Nous sommes au tournant de la santé du XXIe siècle. Nous ne faisons pas seulement face à de nouveaux risques épidémiques, mais aussi à un ensemble de pathologies qui prennent une ampleur sans comparaison avec les générations précédentes.
La maladie d’Alzheimer en est l’illustration : elle touche 900 000 personnes en France, avec 250 000 nouveaux diagnostics chaque année. C’est énorme et ce chiffre progresse mécaniquement avec le vieillissement de la population, même si les personnes âgées ne sont pas les seules touchées : le nombre de malades devrait doubler d’ici 2050. Pourtant, nous ne sommes pas prêts à y faire face.
Alzheimer est ce que l’on appelle une maladie « orpheline » : pour l’instant, on n’en guérit pas et il faut intensifier nos investissements dans la recherche. Nous devons décider des priorités de notre société, et la maladie d’Alzheimer en est une.
La création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à la dépendance, est un signe d’évolution des mentalités, mais il faut que les financements suivent.
Les structures accueillant les malades sont trop peu équipées et surtout, elles ne sont pas prêtes pour l’avenir. Cela impacte à la fois les patients, leurs proches et les soignants. Il faut former les équipes et leur donner la parole : ce sont elles qui savent quels sont les besoins en organisation et en moyens.
En attendant de trouver un traitement clinique, nous devons radicalement revoir la prise en charge des personnes touchées. Malgré tout le travail accompli depuis une trentaine d’années, les maladies neurodégénératives sont encore très taboues, et c’est une angoisse énorme pour les personnes atteintes et leurs proches. On réduit la maladie à ses symptômes les plus invalidants alors qu’en réalité, il faut une prise en charge sociale, complémentaire de l’approche médicale et adaptée à la situation de chaque malade.
Il y a aussi énormément d’initiatives en France qui visent à soulager le quotidien des personnes atteintes et de leurs proches. Par exemple, le « village Alzheimer », qui a récemment ouvert ses portes à Dax sur le modèle de ce qui a été fait aux Pays-Bas, permet de recréer un quotidien plus proche de la normalité tout en protégeant et soulageant les patients. Il permet de les sortir de l’isolement et d’encourager ce qu’il leur reste d’autonomie plutôt que de simplement gérer la dépendance. Les patients peuvent, par exemple, déambuler librement – avec la surveillance nécessaire et dans un espace sécurisé. Ce modèle respecte les droits fondamentaux et la dignité de ces personnes, et donne les moyens d’une prise en charge précoce : il faut le généraliser. J’ai demandé l’ouverture d’un village similaire dans ma circonscription, la Lozère, qui est une terre d’accueil historique pour la santé et qui est très sensible aux questions de la dépendance. Mais il faut que tous les acteurs s’impliquent, y compris l’Etat qui doit participer au financement.
Cette conception permet également de soulager les aidants, ces proches qui prennent en charge une personne dépendante au quotidien. Ceux-ci sont trop peu considérés en France. L’indemnisation du congé de proche aidant, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale de 2020, est un premier pas dans la reconnaissance de l’épuisement physique et mental de ces personnes – qui sont d’ailleurs en majorité des femmes. Qui parmi nous est prêt à assumer la responsabilité 24h sur 24h d’un parent qui, parfois, ne nous reconnaît plus ? il faut renforcer la présence d’équipes mobiles de géronto-psychiatrie sur l’ensemble du territoire afin que les familles ne soient pas abandonnées, surtout dans les déserts médicaux.
On jette un voile pudique sur les troubles cognitifs et psychiques. Bien sûr, tout le monde a entendu parler d’Alzheimer. Mais il n’y a pas de parole politique forte. Nous devons envoyer un signal aux malades et à leurs proches en faisant de cette maladie une question prioritaire dans le domaine de la santé publique.
J’ai créé le groupe Alzheimer et maladies apparentées à l’Assemblée nationale, qui se réunira pour la première fois à la rentrée pour se pencher sur la manière de concentrer nos efforts sur ces pathologies.
Nous ne pouvons plus nous contenter de reléguer et de précariser les personnes atteintes et leur entourage. Comment notre génération veut-elle vivre sa santé ? Si nous voulons prendre en charge les maladies neurodégénératives de manière apaisée, il faut repenser l’ensemble de notre modèle.
Pierre Morel A L’Huissier
Député de la Lozère
Secrétaire de la Commission des lois