Alors que le Président de la République Emmanuel Macron et son Gouvernement avaient du mal à réaliser qu’ils étaient des « dirigeants politiques bornés », la crise sociale et politique actuelle liée à la réforme des retraites démontre qu’il faut se méfier de l’eau qui dort et qu’il n’est pas sain de vouloir à tout prix gouverner contre le peuple.
Le risque d’embrasement du pays est encore plus grand et après plusieurs jours de manifestations, voici que de nombreuses grandes villes dont la capitale de la France, font face aux flots de poubelles non ramassées, avec tous les risques sanitaires que cela comporte. Il y a également des risques de pénuries de carburant, des risques de retour des blocages et de casse en tout genre et j’en passe.
La colère est palpable lorsque 75% des Français ne veulent pas de la réforme dans cette version et que 70% d’entre eux sont mécontents de la politique actuelle du Président de la République et de son Gouvernement.
Le 20 mars 2023 restera dans la mémoire des Français comme étant la date à laquelle neuf députés ont « sauvé » le Gouvernement de Madame Borne. Neuf députés ont empêché la validation de la motion de censure contre le Gouvernement.
Qui ne s’est pas interrogé sur l’impact possible du refus d’Emmanuel Macron de faire voter le texte de loi par les représentants du peuple à l’Assemblée nationale ? Qui ne s’est pas demandé pourquoi le Président de la République a pris la décision de recourir au 49.3 tout en sachant que ce choix entraînerait l’explosion de la colère ? Qui est capable d’affirmer qu’il ne s’agit pas d’un contournement du vote des représentants du peuple ? Qui peut aisément affirmer que les députés qui ont voté pour la motion de censure sont favorables à la chienlit ?
En ayant une vision toujours optimiste, nous nous disons que cette crise sociale et politique est un tournant pour prendre conscience de l’importance de composer avec le peuple, de tenir compte de l’état d’esprit et de l’inquiétude des Français face à leur avenir, même s’ils partagent l’idée qu’une réforme est nécessaire pour préserver ce bien commun qu’est notre système de retraite.
Il s’agit sans doute d’une occasion pour le Président de la République de se résoudre à l’évidence que la problématique des retraites doit être posée de manière plus large, en tenant compte de la valeur travail et du souci que chaque Français puisse vivre décemment de son travail et puisse vivre sereinement sa retraite grâce aux efforts qu’il a fourni tout au long de sa vie professionnelle.
On constate qu’en 1984 alors que le projet de loi Savary visant à « absorber » l’école privée dans les « établissements d’intérêt public (EIP) » était en cours d’avancement, des manifestations de plus en plus importantes avaient eu lieu à Paris et en régions. Avec 285 députés socialistes, l’Assemblée nationale alors majoritairement socialiste aurait très bien pu voter cette loi.
Je ne partage pas l’idéologie de François Mitterrand, en revanche force est de constater le courage de celui-ci en annonçant le 14 juillet 1984 à la télévision, le retrait du projet de loi Savary qui faisait pourtant partie de ses propositions pour la France à l’élection présidentielle de 1981.
Chers dirigeants, Monsieur le Président de la République, ne réagissez pas comme des chevaux bornés par leurs œillères et qui foncent en faisant abstraction de tout sur leur chemin.
Combien de commerces risquent encore de faire les frais d’éventuelles journées de saccage ? Toutes dégradations volontaires de biens publics ou privés sont évidemment condamnables et ne feront qu’exaspérer nos concitoyens et abîmer un peu plus l’image de notre pays à l’étranger.
Il n’y a jamais dit-on de bon moment pour réformer, en revanche celui-ci est particulièrement mal choisi, à l’issue d’une crise sanitaire sans précédent et de tout son lot de conséquences, avec l’inflation qui ne cesse de grimper, avec les pénuries de carburants et d’énergie, les pénuries de médicaments, l’effondrement de notre système de santé, bref la liste est longue.
Les députés d’oppositions qui ont souhaité stopper le Gouvernement en votant la motion de censure ne sont pas tous des pyromanes ou des jusqu’au-boutistes. Il y a parmi eux des femmes et des hommes responsables envers la République, envers leur formation politique et qui avec l’évolution de la situation ont fait le choix d’être à l’écoute de leurs électeurs exaspérés par ce qu’ils vivent au quotidien depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.
Saisissons cette opportunité de remettre autour d’une table toutes les intelligences de la nation pour réfléchir ensemble à une nouvelle orientation qui permettrait de réformer notre système de retraite.
Cette crise sociale et politique est en train d’ébranler les paradigmes de la politique et nous oblige à engager une réflexion sur la relation des élus avec leurs concitoyens. Et également sur la relation des élus avec leur formation politique. Elle nous contraint de retirer les œillères et à élargir nos horizons.
Nous ne devons pas céder à la petite musique qui dit qu’il faut à tout prix aller au bout de cette loi même si celle-ci fait partie des propositions du candidat Macron aux dernières élections présidentielles.
Face à une telle crise, il faut aller plus loin, surtout l’élu, qui doit alors s’interroger de nouveau sur ses motivations réelles de se soumettre au vote des Français. Quelle signification exacte donner au sens du bien commun ?
Bref, revenir aux fondamentaux afin de ne pas perdre de vue l’idée que les liens qui nous unissent sont plus forts que ceux qui nous divisent.
Sans prise de conscience de cette nature, la rupture avec les Français risque d’être complète et définitive.
Chers dirigeants, il est grand temps de se reconnecter aux Français.
Sonia Rabotoson
Docteur en Pharmacie
Ancienne Secrétaire nationale Les Républicains à l’engagement citoyen.
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