Serge Grouard, ancien député du Loiret, maire d’Orléans, président d’Orléans-Métropole, s’est déclaré candidat à la présidence des Républicains. Il nous expose ses motivations mais revient également sur les sévères défaites subies par son parti en 2022, la nouvelle législature, l’accord de gouvernement qu’il préconise sur la base de cinq urgences et la montée des extrêmes.
Revue Politique et Parlementaire – Vous avez décidé d’être candidat à la présidence des Républicains. Sur quelle base ? Pour quel projet ?
Serge Grouard – La lucidité nous impose un constat au goût amer mais bien réel : Nous autres, les Républicains, sommes en pleine déliquescence. Rendez-vous compte. Lorsque j’ai été élu député en 2002, nous étions 350 à l’Assemblée nationale ! Notre dernière grande victoire électorale, avec Nicolas Sarkozy, remonte à plus de quinze ans. Aux dernières élections législatives, notre score moyen était de l’ordre de 10 %.
Il faut donc tout reconstruire, de A à Z. C’est un chantier colossal. Mais, contrairement à un certain fatalisme pour ne pas dire défaitisme ambiant, je crois cela tout à fait possible et c’est pourquoi que je suis candidat. Mais cela exige un vrai débat au sein des Républicains, sur la nécessaire clarification de notre positionnement politique, avec un projet puissant pour la France et une nouvelle gouvernance interne.
L’élection à la présidence du parti doit être l’occasion de ce débat avec tous les adhérents et je veux y prendre toute ma part.
Avec une vraie stratégie et une méthode rigoureuse, nous ne pouvons pas perdre. J’ai appliqué ce mode opératoire depuis mon entrée en politique. J’ai été élu maire d’Orléans en 2001 et toujours réélu depuis. L’expérience je l’ai acquise et la réalité du terrain je la connais, loin des jeux de pouvoir. Et c’est cette réalité là qu’il faut porter si l’on veut retrouver la confiance des Français.
RPP – Y a-t-il encore une place pour une droite de gouvernement entre le macronisme d’un côté et le RN de l’autre ?
Serge Grouard – Être une droite de gouvernement suppose que nous soyons en mesure d’exercer de nouveau le pouvoir. Hors, entre macronisme et RN, à 10 % des suffrages, cela nous est et nous restera tout bonnement interdit. Et c’est la raison pour laquelle, il va nous falloir changer totalement de stratégie, ou plus exactement en adopter une parce que nous n’en avons plus depuis trop longtemps. Notre posture politique est actuellement illisible. Nous allons voter certaines réformes mais pas d’autres. Nous allons faire du cas par cas ! Qui peut y comprendre quelque chose ? Personne. La position n’est pas tenable et je crains que cela soit visible dès le débat sur la prochaine Loi de finances au Parlement cet automne. Nous allons donc devoir choisir.
Le « ni-ni » comme le « en même temps » ne sont plus de mise.
Pour ma part, je propose cette urgente clarification.
RPP – Comment voyez-vous le début de cette XVIe législature ? Le retour d’un Parlement actif plus représentatif est-il en mesure de transformer notre culture politique en substituant aux logiques d’affrontement des logiques de compromis ?
Serge Grouard – Je ne le crois malheureusement pas. Et le spectacle souvent affligeant donné à l’Assemblée nationale depuis le début de la mandature ne me rassure pas. La NUPES et en particulier LFI en portent l’essentiel de la responsabilité. Au-delà, je crains que la recherche du compromis, faute de majorité suffisante, n’aboutisse au retour des pratiques détestables de la IVe République, « aux poisons et délices du système » dont parlait le général de Gaulle lorsque justement le compromis devenait trop souvent compromission. La France, pour relever les défis majeurs auxquels elle est confrontée, a besoin de choix politiques forts et courageux et pas de ces demi-mesures qui n’apportent aucun résultat et qui sont souvent le fruit des subtils dosages inhérents à tout compromis.
RPP – Vous préconisez un accord de gouvernement avec Emmanuel Macron. Quelles sont à vos yeux les conditions programmatiques mais aussi organisationnelles qui doivent présider à un tel accord ? Et cet accord implique-t-il la possibilité de reprendre leur liberté pour les Républicains le moment venu dans la perspective de 2027 ?
Serge Grouard – Le moment que vit notre pays est d’une extrême gravité. Délinquance croissante, dette abyssale, climat dégradé et drames environnementaux à répétition, société fracturée et injustices criantes, hôpitaux en crise, immigration incontrôlée, déficit extérieur… Partout, tout est au rouge. Et une crise politique et institutionnelle peut venir s’y ajouter. L’absence actuelle de majorité au Parlement va conduire le gouvernement de Charybde en Scylla, entre probabilité de paralysie et risque de chaos. Pour quelle perspective ? Une possible dissolution et de nouvelles élections. Beaucoup de temps et d’énergie perdus alors que notre « maison brûle » pour paraphraser Jacques Chirac. Et les Français en paieront les pots cassés.
Je considère que pour nous, Les Républicains, la politique du pire n’est pas une option. Et l’intérêt de la France et des Français est d’éviter cette crise politique. Et nous en avons les moyens : nous avons le Sénat, une grande partie des collectivités locales et sommes incontournables à l’Assemblée.
Alors, cessons d’être prostrés, sans ligne politique et retrouvons l’offensive !
Pour cela, nous devons proposer au Président de la République une alternative puissante au travers d’un accord de gouvernement clair, net et précis sur la base de cinq urgences et donc cinq priorités : urgence sociale appelant un pacte de solidarité pour réduire les injustices les plus criantes, urgence régalienne pour rétablir la tranquillité publique et mettre fin à une immigration intenable, urgence climatique par une audacieuse politique de l’énergie préparant l’après-pétrole, urgence financière pour mettre fin à l’emballement de la dette, urgence institutionnelle par une réforme profonde de l’État et une nouvelle vague décentralisatrice. Bref, il s’agit de refaire France.
Du point de vue de la méthode, il reviendra au Président de la République d’accepter ou non cette proposition et, dans l’affirmative, d’engager une discussion, de parti à parti, pour en retirer une feuille de route extrêmement précise engageant la France sur la voie du redressement.
Et, les enjeux sont suffisamment lourds, pour que 2027 ne vienne déjà s’y immiscer !
RPP – Ne craignez-vous pas néanmoins que cette démarche puisse offrir un plus large espace de progression à Marine Le Pen et au RN ?
Serge Grouard – Ce dont je suis certain, c’est que le statu quo fait le jeu des extrêmes. Maintenant, toute action engendre le risque et le chemin de la réussite, ne soyons pas naïfs, sera semé d’embûches. Mais le pire serait de ne rien faire. Car il conduira inexorablement à la crise pour le pays, à toutes les aventures politiques possibles et à la disparition des Républicains à terme.
Notre responsabilité est donc immense au regard de l’Histoire.
Car malgré nos défaites électorales, nous restons le seul parti politique en mesure d’éviter le pire. Et, pour la sensibilité gaullienne que nous incarnons, seule la France doit compter.
Serge Grouard
Maire d’Orléans
Président d’Orléans-Métropole
Propos recueillis par Arnaud Benedetti
Crédit-image : Cyril Shigot