Jacky Isabello, confondateur de l’Agence de communication Coriolink, revient sur la décision du Président de la République de maintenir le premier tour des élections municipales.
Macron appelle à faire face, à la mobilisation…. Les gros titres de la presse laissent émerger de la prise de parole du chef de l’Etat un message nous ramenant en des temps de grand désordre pour la nation française. Devant une audience mesurée à 25 millions de téléspectateurs, il a affirmé que, finalement, les élections municipales ne seront pas annulées…, pour l’instant vais-je ajouter !
Derrière cette annonce de la confirmation des élections locales pourrait se dissimuler une tentative de déstabilisation politique.
Jeudi 12 mars dans l’après-midi, quelques heures avant l’allocution présidentielle, le « Tout Paris » de l’information, des médias, des commentateurs a été porté à ébullition à la suite de différents articles publiés sur les sites web des grands médias évoquant une très forte probabilité de voir les scrutins des 15 et 22 mars reportés ou annulés. Immédiatement, la vague des oppositions et tout particulièrement l’onde rugissante de la droite Les Républicains s’est mobilisée à travers ses plus éminents représentants tels que MM. Retailleau, Larcher, Jacob, Baroin et Bussereau. Si l’épidémie de COVID-19 pourrait connaître dans les prochains jours un scenario « à l’italienne », la droite en choisissant de hurler au coup d’Etat en cas d’amputation des élections locales du calendrier de la vie politique, tombe-t-elle grossièrement dans une embuscade « à l’afghane » pour faire référence à ce pays qui a fait plier tant de puissantes d’armées et dont on redoute la maitrise de la guerre de guérilla ? En effet, si le scenario catastrophe d’une abstention historique dimanche qui vient, se conjuguait avec une aggravation géométrique de l’épidémie, entrainant une impossibilité d’organiser le second tour tel que certains scientifiques l’ont envisagé, la droite deviendrait de facto, le bouc émissaire des opinions publiques. Ouvrons le grimoire d’un drame politique en trois actes ?
Acte 1 : jeudi 12 mars vers 15h30 – Les sites web des médias mainstream voient éclore quelques articles très sérieusement sourcés rapportant la décision à venir du Président de la République qui, après consultation des plus éminents experts de la gestion des crises et des infections virales, aurait décidé de reporter les prochaines municipales. Le JDD.FR détaille une analyse cuisinée au Château de la rue du Faubourg Saint-Honoré : “les nouvelles données scientifiques”, selon un proche du chef de l’Etat, et les avis donnés par les autorités sanitaires et les responsables médicaux de la gestion de crise, selon laquelle la tenue du premier tour serait jouable, mais pas celle du deuxième au vu de la progression anticipée de l’épidémie dans les prochains jours, ont incité l’exécutif à faire évoluer sa position ».
Chacun est d’autant plus submergé par la séquence que sont évoquées des procédures constitutionnelles dont la France n’a fait usage qu’une seule fois en 1961, après le putsch des généraux en Algérie française.
Le souffle court, exalté par le moment qui se construit, la France les leaders d’opinion patiente nerveusement avant la prise de parole du chef de l’Etat, première du genre, en direct des studios de l’Elysée.
Acte 2 : dans le cadre d’une longue allocution de 27 minutes M. Macron rapporte l’épisode d’un potentiel report et affirme sa décision : « d’assurer la continuité de notre vie démocratique et de nos institutions ». Il ajoute : « J’ai demandé au Premier ministre, il l’a fait encore ce matin, de consulter largement toutes les familles politiques, et elles ont exprimé la même volonté. ». Or dès vendredi 13, de nombreux articles, rédigés sous la plume des éditorialistes les mieux chevronnés, étayent ce scenario fou dont l’agitation extrême s’est déroulée loin du citoyen lambda. Les Echos titre un éditorial : « le président a souhaité reporter les élections municipales… avant d’être contraint d’y renoncer » citant pêlemêle l’opposition déterminée et véhémente de MM. Larcher, Jacob et Baroin. L’éditorialiste des Echos invoque une décision de dernière minute et interroge : « le président n’était-il pas suffisamment fort pour l’imposer. Fût-ce au nom de l’intérêt général ». Or dimanche, il faudra expliquer les résultats. Imaginons alors les commentaires à la télévision, à la radio et sur les réseaux sociaux, par nature désintermédiés, contaminés au stade ultime par les fake news et gorgés de violence par la peur et l’incertitude, si le taux de participation s’effondrait ! L’IFOP, dans un sondage réalisé lundi 9 mars, mesure à 28 % la part d’électeurs susceptibles de ne pas aller voter dimanche pour les municipales “à cause des risques de transmission du coronavirus”, précédant de trois jours les annonces du Président, autant dire une éternité.
Acte 3 : En situation de crise, un principe est admis. La loi de Murphy plus connue comme « loi de l’emmerdement universel ». L’OMS rappelle dans les consignes à l’attention des Etats et des organisations gérant les grandes épidémies, une des difficultés sapant fortement la confiance à conserver impérativement entre les populations, dans une telle situation. Il s’agit de la manière de communiquer sur l’incertitude. En clair comment prononcer cette courte et simple réponse : « je ne sais pas ». La loi de Murphy impose aux décideurs publics d’envisager un scenario de gestion de crise défavorable qui verrait, dimanche soir à 20h, se confirmer un taux d’abstention record. Puis lundi et mardi une explosion des cas de malades et de malades à prendre en charge dans les services de réanimation des hôpitaux.
De ce fait le pays serait dans l’incapacité, par application du principe de précaution, de tenir le second tour des élections municipales, le 22 mars prochain.
Le Titanic a été coulé par un iceberg qui a éventré sa coque, c’est connu. Outre cette brèche bien d’autres incidents ont engendré cette catastrophe de mémoire éternelle. Dans le cas des municipales, imaginons la France incapable de voter pour le deuxième tour. Quelles seraient alors les forces politiques désignées à la vindicte populaire pour avoir absolument exigées de ne pas appliquer le principe de précaution ? La communication du chef de l’Etat, instrumentalisant certains médias afin qu’ils rapportent, « de sources sures », le combat glacial qui s’est joué avec tous les leaders de la droite, apparaît aux yeux du vil communicant politique que je suis comme l’indice d’une tactique politicienne intentionnellement « meurtrière » pour certaines des forces politiques de l’opposition !
Si la France apprenait que, ce fameux jeudi 12 mars, d’un côté de l’échiquier, se trouvait à l’Elysée un Président de la République prudent, contraint de surseoir à sa décision par un bataillon de hauts responsables politiques de la droite parlementaire réuni à Matignon, envoutés par les volutes d’une victoire putative. Les dégâts d’image puis électoraux pour une famille qui tente à tout prix de déconstruire l’épouvantable scénario annonçant un second tour de l’élection présidentielle entre Mme Le Pen et M. Macron, se serait tirée, en plein cœur de la crise du coronavirus, une balle dans le pied !
Jacky Isabello
Confondateur de l’Agence de communication Coriolink