tout leur poids pour qu’il en soit ainsi…
Pour l’islamisme radical, c’est un peu la même chose. Et la France est particulièrement fautive. En effet une des causes du développement de l’islamisme en Europe provient pour beaucoup de l’arrivée sur le sol français de l’ayatollah Khomeiny, activiste pro-chiite depuis les années 60 et opposant actif au pouvoir iranien alors aux mains du Shah d’Iran. En 1978, Khomeiny part pour la France avec un visa de touriste et s’installe à Neauphle-le-Château sans demander l’asile politique, considérant que Paris est idéal pour médiatiser ses opinions politiques. Il mystifie un certain nombre d’intellectuels (Sartre, Foucault). C’est depuis Neauphle-le-Château qu’il prépare « la révolution islamique » et propage ses idées par le biais de conférences organisées à son domicile mais aussi, principalement, sous la forme de cassettes audio diffusées et dupliquées largement dès leur arrivée en Iran. Cette diffusion massive et furtive permet aux opérations d’échapper au contrôle du gouvernement iranien sur les médias classiques. Et ceci en toute impunité et avec la passivité des autorités françaises… Khomeiny rentre en Iran en février 1979, suite à la chute du Shah et instaure la République islamique, berceau de milliers de soldats terroristes qui ont fait autant d’émules…
Raphael PIASTRA
Maitre de Conférences en droit public à l’Université Clermont Auvergne, Membre du Centre M. de l’Hospital.