La prévention santé est un enjeu fort pour l’avenir des populations occidentales dont l’espérance de vie augmente. Par ailleurs, l’écosystème traditionnel de la santé est à l’aube d’une révolution, liée notamment à l’émergence de nouvelles technologies connectées, du big data, ou encore de l’intelligence artificielle.
L’individu devient de plus en plus autonome et acteur dans la gestion de sa santé. Des facteurs qui obligent à passer d’une approche curative à une démarche préventive et personnalisée. Or, le marché de la prévention santé des salariés n’est pas encore structuré et développé. La stratégie d’un nouveau modèle économique reste donc à inventer, en France et plus largement en Europe.
La santé de demain sera préventive et personnalisée. Et lorsque l’on parle de santé, le sujet dépasse largement celui des soins qui ne représentent que 15 % de l’état de santé des individus. Ce dernier dépend en grande majorité de facteurs environnementaux (pollution, estime de soi, stress, etc.) et comportementaux (alimentation, activité physique, etc). Il ne s’agit pas seulement de savoir si la médecine fait des progrès et si donc nous pouvons être mieux soignés. Il s’agit aussi et surtout d’un bien-être général, psychologique et physique.
Ainsi, si les individus des pays occidentaux ont gagné 6.5 ans d’espérance de vie ces vingt dernières années, ils ont perdu six mois en bonne santé. L’enjeu est donc de taille. La société, les entreprises, les individus, l’économie ont un besoin commun : avoir une population qui bénéficie d’une espérance de vie plus longue avec davantage d’années en bonne santé. I
l faut sortir d’une approche centrée sur le risque et le soin pour s’intéresser à 80 % de la population en bonne santé et éviter que leur état ne se dégrade en fin de vie, face à un phénomène de société de masse : le vieillissement de la population. Cela passe évidemment par la prévention. Surtout à l’heure où le numérique bouleverse les usages et où l’individu devient de plus en plus autonome et acteur de son bien-être.
La prévention santé : un besoin économique et sociétal
Depuis trois générations environ, les personnes ne décèdent plus de mort violente, mais de longues maladies, avec une fin de vie de moins en moins bonne. Je suis persuadé que ce phénomène va déclencher une prise de conscience de la part des individus et de la société dans son ensemble. Car l’enjeu de l’amélioration de l’espérance de vie en bonne santé est double. Il est d’abord personnel. Les individus se demandent comment leur comportement influe sur leur qualité de vie. Tout comme les gestes liés à l’environnement sont entrés dans le quotidien des citoyens, notamment par l’éducation des enfants, les comportements plus raisonnés qui impactent la santé vont devenir de plus en plus évidents pour la population. Par ailleurs, l’enjeu est collectif et surtout économique.
Avec l’allongement de la durée de vie au travail, le besoin de financement du vieillissement de la population repose de plus en plus sur les entreprises. En effet, le système de santé repose sur les assurances, qui gèrent traditionnellement le risque, et sur le régime obligatoire qui ne peut proposer des services personnalisés.
C’est aux entreprises de créer des offres de prévention santé à leurs clients et à leurs collaborateurs et à ces derniers de les utiliser. Car elles ont compris qu’elles représentent un outil de fidélisation, mais aussi un levier de croissance. En effet, les entreprises sont confrontées à une problématique : avec l’allongement de la durée de la vie et le recul de l’âge de départ en retraite, les risques liés aux salariés en fin d’activité professionnelle augmentent (maladies chroniques, accident du travail, baisse de la productivité et de l’employabilité…) Ainsi, la prévention santé revêt un réel intérêt économique à court, moyen et long termes.
Il y aura celles qui auront la capacité d’accompagner leurs salariés pour améliorer leur bonne santé et les autres. Cela va créer une concurrence entre elles. Les organisations qui sauront agir sur la prévention de leurs collaborateurs auront donc un avantage concurrentiel sur le marché. Le problème est qu’il n’existe quasiment pas d’offres globales et industrialisées en Europe, contrairement aux États-Unis et au Canada où les welness programs se sont développés. Les entreprises américaines de plus de vingt salariés dépensent en moyenne environ 1 100 dollars par individu et par an pour la prévention santé de leurs salariés. En Europe tout reste à faire. Le marché représente pourtant 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires potentiel à dix ans. Ce retard s’explique, comme je l’ai indiqué plus haut, par le fait que la santé est prise en charge par le régime obligatoire et les assurances. Par ailleurs, nous souffrons d’une approche du sujet divisé entre ceux qui font et ceux qui pensent. Résultat : les solutions sont inadaptées et peu pratiques car elles émergent sans réelle connaissance des pratiques du terrain et des infrastructures de traitement de l’information nécessaires.
Un contexte favorable
Or, le contexte législatif et réglementaire permettrait de concevoir des offres de prévention santé et de développer le marché. L’un des enjeux des offres de santé repose sur la protection des données. Sur ce point, de nombreuses avancées ont eu lieu. Le règlement européen du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance (eIDAS) permet l’instauration d’un socle commun pour des interactions électroniques sécurisées entre les citoyens, les entreprises et les autorités publiques. Il sera appliqué en Europe à partir du 1er juillet 2016 et aura un impact important dans le monde de la sécurité et de la confiance numérique.
Par ailleurs, adopté après quatre années de négociations entre la Commission et le Parlement, le nouveau « règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données » remplace la directive de 1995 concernant la protection des données dans l’Union européenne. Il sera applicable à l’ensemble des États-membres de l’UE à compter du 25 mai 2018. Il donne pour la première fois une définition commune des « données de santé ». Il s’agit de « données à caractère personnel relatives à la santé physique ou mentale d’une personne physique, y compris la prestation de services de soins de santé, qui révèlent des informations sur l’état de santé de cette personne ». Il précise qu’elles comprennent « toute information concernant, par exemple, une maladie, un handicap, un risque de maladie, un dossier médical, un traitement clinique ou l’état physiologique ou biomédical de la personne concernée, indépendamment de sa source, qu’elle provienne par exemple d’un médecin ou d’un autre professionnel de la santé, d’un hôpital, d’un dispositif médical ou d’un test de diagnostic in vitro ». Par ailleurs, si la directive de 1995 était applicable sous l’égide du traité de Rome, le règlement le sera sous l’égide du traité de Lisbonne. La protection des données sensibles, dont celles de santé, s’inscrit ainsi dans le droit à la vie privée et le droit à l’emploi. D’où la nécessité pour les entreprises de s’emparer du sujet, qui ne doit pas rester franco-français, mais être européen. Ainsi une visite chez un médecin, une date, un montant global de remboursement en pharmacie, l’âge, le poids et la taille sont des données de santé et doivent être traitées comme telles. Les entreprises, les assureurs, les employeurs, les banques, qui au travers des paiements traitent ces données de santé, sont concernés tout comme les certificateurs de leurs comptes.
Créer l’industrie de services européens de demain
almerys, tiers de confiance, est spécialiste du traitement des flux d’informations et des données de nature sensible, notamment de santé, avec maîtrise des risques juridiques associés, entre autres pénaux. La société a l’ambition de faire émerger en Europe une industrie du service de la prévention santé. Pour cela, nous nous appuyons sur notre expertise en matière de gestion du traitement des données sensibles en temps réel. Par ailleurs, nous sommes en train de bâtir un écosystème de prestataires de proximité (coach physique, nutritionnistes, praticiens de la médecine douce…). L’objectif est de faire naître les offres et de créer des usages pour développer un marché à fort potentiel qui répond à un besoin économique et sociétal. Il existe en Europe un potentiel de cinq à dix ans de gain d’espérance de vie en bonne santé si l’on rend accessible des services d’accompagnement pour un montant de 300 à 500 euros par individu et par an en combinant services digitaux, hotlines, services en présentiel, coachings, interventions de professionnels de santé.
Pour y parvenir, il faut les infrastructures et une évaluation scientifique des services pour établir leur performance. Nous sommes en train de créer la plateforme d’intégration et d’intermédiation des offres pour les acteurs qui le souhaitent. Nous bénéficions de notre expertise et de notre savoir-faire pour mettre en place les outils et gérer le traitement des données. Les datas sont spécialisées et temporalisées. Il est très facile aujourd’hui d’identifier quelqu’un avec trois données.
Les réglementations sur protection des données sensibles ne servent pas uniquement à encadrer les professions. Elles déterminent de véritables choix de société.
Il faut des algorithmes et des procédures de gestion des traitements de données très sophistiqués pour assurer que ces dernières ne seront pas réutilisées à l’extérieur, qu’elles soient stockées sur des serveurs identifiés pour garantir à l’individu propriétaire une véritable souveraineté sur ses données et les usages qui en seront faits. almerys garantit cela. Nous intervenons en tant que tiers de confiance pour tous les services qui nécessitent un traitement nominatif de données de santé fait uniquement sous l’autorité de l’individu avec la constitution d’un dossier de preuves signées par lui et nous, à chaque transaction, à chaque échange et mis à sa disposition. Ce dossier peut lui être opposable en cas de litige. Nous accompagnons les parties et assurons l’équilibre entre elles. C’est-à-dire que nous sommes garants du fait que chacune d’entre elles ne peut interpréter ou modifier les données à leur profit.
Je ne peux pas croire que les résultats probants s’obtiennent par la contrainte. Je crois que l’information, la liberté, l’incitation et la responsabilisation peuvent être de formidables vecteurs, en proposant, par exemple, à un fumeur des actions pour compenser son comportement s’il ne veut ou ne peut arrêter. L’objectif est de concevoir des offres qui puissent devenir globales et qui soient efficaces. Si elles sont pertinentes, elles trouveront leur marché. À nous de l’inventer.
Quant aux responsables politiques, je pense qu’ils ont le devoir de s’emparer du sujet. Mais le thème de la prévention est très dynamique, avec des acteurs qui font beaucoup de recherche et d’innovation. Selon moi, il ne sert à rien d’encadrer le secteur de manière trop stricte car le législateur sera toujours en retard par rapport à l’innovation. La prévention santé étant encore à un stade émergent, il vaut mieux favoriser un environnement propice au foisonnement et à l’effervescence, avec un socle minimum, pour permettre aux acteurs et aux solutions d’émerger et contribuer à permettre aux acteurs européens de devenir les leaders mondiaux de demain.
Laurent Caredda
Représentant de la société G2S, président d’almerys