Avec la chute du dictateur sanguinaire syrien, l’investissement de quarante ans du régime des mollahs s’est volatilisé. Le journal officiel iranien Ham-Mihan écrivait dans son édition du 9 décembre 2024 : « En une semaine, tous les investissements politiques, économiques et militaires se sont envolés en fumée. »
Peu avant la chute de Damas, le média d’État Khabar Online rapportait : « Leur objectif est d’atteindre Sar-e Pol-e Zahab, (une ville) à l’ouest de l’Iran. Après nos analyses, nous avons compris que leur plan dépasse largement la Syrie et l’Irak… Pour empêcher que la guerre ne touche l’Iran, des mesures sérieuses et globales doivent être prises au plus haut niveau. Nous voyons les piliers défensifs de l’armée syrienne tomber les uns après les autres. »
Depuis les premières années de la République islamique, la dictature de la famille Assad a été un pilier essentiel du régime des mollahs dans la région. Depuis la guerre d’Ali Khamenei et de Khomeiny contre l’Irak, jusqu’à l’époque où Qassem Soleimani menait des massacres en Irak et au Liban et tuait des dizaines de milliers d’enfants ainsi que des centaines de milliers de Syriens en Syrie, la dictature quinquagénaire des Assad a toujours été considérée comme le « pilier central » de la stratégie régionale du régime.
En 2019, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, avait cité Ali Khamenei pour souligner l’importance de la Syrie pour le régime iranien : « Si je devais faire référence à une phrase précise concernant la Syrie, ce serait celle utilisée par le Guide suprême [Khamenei] : “La Syrie est le pilier central. Aujourd’hui, sans la Syrie, la résistance au Liban et en Palestine serait marginalisée. La Syrie est l’une des composantes principales, vitales et essentielles du corps, de l’esprit, de la culture, de la pensée et de la volonté de la résistance dans la région.” » (Site de Khamenei, 16 octobre 2019).
Un investissement colossal au détriment du peuple iranien
Pour maintenir Bachar al-Assad au pouvoir, le régime iranien a investi, selon des sources crédibles, au moins 50 milliards de dollars entre 2011 et 2019. Ces fonds ont été mobilisés par l’intermédiaire de Qassem Soleimani, et ce, au prix de la famine et de la pauvreté absolue de plus des deux tiers de la population iranienne. Cet investissement servait uniquement à réprimer les populations syriennes en quête de liberté et à massacrer des civils, y compris des enfants.
Lors du soulèvement populaire de 2017, les Iraniens scandaient : « Laisse la Syrie tranquille, pense à nous ! »
La justification de Khamenei : La « profondeur stratégique »
Pour justifier ses ingérences en Syrie, au Liban et en Irak, Khamenei a souvent évoqué le concept de « profondeur stratégique ». Il a déclaré à plusieurs reprises que, si le régime ne se battait pas dans ces pays, il serait contraint de se battre « dans les rues de Kermanshah, Hamedan et d’autres provinces iraniennes ».
En 2016, Khamenei expliquait également que l’envoi de Pasdaran et de mercenaires de la Force Qods en Syrie était une mesure défensive : « Celui qui part d’ici pour combattre en Irak ou en Syrie contre ces takfiris défend en réalité sa propre ville. » (Site de Khamenei, 25 juin 2016).
Un coup qui ébranle les fondations du régime iranien
Selon la théorie de Khamenei, l’effondrement de cette « profondeur stratégique » et la chute du « pilier central » en Syrie devraient rapidement se faire sentir à Téhéran, ébranlant les fondations du régime. Si Khamenei n’est pas capable de protéger son « pilier central » en Syrie, il est peu probable qu’il puisse maintenir son pouvoir en Iran.
Mehdi Taeb, un haut responsable des services de renseignement iraniens, avait exprimé cette idée de manière encore plus explicite en 2013 : « Si l’ennemi nous attaque et veut prendre la Syrie ou le Khouzistan (province pétrolière d’Iran), la priorité est de garder la Syrie. Car si nous conservons la Syrie, nous pourrons récupérer le Khouzistan. Mais si nous perdons la Syrie, nous ne pourrons pas non plus garder Téhéran. » (Journal Asr-e Iran, 14 février 2013).
Conclusion
Après la défaite stratégique du Hezbollah, Khamenei a subi un autre coup majeur avec la chute du régime de Bachar al-Assad, un pays qu’il considérait comme sa « 35e province ».
La libération du peuple syrien et de la région de Bachar al-Assad aurait pu avoir lieu il y a neuf ans, conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cependant, Khamenei s’y est opposé, préférant sacrifier les ressources iraniennes pour maintenir Assad au pouvoir.
Sans aucun doute, la chute du dictateur syrien constitue un coup fatal pour Khamenei et un signe clair de l’inévitabilité d’un changement démocratique en Iran.
Hamid Enayat
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