Depuis quelques mois, l’idée s’est imposée dans le commentaire politique : il y aurait désormais “deux fronts républicains”, l’un dirigé contre le Rassemblement national, l’autre contre La France insoumise. Cette assimilation est trompeuse.
En réalité, il n’existe pas deux fronts républicains : il y a un front républicain, bien identifié et consolidé, et un autre mécanisme, plus récent, qu’il faut nommer autrement.
Le front républicain est une construction historique. Il apparaît dès 1983 à Dreux, se cristallise en 2002 lors du second tour Chirac–Le Pen, puis se manifeste à nouveau aux présidentielles de 2017 et 2022, et encore lors des élections européennes de 2024.
Sa logique est claire : empêcher une force politique jugée incompatible avec l’universalisme républicain et les institutions démocratiques d’accéder au pouvoir. Le FN, puis le RN, incarnaient ce danger structurel et idéologique : contestation de l’égalité républicaine, repli nationaliste, rejet de l’Europe, liens ambigus avec Moscou.
Mais, peut-on employer le même terme face à LFI ? La réponse est non. Car si un réflexe de rejet existe bel et bien, il ne repose pas sur la même nature de menace. Il est plus récent : il prend corps après le 7 octobre 2023 et les ambiguïtés majeures de LFI autour du Hamas. Le Mélenchon de 2024 n’a plus grand-chose à voir avec celui de 2022, et encore moins avec celui de 2017, alors simple tribun social-populiste. Son mouvement s’est enfermé dans une stratégie de conflictualisation permanente, une mise en tension de toutes les institutions, un mépris du compromis parlementaire, des ambiguïtés lourdes sur la laïcité et l’antisémitisme.
LFI se réclame de la République, mais la fragilise de l’intérieur. Là où le RN met en danger l’universalisme, LFI menace le fonctionnement civique : l’équilibre de la démocratie, la cité, la vie collective.
Le RN joue aujourd’hui davantage le jeu du parlementarisme que LFI, qui mise sur le désordre et la surenchère.
C’est pourquoi il est inexact de parler de deux “fronts républicains”. Face au RN, oui : il y a un front républicain, défense des principes et de l’universalisme. Face à LFI, c’est d’un autre registre qu’il s’agit : un front civique (on pourrait dire aussi front démocratique), c’est-à-dire une coalition de refus destinée à préserver la cité, la démocratie concrète, le vivre-ensemble et la continuité institutionnelle.
Nommer les choses est essentiel. Confondre les deux fronts, c’est céder à une symétrie facile qui masque la réalité : d’un côté, le RN met en cause l’universalisme républicain ; de l’autre, LFI mine la cohésion civique.
Il faut le dire clairement : il n’existe pas deux fronts républicains.
Il existe un front républicain, et un front civique.
Dr HDR Virginie Martin
Politiste, sociologue
Kedge BS – Medialab
Source : Benny Marty / Shutterstock.com















