« Donnons du temps au temps », la célèbre maxime du Président Mitterrand a été appliquée à la lettre par le Président Macron en cette période estivale. Le Maître des Horloges s’est éternisé dans la nomination de son Premier ministre. Il aura fallu 51 jours pour que la France ne soit plus simplement « dirigée » par des ministres démissionnaires en charge des affaires courantes. L’excuse de la trêve olympique qui pouvait quelque part s’expliquer, pour assurer la concorde nationale, se révèle au grand jour comme une astuce présidentielle à gagner du temps sur la formation gouvernementale et atténuer ainsi quelque peu sa défaite électorale.
La recherche de la discorde intra partisane
Détecter les fissures autant à droite qu’à gauche pour mieux garder la main, tel était l’objectif du Président de la République, cet été. Il fallait faire en sorte que Renaissance apparaisse finalement comme le garant d’une stabilité politique face à des partis officiellement alliés mais qui se seraient finalement entredéchirés dans la proposition d’un/e futur/e première/e ministre.
Mais ce scénario ne s’est pas réalisé, en dépit des tensions nées pour un accord sur une personnalité à proposer du côté du Nouveau Front Populaire. Les alliances ont donc plus ou moins tenues et le parti Renaissance, défait en juillet, ne s’est pas remobilisé en août et est resté aux abonnés absents. Le Président de la République est donc apparu en première ligne de cette impossible recherche d’un consensus afin de nommer (article 8 de la Constitution) un Premier ministre qui ne serait pas en danger face à un vote de censure de la part de l’Assemblée nationale. L’heureux élu, Michel Barnier sort finalement du chapeau présidentiel et coiffe sur le poteau Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve, in fine, humiliés comme l’avait pu être Jean-Louis Borloo, en son temps.
Une lenteur de la décision qui pénalise le Premier ministre choisi
Officiellement cette attente avait pour objectif de s’assurer de cette non-volonté de l’Assemblée à censurer le Premier ministre nommé. En vérité, cette attente fragilise le choix et l’individu en question. Michel Barnier, c’est le moins que l’on puisse dire ne va se nourrir d’une dynamique venue de l’Elysée.
Le locataire de Matignon a été choisi par défaut.
Isolé sur sa gauche, il a annoncé que son gouvernement ne serait pas un jeu de chaises musicales en recasant des ministres de Gabriel Attal. Par conséquent, l’appui de Renaissance et des alliés comme le Modem ou Horizon n’est pas acté par avance. Sa seule solution est donc de puiser à droite au sein du parti « droite républicaine » arrivée seulement… cinquième à l’issue des élections de juillet, pas franchement très légitime en termes de représentativité.
Une chienlit orchestrée ?
Une semaine après sa nomination, Michel Barnier n’a pas encore proposé de noms pour constituer son équipe gouvernementale…les ministres démissionnaires ont vraiment démissionné, les appels à manifester dans les rues sont programmés…on n’est pas d’une chienlit généralisée. Mais de ce désordre, in fine, le Président de la République pourrait en être paradoxalement le bénéficiaire.
Un Parlement atomisé, des partis fragilisés, un Premier ministre faible…resteraient en dernier recours, comme alternatives, le pouvoir dans la rue ou …à l’Elysée.
C’est machiavélique mais c’est jouable pour E.Macron et c’est vieux comme le monde. Diviser pour mieux régner n’est pas nouveau et une recette ancestrale gagnante. L’orchestration de cette zizanie, d’aucun à considérer comme maléfique pour le pays, serait salvateur pour son auteur et par là-même sa seule issue, qui aboutirait en juillet 2025 à redissoudre l’Assemblée nationale.
Au final, cette lenteur, certes contestable et contestée, ne serait-elle pas une illustration d’une mise en action de la sagesse digne de la chambre haute du parlement, nouveau mantra d’un Président isolé et en quête de sauver son second quinquennat ?
Frédéric Dosquet,
Docteur en sciences de gestion, Hdr (direction de thèses doctorales),
Professeur Eklore School of Management,
Auteur de 19 livres dont Marketing et Communication politique, EMS, 3eme édition.
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