Immigration, que n’entend-on dire en ton nom ! Fake news, contre-vérités, polémiques, batailles statistiques, sondages… Et propositions des partis, des candidats désignés, du gouvernement ; des murs ici, des barbelés là, des centres d’accueil, des centres de rétention, des expulsions, des « hotspot », la suppression d’allocations familiales, le moratoire, la panoplie des mesures est sans fin.
A les écouter, la France deviendrait une « lessiveuse à immigrés ». Le pays des Lumières et des Droits de l’Homme devrait impérativement se débarrasser de ses clandestins et de sa population d’origine étrangère — maghrébins, orientaux, subsahariens et même européens.
Assurément, la surenchère migratoire induite par la théorie fumeuse du « Grand Remplacement », tourne au « grand carnaval ». Et si on redevenait, avec les chiffres, sérieux à défaut de raisonnable ; et si on devenait propositionnel plutôt que passionnel pour résoudre durablement et efficacement l’équation migratoire ?
Commençons par les chiffres. Les immigrés représentent, en 2021, 10,2% de la population française. Ils étaient 7,3%, 22 ans auparavant. En 2019, près de 280 000 titres de séjour ont été délivrés à des ressortissants non européens, soit 90% de plus qu’en 2000. 132 000 personnes ont demandé l’asile politique en 2019 contre 40 000 en 1999. L’immigration clandestine est estimée à 700 000 personnes.
Dans l’Union européenne, Chypre, Malte, la Suède, l’Autriche, l’Allemagne devancent la France pour le nombre de réfugiés et demandeurs d’asile accueillis en 2021. A titre d’exemple, la France est à 8 pour 1000 habitants quand l’Allemagne est à 22 pour 1000, et la Turquie 48 pour 1000. Nous sommes loin de la submersion annoncée !
S’il y a eu échec depuis des années dans la politique migratoire de notre pays, c’est celui de l’intégration ! Hausse de l’immigration familiale, concentration à la périphérie des villes et chefs-lieux de canton de population d’origine africaine et de religion musulmane, et pauvreté de ces populations (40% d’entre eux sous le seuil de pauvreté) en sont les causes principales.
Ces ghettos sociaux religieux et ethniques, loin de favoriser l’assimilation, ont cultivé le communautarisme, le séparatisme et tous les trafics…
Pour y faire face, il faut tout remettre à plat avec des mesures ciblées : instauration de quotas, votés par le parlement, définissant le nombre annuel d’entrants par filières économiques prédéfinies. Cela nécessitera une réforme de la Constitution ; instauration d’un niveau maximum de 30% de logements sociaux par ville ; instauration d’une norme maximum de 30% d’étrangers dans un quartier. L’urbanisme et la mixité sociale sont l’arme politique pour déconstruire les ghettos quand on ne résonne pas le développement de la cité en termes électoralistes.
Il n’est que temps de créer une Agence européenne pour les réfugiés, afin de créer un fichier européen des demandeurs de l’asile politique et éviter ainsi que ces demandeurs deviennent des « nomades de l’asile » au gré des refus, de pays en pays ; créer une « bourse de réimplantation » pour faciliter les retours des demandeurs refusés.
Pour la protection de nos frontières nationales et européennes, la réforme des Accords de Schengen est indispensable avec l’impératif de l’unification des mêmes règles pour tous les pays ; de même le rôle de Frontex, qui doit être renforcé et précisé, et ses moyens humains et techniques doublés (10 000 hommes prévus en 2027). Mais l’Agence, du fait de sa montée en puissance, ne doit pas échapper à un contrôle de l’UE et sa transparence doit être assurée.
Erdogan avec le chantage migratoire envers la Grèce et l’UE, les islamistes de Tripoli avec leurs trafics en Méditerranée, le président Biélorusse avec la Pologne ont montré que les migrants étaient une arme politique de déstabilisation idéologique et économique redoutable. Une arme de guerre que seule la dimension européenne peut permettre de combattre. N’oublions pas que si dans cette bataille des frontières, l’Union européenne a failli, de 2015 à 2018, perdre son âme, elle a surtout appris à faire.
Mais ne rêvons pas ! Toutes les mesures nationales et européennes que nous prendrons dans les temps qui viennent ne suffiront pas à conjurer les défis migratoires.
Pourquoi ? Parce que nous allons être victimes de la démographie. En 2050, l’Afrique comptera 2,5 milliards d’habitants, soit le double de sa population actuelle ! Dans le même temps, la France aura 85 millions d’habitants et l’Union européenne 450 millions. Le Nigéria sera le troisième pays le plus peuplé de la planète après l’Inde et la Chine, avec 290 millions d’habitants. Si l’état de pauvreté du continent africain demeure en l’état, ce n’est pas 2 à 4 millions de migrants qui menaceront l’Europe, mais des vagues de dizaines de millions… Et ce ne sont ni les mers, ni les murs, ni les barbelés, ni Frontex qui les arrêteront !
Le co-développement avec l’Afrique
Le continent africain est devenu, du fait de ses richesses minières et énergétiques et de sa richesse humaine, un enjeu de compétitions économiques entre puissances. Il est aussi devenu -la pauvreté étant le terreau du terrorisme- un espace de prolifération de l’islam radical, face auquel la France et l’Europe sont en première ligne. La vitalité démographique du continent ne va qu’amplifier ces deux phénomènes de concurrence économique et de terrorisme…
Dans le futur, seule une véritable politique de co-développement entre l’Europe et l’Afrique peut résoudre durablement le problème des vagues migratoires. En effet, pour éviter que les populations pauvres et notamment les jeunes (70% de la population du continent a moins de 25 ans) ne quittent leur pays pour prendre les chemins de traverse de l’exil, il faut y assurer un développement leur permettant d’y travailler et d’y vivre dignement dans leur village, dans leur ville. La « tentation de l’eldorado européen » ne vient que de l’absence d’avenir sur place… Ce développement viendra aussi tarir le recrutement de jeunes, « main-d’œuvre choyée » de futurs djihadistes.
Cela nécessite que dès aujourd’hui et chaque année, l’Union européenne réalise des investissements financiers massifs en Afrique dans l’agriculture, l’industrie, le numérique, la santé, l’éducation et la formation professionnelle.
Ce développement accéléré est l’assurance de notre sécurité et de notre bien-vivre futur. Pour ce faire, pas de « Plan Marshall » mais un « Pacte d’Intérêts Mutuels » (PIM), dans le droit-fil du Sommet de Paris de mai 2021 sur le financement des économies africaines, où le FMI a débloqué 285 milliards de dollars supplémentaires pour l’Afrique pour la période 2021-2025. Le Sommet avait aussi prévu l’usage d’une Allocation générale des droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI d’un montant exceptionnel de 650 milliards de dollars, pour aider le continent africain face aux conséquences de la pandémie. Le financement du PIM peut donc être trouvé par l’Union européenne si la volonté politique de faire existe.
Le Sommet Europe-Afrique de février 2022 à Bruxelles, programmé par le Président Emmanuel Macron, devrait être le « Jour J » de cette ambition de co-développement entre les deux continents, dans un pari « gagnant-gagnant » pour l’Afrique en réduisant son passif de développement, et pour l’Europe en limitant ses flux migratoires, ce qui lui assurera sa stabilité politique et confortera sa prospérité en participant activement à l’essor du marché africain, où il faudra éduquer, former, loger, nourrir et vêtir des centaines de millions de personnes.
La réforme du fonds européen de développement
Pour mener cette politique de développement audacieuse, l’Union européenne dispose d’un outil, le FED, qui n’est pas une politique souveraine de l’UE mais déléguée par les Etats à la Commission européenne, en codécision avec le Parlement européen. Dotée d’un budget de près de 35 milliards d’euros pour la période 2021-2027, il fait de l’UE le premier bailleur de l’aide publique au développement au monde.
Mais, cet outil consacré à la réduction de la pauvreté et à la promotion des valeurs démocratiques pour les 77 pays ACP -dont 56 Etats africains- est, aujourd’hui, obsolète. En effet, il est devenu, au fil du temps, un simple distributeur d’argent sous conditionnalités, incapable de rivaliser avec la concurrence déloyale de la Chine, des Etats-Unis et autres pays émergents.
Dans le cadre d’une politique de co-développement, ne pourrait-on pas favoriser, à la place du « FED guichet financier » la création d’Agences euro-africaines dédiées, à savoir pour la santé, l’éducation, les infrastructures, l’environnement, l’énergie, la gouvernance ? Ces Agences seraient cogérées par l’UE et l’Union Africaine et feraient vivre dans chacune d’elles les projets présélectionnés et financés.
Le prochain Sommet Europe-Afrique sera un bon indicateur de la volonté politique française et européenne d’engager enfin cette politique de co-développement, seule à même d’empêcher le cataclysme migratoire annoncé.
Michel Scarbonchi
Ancien Député Européen