Travail. Un mot qui a toujours fait partie de nos vies, pour le meilleur (fabrication de biens, création de services) comme pour le pire (le mot tire son origine du latin « tripalium » qui signifie « torture » … Le travail est aussi l’une des phases d’un accouchement, et certains métiers sont tellement difficiles – on parle alors de « pénibilité » – que l’on n’est finalement pas très loin du sens premier du terme). Avec tout un éventail de nuances entres les deux. Nécessaire gagne-pain pour les uns, vocation ou mission de vie pour d’autres, il ne laisse personne indifférent et questionne finalement notre rapport au monde et aux autres.
Un élève apprend ses leçons et fait ses devoirs. Un salarié exécute les tâches pour lesquelles il a été recruté. Un parent prend soin de son enfant. Un entrepreneur réalise les missions qu’on lui a confiées. L’habitant d’un logement assure son entretien. Toutes ces personnes travaillent et pourtant, leurs actions respectives n’auront pas le même impact : on travaille pour soi, pour autrui, ou pour quelque chose. Certaines tâches donneront lieu à une contrepartie, comme un salaire ou le paiement d’une prestation, ou encore de la gratitude, d’autres non. On agit par nécessité ou par choix. Mais dans tous les cas, ce sera en lien avec un besoin et la motivation pour satisfaire ce besoin.
Nos « besoins perpétuels » ou la Pyramide de Maslow
Abraham MASLOW, un psychologue américain, a recensé et hiérarchisé les besoins de l’être humain en élaborant sa célèbre pyramide. Toutefois, il faut bien garder à l’esprit que l’on ne peut passer au niveau supérieur que si et seulement si les besoins des étages inférieurs sont comblés.
- Niveau 1 – le physiologique : respiration, nourriture, eau, sommeil, homéostase (processus de régulation par lequel l’organisme maintient les différentes constantes du milieu intérieur – l’ensemble des liquides de l’organisme – entre les limites des valeurs normales) et sexe.
- Niveau 2 – la sécurité : celle du corps, de l’emploi, des ressources, la moralité, la famille, la santé et la propriété
- Niveau 3 – l’amour et l’appartenance : amitié, famille, intimité
- Niveau 4 – l’estime : estime de soi, confiance, réussite, respect des autres, respect par les autres
- Niveau 5 – auto-actualisation ou réalisation de soi : moralité, créativité, spontanéité, résolution des problèmes, absence de préjugés, acceptation des faits.
La pyramide des besoins face à nos cerveaux
Quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que l’on peut faire un parallèle avec nos trois cerveaux : le reptilien, le limbique et le néocortex. Et cela même si la pyramide de Monsieur Maslow a plus de strates que le contenu de notre boîte crânienne.
- Le cerveau reptilien correspond aux niveaux 1 et 2 de la pyramide car son but est de nous maintenir en vie. On peut également l’associer au concept d’intuition ou d’instinct
- Le cerveau limbique correspond au niveau 3. Il est aussi la partie du cerveau en lien avec les émotions.
- Quant au néocortex, il peut être associé aux deux derniers niveaux de la pyramide. C’est aussi celui qui fait de nous des êtres doués de « raison », c’est-à-dire la faculté de réfléchir, de questionner, de faire le lien entre deux choses…
Aujourd’hui, les niveaux 1 (le physiologique) et 2 (la sécurité) sont – du moins dans les pays dit « développés » – en grande partie satisfaits. Le niveau 3 (amour et appartenance) est aussi plutôt « bien loti ». Mais pour les deux derniers niveaux, ce n’est pas aussi simple, car ces besoins-là s’entremêlent avec les motivations. Ces dernières peuvent être intrinsèques (propres à soi, à ses envies) et/ou extrinsèques (influence de l’extérieur : personnes, lieux, objets…)
Une même situation peut être perçue de plusieurs façons…
La fable des trois casseurs de cailloux (attribuée à l’écrivain français Charles PEGUY) illustre bien ce constat. Lors d’une promenade, l’auteur chemine et rencontre trois travailleurs cassant des pierres. Le premier est triste et renfrogné, il fait ce travail faute de mieux, faute d’avoir trouvé autre chose. Le deuxième est un peu plus joyeux : ce n’est pas le travail dont il rêvait mais il lui permet de passer ses journées au grand air et de subvenir aux besoins de sa famille. Quant au troisième, il est carrément enthousiaste car il participe à la construction d’une cathédrale ! Comment la même tâche – en l’occurrence casser des pierres – peut-elle être perçue d’autant de façons différentes ? Essayons un peu d’analyser cette histoire.
- Le premier ouvrier travaille pour « gagner sa croûte », autrement dit pour subvenir à ses besoins. Il semble amer et peu motivé par son travail (a-t-il seulement essayé ne serait-ce qu’une seule fois de l’envisager comme l’un de ses deux camarades ?) Il se situe donc à cheval sur les niveaux 1 et 2 de la pyramide de Maslow.
- Le deuxième travailleur est aussi là pour se nourrir ainsi que ses proches. Mais lui a trouvé des éléments positifs sur lesquels s’appuyer pour s’accommoder de cet emploi : travailler au grand air, un salaire assuré. Il éprouve une forme de gratitude à être là et se situe donc plutôt au niveau 3 (avec de fait les niveaux 1 et 2 comblés) et frôlerait même le niveau 4.
- Enfin, le troisième compagnon lui se sent participer à quelque chose de plus grand que lui : il produit des pierres qui vont servir aux bâtisseurs de la future cathédrale. Il sait pourquoi il est là et il sait aussi que son travail est utile. Il est dont plutôt au niveau 4 de la pyramide de Maslow, et est celui qui s’approche le plus du niveau 5.
…d’où l’importance d’avoir une (des) motivation(s) suffisamment claire(s) et puissante(s) ou le concept du Cercle d’Or de Simon SINEK
En 2009, le conférencier américano-britannique Simon SINEK, auteur de livres sur le management et la motivation, donne une conférence TedX basée sur son livre « Start With Why » publié la même année. Il y présente les 3 cercles – l’intérieur (« why » (pourquoi)), le centre (« how » (comment)) et l’extérieur (« how » (quoi)) – qui sont basés sur…2 de nos cerveaux, le limbique et le néocortex ! Son concept peut se résumer en une phrase : « Les gens n’achètent pas ce que vous faites, ils achètent la raison pour laquelle vous le faites. » (Simon SINEK).
Pour le conférencier, ce sont nos émotions (donc le cerveau limbique) le véritable point de départ d’une action. Puis nous utilisons notre raison (soit le néocortex) pour justifier cette action. Le cerveau reptilien ne fait pas partie de l’équation, probablement parce que l’auteur part du principe qu’il s’adresse à des personnes vivant dans des conditions correctes (et que leurs besoins de base sont donc assurés). Reprenons nos trois casseurs de cailloux pour faire le parallèle avec le Cercle d’Or.
- Le premier ouvrier travaille pour assurer sa subsistance. Son « pourquoi » se résume à ses besoins de base (donc les niveaux 1 et 2 de la pyramide de Maslow). Son « comment » est « je prends le premier boulot qui se présente pour pouvoir manger » et son « quoi » est donc « casser des cailloux ». Il est pour ainsi dire en mode « survie », comment s’étonner après cela qu’il soit triste et amer quant à sa situation ?
- Le deuxième travailleur est content de travailler car il gagne un salaire pour vivre avec sa famille (niveau 3 de la pyramide de Maslow). Son « pourquoi » est « mettre ma famille à l’abri du besoin », son « comment » « trouver un emploi offrant des conditions de travail supportables », et son « quoi » est aussi « casser des cailloux ». Mais ici le « pourquoi » est basé sur l’émotionnel, l’affectif, qui est un moteur nettement plus puissant que pour le premier ouvrier car il permet de tenir dans la durée. Son « comment » et son « quoi » sont des choix cohérents qui découlent de ce « pourquoi ».
- Quant à notre troisième compagnon, il est heureux de participer à la construction d’une cathédrale (niveaux 4 et 5 de la pyramide de Maslow). Son « pourquoi » est « je me réalise en contribuant à quelque chose de plus grand que moi », son « comment « je fais un travail utile pour la communauté », son « quoi » « je produis des cailloux pour la future cathédrale ». Comme son camarade qui travaille pour ses proches, il a aussi un « pourquoi » fort (et même très fort !) pour le tenir motivé sur le long terme.
Vivre pour travailler ou travailler pour vivre ?
Qu’il se réalise par nécessité ou par choix, ou encore par vocation, le travail est l’un de ce ces éléments qui nous permettent de nous situer dans notre environnement et par rapport à notre entourage.
Même s’il ne donne pas toujours lieu à une contrepartie comme un salaire, il fait indéniablement partie de nos vies, à tous les âges.
De l’écolier qui apprend ses tables de multiplication au travailleur qui contribue à son échelon à l’évolution de la société, en passant par les parents qui élèvent leurs enfants, le travail pourrait être vu comme ce « fil rouge » qui relie toutes les étapes de notre existence.
Avec en filigrane une question : au regard de l’histoire des trois casseurs de cailloux (et du Cercle d’Or de S.SINEK), lequel d’entre eux nous représente le plus, et lequel voulons-nous vraiment être ?
Alexandra Dubus
Gestionnaire au sein d’une DRH publique