Gilles Deschamps, Docteur en études politiques présente une réforme du mode de scrutin pour Paris, Marseille et Lyon, visant à renforcer la participation des électeurs et à garantir une majorité absolue au maire élu. Deux versions sont proposées pour corriger les défauts du système actuel tout en maintenant une stabilité institutionnelle.
Objectifs :
Un consensus existe sur les défauts du mode de scrutin municipal actuel pour Paris, Marseille et Lyon (qui a parfois abouti à l’élection d’un maire pourtant minoritaire au sein de l’électorat!). Sa réforme est donc revendiquée par des responsables politiques très divers.
Étant Docteur en Etudes Politiques, je propose un futur mode de scrutin plus adéquat, en 2 versions. Il aurait pour objectifs de :
- Permettre aux électeurs de participer plus directement au choix de leur Maire
- Assurer au Maire élu une majorité absolue de conseillers municipaux( le mode de scrutin actuel est très insatisfaisant sur ces 2 points ).
Version 1
SYNTHÈSE :
Ce projet de mode de scrutin communal pour Paris, Lyon et Marseille vise à permettre aux électeurs de participer plus directement au choix de leur maire et à assurer à celui-ci le soutien d’une majorité solide de conseillers municipaux. Pour cela, il n’est pas indispensable de bouleverser le mode de scrutin actuel. Je propose de le modifier seulement sur deux points. D’abord, dans chaque secteur électoral, chaque liste peut s’affilier à un candidat à la fonction de maire. Ensuite, les représentants de chaque secteur au conseil municipal sont désignés à la proportionnelle si le résultat du secteur diffère du résultat global (au niveau de la commune), mais ils sont tous attribués à la liste arrivée localement en tête si le candidat qu’elle parraine est gagnant au plan communal. Ainsi, en pratique, le maire élu peut disposer d’une majorité absolue au conseil municipal.
PROJET :
Le mode de scrutin actuel ne serait pas bouleversé. Il serait modifié SEULEMENT sur les points suivants :
Au premier tour :
Dans chacun des arrondissements (ou secteur, pour Marseille) :
Les listes qui le souhaitent peuvent s’affilier à un candidat au poste de Maire (cette affiliation, facultative, est inscrite sur les bulletins de vote).
Au second tour :
Dans chaque arrondissement (ou secteur), une liste peut se maintenir au second tour : – si elle est arrivée en 1ère ou 2ème position (en nombre de suffrages au 1er tour).
- ou si elle était affiliée à un des 2 candidats Maire arrivés en tête au plan communal (au 2e tour, l’affiliation n’est possible qu’en faveur d’1 de ces 2 candidats Maire)
- ou alors si elle obtenu plus de voix qu’une des 2 listes affiliées à 1 de ces 2 candidats (NB : en pratique, pourraient se maintenir 2 listes ou, bien plus rarement, 3 listes)
Les listes présentes au second tour pourront (facultativement) s’affilier à :
1 des 2 candidats Maire arrivés globalement 1er ou 2ème au 1er tour, au plan communal. ( il ne reste que ces 2 candidats Maire, officiellement, au second tour ).
Dans les conditions fixées par ce cadre, les règles actuelles ne changent pas pour :
- les fusions de listes (possibles seulement avec une liste qualifiée au 2ème tour)
- l’élection des conseillers d’arrondissement (ou de secteur)
À l’issue du tour décisif (en général le second) :
Pour la désignation des conseillers municipaux, dans chaque arrondissement (ou secteur), le mode de désignation diffère selon quelle est la liste arrivée en tête au tour décisif (en général le second, mais le premier si une liste y obtient plus de 50%):
- Si c’est la liste affiliée au candidat Maire arrivé en tête au plan communal (au 2e tour) :
tous les représentants (locaux) au conseil municipal sont pris sur cette liste
(dans l’ordre de cette liste présente au tour décisif) - Si c’est une autre liste :
les représentants (locaux) au conseil municipal sont répartis à la proportionnelle entre toutes les listes présentes au tour décisif (le second, en général)
Ce système favorise donc le candidat Maire arrivé en tête, au niveau communal.
Ainsi, le candidat Maire arrivé en tête au plan communal serait pratiquement assuré d’obtenir la majorité absolue au conseil municipal, car il obtiendrait au moins :
- Tous les élus des arrondissements où une liste le soutenant a gagné,
soit un minimum de 35% des élus
(les triangulaires étant rares, on ne peut pas gagner au plan de la commune avec moins de 40% des voix, soit au moins 35% des élus) - 28% des autres élus (au moins), soit un minimum de 18% des élus (28% x 65%)
Donc, au total, un minimum de 53% des élus
(en théorie, mais plus de 60% en pratique)
NB : Dans les rares cas où, dans un arrondissement (ou secteur), une liste obtiendrait la majorité absolue des voix dès le premier tour (qui serait alors le tour décisif), un second tour serait néanmoins organisé, donnant seulement le choix entre les deux candidats au poste de Maire, pour intégrer les suffrages locaux au résultat global, au niveau communal (afin de les prendre en compte pour savoir quel candidat Maire est arrivé en tête au second tour).
Argumentaire projet PLM n°1
Le mode de scrutin PLM que je propose (rappelé ci-dessous) concilie 2 impératifs qui peuvent sembler divergents :
- Assurer (en pratique) que le maire soit choisi démocratiquement par l’ensemble des électeurs de la commune
- Ne pas réduire le droit des électeurs de chaque secteur (1 ou plusieurs arrondissements) à choisir démocratiquement leur maire de secteur et son équipe (en effet, le mode de scrutin proposé ne change presque rien sur ce point)
Comme tout mode de scrutin, il comporte forcément des inconvénients. C’est pourquoi je tiens à apporter des réponses aux principales critiques qui pourraient l’affecter.
Critique 1 :
Il existe une inégalité, dans la représentation (proportionnelle ou non) au conseil communal, entre les secteurs, selon qu’ils sont dans la majorité ou dans l’opposition communale.
Réponse :
Cette inégalité est acceptable car elle n’a rien d’arbitraire puisqu’elle se fonde sur une donnée objective, découlant du choix démocratique des électeurs (qui sont censés connaître le mode de scrutin). On a le droit d’agir différemment lorsqu’on est dans des situations fondamentalement différentes. C’est le cas en l’occurrence, car la situation politique d’un secteur est très différente selon qu’il est administré par des élus de la majorité ou des élus de l’opposition communale.
Concrètement, le point le plus problématique est l’absence de représentants de l’opposition sectorielle au conseil communal lorsque la majorité sectorielle correspond à la majorité communale. Mais, dans ce cas, ces représentants n’auraient, au plan communal, pratiquement pas d’utilité pour leur secteur (alors qu’ils exercent un petit rôle, d’opposants, au niveau du secteur). Certes, ces représentants renforceraient l’opposition communale, mais celle-ci est assurée d’être représentée au plan communal car il est pratiquement impossible qu’elle ne gagne pas au moins une élection sectorielle.
A l’opposé, il est important que lorsque l’opposition sectorielle appartient à la majorité communale, elle soit représentée au conseil communal, car elle peut servir de relais entre la commune et la population du secteur, en matière de politiques communales l’affectant.
Critique 2 :
Le maire n’est pas élu tout à fait directement.
Réponse :
C’est aussi le cas pour les communes autres que Paris, Lyon, Marseille. Le risque que l’élection du maire (par l’assemblée communale) ne corresponde pas au choix des électeurs est pratiquement nul.
Cependant, on pourrait envisager que le futur mode de scrutin municipal stipule que le maire soit élu directement (par simple application du résultat global du vote populaire) sans passer par le vote du conseil communal. Mais cette option aurait pour inconvénient de ne pas mettre en évidence, d’entrée, une majorité au conseil communal, qui se dégage clairement lorsqu’elle élit le maire.
Critique 3 :
Le second tour n’est pas forcément adéquat car il peut opposer plus de deux listes.
Réponse :
Dans chacun des secteurs, le principe même du mode de scrutin proposé implique de maintenir, au second tour, les 2 listes affiliées aux 2 candidats Maire les mieux placés (qui doivent toujours être présentes dans tous les secteurs). Mais si une autre liste a obtenu plus de voix qu’une de celles-ci, il serait anti-démocratique (au plan du secteur) de l’exclure du second tour. Cependant, une telle liste a la faculté de fusionner avec une des 2 autres listes restant au second tour, ce qui règle alors le problème. Dans le cas contraire, son maintien prouve sa forte singularité par rapport aux 2 finalistes, et n’affecte donc guère lacompétition entre ceux-ci, ni (en conséquence) le résultat global final. En effet, dans cette hypothèse, le fait (cependant très improbable !) que le maire vainqueur (au niveau communal) n’ait alors qu’une majorité relative ne remet pas en cause la légitimité de son élection, qu’il a quand même gagnée (et qui l’assure pratiquement d’une majorité absolue de conseillers). Du reste, le risque de majorité seulement relative existe aussi dans le mode de scrutin actuel, et il y est même beaucoup plus élevé que dans celui proposé.
Version 2
Le nombre des conseillers d’arrondissement et celui des conseillers municipaux ne changent pas.
Le 1er tour est destiné, essentiellement, à l’élection des conseillers d’arrondissement (et à la sélection de 2 candidats au poste de Maire communal).
Le second tour est destiné, uniquement, à l’élection du Maire communal et des conseillers municipaux lui assurant la majorité.
1er tour :
Les listes sectorielles peuvent s’affilier à un candidat Maire communal (affiliation indiquée sur le bulletin de vote). Ceci permettra de qualifier les 2 candidats Maire communal.
Elections des conseillers d’arrondissement :
- 40% des sièges sont attribués à une coalition de listes affiliées au même candidat Maire (proportionnellement à leur scores respectifs), seulement si cette coalition obtient la majorité absolue des voix ou, sinon (dans tous les autres cas) à la liste arrivée en tête
- 60 % des sièges sont répartis entre les 2 premières listes et (le cas échéant) toutes les autres listes ayant obtenu, au moins,10% des voix
Ces élus élisent ensuite le maire de leur arrondissement.
Second tour : Élection du Maire communal.
Sont qualifiés pour le second tour :
les candidats Maire dont les listes (celles qui les parrainent) sont arrivées en première et seconde positions au premier tour, au plan municipal global (somme des résultats des arrondissements).
Chaque candidat Maire se présente en tête d’une liste de candidats (qu’il choisit) visant à occuper 40% des sièges de conseillers municipaux. Cette liste comporte au moins un élu au premier tour, pour chacun des arrondissements (sauf ceux où elle n’y aurait aucun élu, ce qui paraît très improbable).
Attribution des sièges communaux :
- 40% des sièges sont tous attribués à la liste du candidat arrivé en tête (ce qui lui assure une nette majorité). Ce candidat est désigné Maire, directement. ( NB : les élus communaux qui auraient été élus au premier tour sont remplacés par leur suivant sur leur liste d’arrondissement).
- 60% des sièges sont élus à la proportionnelle, dans chaque arrondissement (en nombre proportionnel à sa population), par ses élus (du 1er tour).
Gilles Deschamps,
Docteur en études politiques