Voilà quelques années, j’ai eu le privilège de converser avec la grande résistante que fut Marie-Madeleine Fourcade. Un jour que je trouvai chez elle, dans son appartement du quai d’Orsay où traînaient davantage de bouteilles de whisky que de beaux meubles — car cette femme qui avait participé à la libération de la France dès la première heure achevait sa vie dans le plus cruel dénuement moral — je lui avait demandé si elle était fière de son engagement. « En choisissant le camp de la liberté, je n’ai fait que mon devoir. Rien de plus. » Elle est morte dans l’indifférence générale.
La tentative d’incendie de la synagogue de la Grande-Motte a des relents de nuit de Cristal, car c’est la haine du Juif qui a été le fluide inflammable. C’était un samedi matin, jour de l’office du Chabbat où se retrouvent les fidèles. Comme dans toutes les synagogues de France, le Chabbat on récite une prière pour la France non pour dire aux dirigeants qu’ils sont de fidèles citoyens de la République, mais pour demander que ce pays de France vive en paix. Le Shalom n’est pas un slogan politique mais une vision-du-monde où tous les hommes sont frères.
Le vendredi, dans les mosquées, le prêche du vendredi se fait parfois virulent. Enfin tous les dimanches, à la fin de la messe le curé achève sa liturgie avec un « allez en paix » qui se suffit à lui-même. Comme on le voit, des trois religions monothéistes qui marquent le paysage religieux de notre pays, l’Islam est la seule qui a le plus grand mal à contrôler ses extrémistes ; car, des extrémistes, il y en a dans toutes les confessions. Je suis agnostique mais j’accepte l’idée que ce qu’on appelle Dieu n’a pas besoin d’église, de synagogue ou de mosquée pour se montrer à nous.
Il me revient une pensée de mon maître, l’historien Pierre Chaunu. « Quand l’homme a commencé à enterrer ses morts, il a compris l’importance de la vie. Mais c’est en souvenant de ses disparus qu’il a compris l’importance de la spiritualité »
Les islamistes sont des âmes mortes, des esprit incendiés, des cœurs de pierre. La Mort, ils l’écrivent avec un M majuscule parce qu’il n’ont aucun respect de la vie. Tuer des Juifs entre dans leur logique mortifère, comme décapiter des prêtres ou des professeurs ; bref tous les hommes qui ne penseront jamais comme eux. Klaus Mann, dans Le Tournant son œuvre autobiographiques écrit : Je crois parfois que la protestation blasphématoire contre Dieu est plus proche du véritable sentiment religieux que la bigoterie de plus d’un brave pratiquant.1. L’idéologie islamiste se résume à un simple constat : une guerre civilisationnelle contre les valeurs occidentales de liberté et de respect de l’autre. Un volume ne suffirait pas pour expliquer que, si l’Occident d’aujourd’hui ne ressemble en rien à celui des siècles lointains, ce n’est pas parce que le christianisme, longtemps antijuif s’est mué en un judéo-christianisme prêt à réparer ses crimes passés, ou que le judaïsme orthodoxe se soit vraiment ouvert au monde extérieur, mais tout simplement parce que la philosophie des Lumières, reprises dans l’Allemagne Juive sous le nom de Haskalah a permis à la science de jouer son rôle émancipateur.
Or, précisément, ce que l’Islamisme combat c’est cette farouche volonté d’indépendance d’esprit qui fait qu’un Homme n’est pas un animal à dresser mais un esprit à construire. L’esprit voilà leur ennemi !
Il faut lire la postface de Kamel Daoud en conclusion de l’opuscule « le 7 octobre un pogrom du XXIème siècle » 2et plus encore son dernier roman « Houris » 3 pour se convaincre du danger de trop essentialiser un fait, autrement dit à isoler l’antisémitisme à l’encontre de 1% de Français juifs de la lutte anti-islamiste qui touche le pays tout entier pour ne citer que notre nation. Gaza n’est qu’un prétexte à l’idéologie islamiste. Les civils sont aussi des otages. Soit tu meurs en traître en fuyant, soit tu meurs en martyr en protégeant les combattants : tel est le crédo du Hamas qui occupe écoles et hôpitaux comme boucliers humains face à une coalition contre nature avec l’extrême droite orthodoxe qui, en Israël, pose aussi problème. Aujourd’hui, en Europe, les Juifs sont en première ligne, mais penser qu’eux seuls sont menacés c’est n’avoir rien compris. « Ces morts (les victimes du 7 octobre) sont aujourd’hui nos vis-à-vis exacts. Il ne faut pas les oublier, ni ceux-là ni les autres. Car dans le monde dit « arabe » c’est à partir du moment où l’on oublia les centaines de milliers de victimes du terrorisme islamiste que tout apparût possible comme complicité dans le meurtre de l’Autre. Et non seulement l’oubli, mais surtout l’acclamation aveugle et indécente du tueur comme libérateur. » 4
L’idéologie nazie objectivait l’éradication des Juifs non parce qu’ils ne pensaient pas comme les autres mais parce qu’ils étaient des « nuisibles ». L’islamisme s’inspire du nazisme au sens où il veut éradiquer les Juifs (et pas seulement Israël) et en même temps il est planétaire au sens où il considère les non-islamistes comme ses ennemis déclarés.
Voilà pourquoi il ne faut pas séparer l’islamisme du nazisme et surtout, le considérer plus dangereux encore. Il n’y a aucune différence entre l’incendie des synagogues lors de la nuit de Cristal en 1938, les dix années de guerre civile.
En Algérie et ses 200 000 tombes plongées dans un silence assourdissant imposé depuis 2005 5 par les islamistes et les militaires, la tuerie de Toulouse et de Montauban en 2012 où 7 personnes, dont 2 musulmans et 3 enfants juifs en bas-âge accompagnés de leur père trouvèrent une mort sauvage, les attentats de Paris en 2015 qui firent 130 morts issus de toutes les confession dont la moyenne d’âge était de 28 ans, le massacre de 86 personnes, dont beaucoup de musulmans le 14 juillet 2016 à Nice, la décapitation du curé Hamel en 2016, celle de Samuel Paty en 2020, le meurtre d’Alban Gervaise à Marseille en 2022, le pogrom du 7 octobre en Israël et le meurtre de Dominique Bernard à Arras en 2024.
A chaque fois c’est la liberté que les islamistes ont voulu étouffer. Liberté de croire ou de ne pas croire, liberté d’aimer la vie et la musique qui va avec, liberté de pouvoir enseigner et faire grandir l’Homme. Juifs, Musulmans, Chrétiens, qu’on vive en Afrique, en Europe ou au Moyen-Orient, les islamistes dans leur folie ravageuses ne font pas de quartier. « Tuez-les tous, Dieu reconnaitra les siens » disait Arnaud Amaury, légat du pape contre les Albigeois. Et les Islamistes ils disent quoi quand ils égorgent ?
Aujourd’hui on s’attaque aux Juifs et demain on s’attaquera à « l’Autre » pour reprendre l’image de Kamel Daoud. Ce que nous vivons est une guerre qui fragilise notre tissu social d’un attentat à l’autre. On se dit que d’autres suivront et d’autres encore : s’habituer; c’est cela le plus dangereux. Alors, pour nous donner bonne conscience, on accuse nos dirigeants de laxistes, on dénonce, on interprète, on suppute. On échafaude des théories, plus savantes les unes des autres. Notre époque c’est celle du « Il faut que » ou bien du «Il n’y qu’à » En revanche, personne pour dire que c’est ENSEMBLE, Juifs, Musulmans, Chrétiens, agnostiques qu’il nous faudra faire front contre ces islamo-gauchistes et ces résidus d’extrême-droite qui ne rêvent que de reconquête à la manière d’une Isabelle la Catholique. Ces politiciens ne sont que les idiots utiles d’un Islamisme qui les détruira tous, le moment venu.
Il en va de la survie de notre liberté.
Michel Dray
- Le Tournant, histoire d’une vie, édition français Acte-Sud; 1984. L’œuvre a été publiée à Münich en 1982, à titre posthume. Klaus Mann s’est suicidé en mai 1949 à Cannes. ↩
- Un pogrom du XXIème siècle, Israël 7 octobre 2023, Flammarion-Le Point 2024. ↩
- Houris, Gallimard 2024 ↩
- Postface de Kamel Daoud in Un Pogrom, cit ↩
- Texte dit de la Réconciliation qui impose en Algérie l’interdiction formelle de parler ou d’écrire sur la guerre civile en Algérie, sous peine de prison. ↩